L’historien Pierre Cras, spécialiste des États-Unis revient sur “l’affrontement historique entre la population noire américaine et la police”.
ÉTATS-UNIS – Une semaine après la mort de George Floyd à Minneapolis lors d’une interpellation policière, des émeutes ont éclaté un peu partout dans le pays en mémoire de cet Afro-Américain de 46 ans. Des mouvements de solidarité et de dénonciation des violences policières ont aussi éclaté un peu partout dans le monde, à Londres, Berlin, Montréal ou Paris.
Sa mort filmée en intégralité et diffusée sur les réseaux sociaux est loin d’être un acte isolé, comme nous l’explique l’historien spécialiste des États-Unis, Pierre Cras. Enseignant-chercheur à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, il revient sur la longue histoire des violences policières aux États-Unis et sur les stéréotypes associés à la population noire américaine qui prendront “beaucoup de temps” avant d’être démantelés selon lui.
Le HuffPost: Comment qualifiez-vous ce qui se passe en ce moment aux États-Unis?
Pierre Cras: La question des brutalités policières est endémique aux États-Unis. Il y a une “tradition” de violence envers le corps noir, notamment masculin. Il y a un impensé collectif américain au sein duquel le corps noir subit des violences et c’est presque un fait habituel. C’est exactement ce qui se joue en ce moment.
“Toute l’histoire des États-Unis est émaillée de ce rapport de force entre la police et la population noire américaine”
C’est-à-dire?
Depuis l’esclavage et le 19e siècle, on pense que le corps noir peut-être maltraité à l’envi, car il est censé être “plus robuste”. On voit ce discours resurgir à demi-mots, y compris en France, de la part de ceux qui ne veulent pas reconnaître le caractère raciste de la violence policière. On a des gens qui disent “je ne comprends pas qu’un homme aussi corpulent cède sur cette prise”. Toute l’Histoire des États-Unis est émaillée de ce rapport de force entre la police et la population noire américaine. En ce moment, cela resurgit avec le mouvement “Black Lives Matter”.
La mort de George Floyd a entraîné des émeutes dans tout le pays, on pense également à Ferguson à 2016. Diriez-vous que c’est à chaque fois le même processus?
On observe à chaque fois le même cycle: des brutalités policières sur un individu noir, dans les deux cas que vous citez entraînant sa mort, et des émeutes qui s’en suivent pour dénoncer l’impunité. Les circonstances exactes peuvent être différentes, mais c’est la même dynamique. Le caractère récurrent est marquant. Le fait que les brutalités policières soient généralement suivies d’émeutes est le signe que la population noire ne se sent pas protégée par les institutions censées le faire.
“La problématique sous-jacente est celle du racisme institutionnel”
Les quatre policiers ont été limogés. Diriez-vous que la réponse a été rapide? Est-ce une nouveauté?
Quand Rodney King est passé à tabac par des policiers blancs à Los Angeles en 1991, c’est filmé en direct. Les policiers ont été acquittés et cela entraîne les émeutes de South Central (Los Angeles). C’est entre autres cette peur de l’impunité qui conduit aux émeutes. Le fait de prendre une décision symbolique en congédiant les policiers aussi rapidement est sans doute dû au poids des réseaux sociaux et au fait qu’on a quasiment diffusé un meurtre en direct. Tout le travail de fond des militants et des jeunes générations du mouvement Black Lives Matter joue également. Cela rappelle les Black Panthers qui, dès 1966, venaient avec un enregistreur pour capter ce que disaient les policiers. Ça marque peut-être une évolution, mais la problématique sous-jacente est celle du racisme institutionnel et de la violence étatisée envers le corps noir.
À vous entendre, on dirait que peu de choses ont évolué depuis les émeutes raciales des années 1960…
On fait face à un continuum qui est profondément enraciné dans l’histoire des institutions américaines. Les militants déjà présents dans les mouvements des droits civiques des années 1960 voient leurs petits enfants aller manifester en ce moment et sont atterrés. Ils disent ”Jamais je n’aurais cru qu’on aurait encore à manifester soixante ans plus tard”. Le schéma est similaire. Quand bien même l’Histoire change, évolue, des symboles forts ont vu le jour… Il était impensable de voir un président noir aux États-Unis, mais Barack Obama non plus n’a pas pu mettre fin à ce long continuum.
“Les émeutes sont un symptôme, le mal est plus ancien”
Pour quelles raisons?
Il aurait fallu plus que deux mandats. Eric Garner est mort étouffé en 2014 après son arrestation par des policiers. Lui aussi a dit “I can’t breathe”. En 2009, c’est l’historien Henry Louis Gates Jr qui est arrêté devant chez lui. La porte de son domicile est coincée et il tente de la forcer pour rentrer chez lui. Il est vu par la police comme en train de commettre une infraction. Dans l’imaginaire collectif américain, l’homme noir est une menace et, par défaut, un criminel.
Pensez-vous que ce qui se passe en ce moment marque un tournant? Des manifestations en soutien à George Floyd ont été suivies à Montréal, Londres, Berlin, Bordeaux…
Je suis partagé. L’historien que je suis vous dirait que c’est tristement le cycle qui se répète. Mais à titre personnel j’ai envie d’espérer que cela marque une évolution. Il faudra beaucoup de temps pour démanteler ces stéréotypes très anciens de la civilisation américaine accentués par les inégalités spatiales, économiques et politiques qui touchent encore les Noirs américains. Les émeutes sont un symptôme, le mal est plus ancien.
Source: https://www.huffingtonpost.fr/
les américains n’ont pas a donné des leçons aux restent du monde en matière de droit de l’homme.
un pays foncièrement raciste.
AGR€$$IFOCCID€NTAUX
ROUL€AU_COMPR€$$€UROPÉ€N
INGRATLANTI$T€
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