G7 de Biarritz : quand la presse africaine s’interroge

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REVUE DE PRESSE. Le regard posé par les confrères du continent sur le sommet tenu en présence de présidents africains en dit long sur l’ambivalence nourrie à l’endroit du G7.

Donc, cette année, le G7, groupement de pays qui concentrent 62 % de l’économie mondiale, était placé sous le signe de la lutte contre les inégalités. Dans ce cadre, huit pays non-membres du G7, dont cinq africains (Afrique du SudBurkina FasoÉgypteSénégalRwanda), avaient été conviés. Également présent, Akinwumi Adesina, président de la Banque africaine de développement (BAD). Du politique donc, mais de l’économique aussi.

Les raisons d’une présence

Pour le média rwandais New Times, le choix des pays invités ne doit rien au hasard, mais à un savant dosage. Paul Kagamé du Rwanda a été invité en tant qu’ancien président de l’Union africaine, Al-Sissi d’Égypte au titre de président actuel de l’Union africaine, Cyril Ramaphosa au titre de président récemment élu de la 2e puissance économique du continent, l’Afrique du Sud, Macky Sall comme président du NEPAD, et enfin Roch-Marc Christian Kaboré comme président du G5 Sahel et comme chef d’État d’un pays en première ligne quant à la question sécuritaire et terroriste au cœur d’une région tendue. Explication en plus concernant le pays dirigé par Paul Kagamé : « Le Rwanda a un rôle géostratégique majeur à jouer dans la zone des Grands Lacs. De plus, depuis octobre 2018, c’est une Rwandaise, Louise Mushikiwabo, qui est à la tête de l’Organisation internationale de la francophonie [OIF] », rappelle le New Times.

G7, cheval de Troie diplomatique ?

Très incisif, le journal burkinabè L’Observateur regrette de son côté que les invités africains au sommet de Biarritz « n’y sont pas allés avec des points de vue concertés. Ils n’y étaient pas en une délégation du continent. Dès lors, on se risque à dire que chacun des cinq chefs d’État pourrait avoir vu dans l’invitation à participer à cette rencontre une considération pour la structure qu’il dirige, un bonus diplomatique pour son pays et pourquoi pas un honneur à titre personnel ». Le journal avance même que « la France profite de sa présidence d’un sommet international pour essayer de promouvoir ses intérêts bilatéraux qui lui paraissent importants en ce moment : ainsi en est-il du Rwanda avec lequel l’Hexagone travaille à améliorer ses relations ; de l’Afrique du Sud où Macron projette une visite officielle en 2020 ; de l’Égypte dont la France attend un plus grand rôle dans le règlement de la crise libyenne ».

Un coup pour rien ?

Le quotidien burkinabè Le Pays pointe quant à lui le déséquilibre inhérent à ce genre de sommet. « Les riches ne s’intéressent aux pauvres que par acquit de conscience », explique-t-il dans son éditorial, qui détaille l’inégalité intrinsèque au système économique mondial. Les pays membres du G7 « tirent une partie de leur opulence de l’ordre économique et politique mondial qu’ils ont mis en place depuis toujours. Et l’on n’a pas besoin d’être spécialiste en sciences politiques encore moins en sciences économiques pour savoir que tout a été ficelé pour que l’Afrique soit réduite à tirer le diable par la queue. Pour s’en convaincre, l’on peut invoquer l’inégalité des termes de l’échange et le fait que les matières premières africaines ne sont pas achetées à leur juste prix pour combattre efficacement les inégalités. Il faut donc agir impérativement sur ces deux leviers pour permettre à l’Afrique de sortir la tête de l’eau » .

Même constat pour le journal burkinabè L’Observateur pour qui il ne faut pas se fier aux « bonnes intentions françaises ». « La triste réalité, c’est que l’Afrique, qui participe à environ 5 % du commerce mondial, a de la peine à se faire entendre sur ses problèmes spécifiques relatifs au changement climatique, aux évasions fiscales orchestrées par les multinationales, au chômage, à l’insécurité, etc. », commente le journal burkinabè.

La formule du G7 interrogée

Puis la composition même du G7 semble suspecte, et « il se pose aujourd’hui la nécessité de revoir même le format du G7, car, visiblement, les réalités qui ont prévalu à sa création ne sont plus les mêmes aujourd’hui. L’absence, par exemple, de la Chine en son sein peut être perçue comme une incongruité ». Donc pas de doute pour Le Pays, « les cinq présidents africains invités à ce sommet l’ont été juste pour meubler le décor et permettre aux sept pays les plus industrialisés du monde capitaliste de décharger leur conscience ».

