ABIDJAN (AFP) – samedi 05 février 2011 – 18h16 – L’étranglement financier tenté par Alassane Ouattara et ses alliés extérieurs contre Laurent Gbagbo pour le forcer à céder le pouvoir en Côte d’Ivoire commence à affecter durement le régime en place, mais contribue aussi à une sérieuse dégradation de l’économie du pays.
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rnEn décidant fin janvier de fermer le robinet de la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) à ses agences ivoiriennes, l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uémoa) a porté un coup très dur au président sortant.
Si, en réquisitionnant les antennes ivoiriennes de la BCEAO juste avant, le gouvernement Gbagbo a pu, selon des sources concordantes, récupérer d’importantes sommes d’argent, le système bancaire ivoirien s’est trouvé profondément désorganisé.
"D’ici une semaine, dix jours, tout risque de se bloquer", s’inquiète un banquier sous couvert d’anonymat.
Le gouvernement Gbagbo est "en train de déployer" un nouveau système pour permettre aux banques de la place de travailler correctement, assure cependant à l’AFP son porte-parole, Ahoua Don Mello.
Reconnu président élu par la communauté internationale mais sans contrôle sur les institutions, Alassane Ouattara mise beaucoup sur l’étouffement économique et financier de son rival.
Pour le régime Gbagbo, l’enjeu du moment est "d’alimenter le système en liquidités" alors qu’il y a "de moins en moins d’argent pour faire tourner léconomie", désormais largement coupée de l’extérieur, analyse une source proche du dossier. Il y a un "risque que des banques ferment", souligne-t-elle.
D’autant que la rupture avec la BCEAO s’ajoute aux sanctions (gel des avoirs), notamment européennes, contre le camp Gbagbo et des entreprises ivoiriennes (ports, banques, pétrole…) accusées de financer un pouvoir "illégitime".
Signe que les caisses se vident: le pays n’a pas honoré le paiement prévu fin janvier des 30 millions de dollars d’intérêts d’un emprunt à des créanciers privés.
Le régime "préfère payer les fonctionnaires et les militaires", dont la fidélité lui est vitale, décrypte un bon connaisseur du dossier.
Chaque mois, il doit trouver de 100 à 150 millions de dollars pour payer 104.000 fonctionnaires et 55.000 soldats, estime-t-on à l’ONU.
En la matière, "on a au moins deux mois encore sans problème", affirme une source à la présidence Gbagbo.
Par un effet domino, tous les secteurs de l’économie la plus puissante d’Afrique de l’Ouest francophone sont aujourd’hui affectés par la crise.
Fermeture d’entreprises, chômage technique, inflation, opérations d’import-export ralenties: "la situation socio-économique se dégrade drastiquement", selon la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI).
Le cacao, dont la Côte d’Ivoire est premier producteur mondial, n’échappe pas au combat entre les deux rivaux. Le camp Ouattara en a ordonné l’arrêt des exportations jusqu’à fin février et des exportateurs majeurs semblent avoir obtempéré.
Le carburant risque aussi de manquer. Les difficultés d’approvisionnement de la Société ivoirienne de raffinage (SIR, sous sanctions européennes) peuvent "à brève échéance" entraîner une "pénurie en carburant et en gaz", selon une organisation professionnelle.
Pendant que les médiations diplomatiques restent sans effet, chaque camp veut croire que le temps joue pour lui sur le front économique.
Si les salariés "ne peuvent pas être payés, est-ce quils vont rester les bras croisés jusqu’à être affamés? Une émeute ne serait pas contre Gbagbo, mais contre Ouattara", prédit un membre de l’entourage du sortant.
A l’inverse, d’après le porte-parole du gouvernement Ouattara, Patrick Achi, "c’est un moment de sacrifices" pour parvenir à "une Côte d’Ivoire de paix" et de prospérité.
AFP
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