Pourtant, le média sénégalais Senejournal veut voir dans cette participation l’indice que « la France a choisi de convier le Sénégal, le Burkina Faso, le Rwanda, l’Afrique du Sud et l’Égypte, véritables partenaires pour bâtir un partenariat renouvelé, d’égal à égal avec ce continent d’avenir qu’est l’Afrique. Cette ouverture du G7 est une évolution inédite du format », rappelant au passage la déclaration d’Emmanuel Macron, lors de son discours à l’Assemblée générale des Nations unies, en septembre 2018 : « Le temps où un club de pays riches pouvait définir seul les équilibres du monde est depuis longtemps dépassé. »

G5 Sahel : intégrer les changements de stratégie

Sur le dossier Sahel, Paris avait semblé un temps plaider pour la transformation du G5 Sahel en mission des Nations unies. Mais face aux réticences américaines, l’option d’un nouveau « partenariat » pour la sécurité au Sahel s’est esquissée lors de ce sommet. Si le président burkinabè Roch Kaboré a clairement exprimé son souhait d’un renforcement des moyens des pays membres du G5 Sahel, la France et l’Allemagne se sont engagées à soutenir l’organisation sahélienne, mais à travers un nouveau pacte de sécurité élargi aux autres pays de la Cedeao (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest).

Du côté du Mali, également membre du G5 Sahel, le site Maliweb observe que « le chef d’État français a usé de tous les moyens diplomatiques dont il dispose pour faire rallier tout le monde pour la sécurité au Sahel. Notamment dans le cadre d’un nouveau partenariat dont la zone d’intervention s’étendra jusqu’aux rives du lac Tchad. Il espère ainsi pouvoir faire amener la communauté internationale, par le biais du mandat onusien, à épauler les forces armées des pays membres du G5 Sahel, mais aussi leurs policiers et douaniers ». Le Maliweb rappelle un « contexte sécuritaire de plus en plus inquiétant dans l’espace sahélien. Ce qui doit interpeller fortement la communauté internationale afin qu’elle permette l’attribution à la force conjointe du G5 Sahel d’un mandat plus robuste sous le Chapitre 7 de la Charte de l’Organisation des Nations unies ».

Mais l’Adiac, l’agence d’information d’Afrique centrale, pointe le danger et l’inefficacité d’une approche qui ne serait que militaire. « Le volet militaire du G5 Sahel a été un échec. Il a surtout pris le dessus sur les autres axes de l’initiative régionale qui donnent la priorité au développement et la gouvernance. […]. Emmanuel Macron et Angela Merkel l’ont compris en initiant l’Alliance Sahel et en mobilisant d’autres partenaires à Biarritz. »

Libye : le flou politique dans un environnement incertain

Quant au dossier libyen, le journal égyptien en ligne Ahram note sobrement que « le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi et son homologue français Emmanuel Macron ont convenu de conjuguer leurs efforts pour préserver les institutions nationales libyennes et parvenir à un règlement du conflit dans le pays. Les deux dirigeants ont souligné la nécessité de parvenir à un règlement en Libye de manière à éliminer le terrorisme et à limiter l’ingérence étrangère dans le pays ».

Mais pour le Libya Heraldla déclaration finale sur la Libye appelle certes « à une trêve, une solution politique et une conférence », mais reste « non contraignante ». Le média libyen semble aussi regretter que cette déclaration « ne qualifie pas Khalifa Hafter et son armée nationale libyenne [LNA] d’agresseur, et ne l’invite pas à revenir au statu quo antérieur. On se souviendra que c’est Hafter qui a lancé la guerre à Tripoli le 4 avril dernier dans le but de la libérer des islamistes, terroristes et milices ».

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L’économie sur la table avec l’Afrique du Sud

Du côté de la presse sud-africaine, la tonalité est à l’économie. The South African observe que Cyril Ramaphosa a abordé à Biarritz « le nouvel accord de zone de libre-échange [ZLECA] avec le continent africain, récemment adopté par 55 pays ». Pour Cyril Ramaphosa, cette zone représenterait « un exploit capital » liant plus de 1,2 milliard de personnes sur le continent. Le média en ligne sud-africain rapporte la déclaration du président sud-africain : « Dans le cadre de la coopération Sud-Nord, nous espérons que les pays du G7 se joindront à nous dans un partenariat mutuellement bénéfique. »

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Un problème de perception et de respect

La presse sud-africaine s’est aussi amusée, et parfois offusquée, de la bévue d’une journaliste de l’Associated Press. Lors du sommet du G7 à Biarritz, en France, le journaliste a sous-titré une photo avec les mots : « Le leader mondial porte un câlin devant la photo de groupe @ # G7Summit à Biarritz, en France. @EmmanuelMacron, @narendramodi, @JustinTrudeau et un dirigeant non identifié. » Le dirigeant non identifié n’était autre que le président sud-africain Cyril Ramaphosa.

Pour le média rwandais New Times, « Internet a immédiatement pris feu. Beaucoup étaient fâchés d’apprendre que la journaliste avait traité Ramaphosa avec mépris et ne s’était même pas souciée de connaître l’identité du président noir ». Le média estime que « l’incident indique le fait que pour les soi-disant médias grand public, tout ce qui est africain ne vaut pas la peine de faire des recherches, il suffit simplement de gratter la surface, à moins que, bien sûr, les Africains ne se fassent tuer. Nous avons toujours répété que les Africains doivent raconter l’histoire de l’Afrique ». Une réflexion qui mérite qu’on s’y arrête tant cette réalité est symptomatique de la considération que l’on a dans certains milieux pour l’Afrique, ses ressortissants et les questions qui la préoccupent.

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