Dans la journée du 10 juillet 2007, s’est tenue une rencontre de concertation et de coopération entre une délégation conduite par Abou Sow, gouverneur de la région de Ségou, et celle conduite par Pascal Bénon, son homologue de la Boucle du Mouhoun.
Ces retrouvailles font suite à beaucoup d’autres qui ont été entreprises par les autorités des deux pays depuis la tragédie qui a eu lieu le 29 juin de l’année dernière entre les populations de Wanian (Mali) et de Worokuy (Burkina). La réunion, qui s’est tenue à Nouna, s’est déroulée dans une bonne ambiance et a accouché d’un communiqué final qui maintient le statu quo sur les différentes mesures prises lors des rencontres précédentes.
En cette matinée bien humide du 10 juillet 2007 dans le département de Djibasso, à moins d’un kilomètre de la frontière entre le Mali et le Burkina, deux missions ont vécu une situation cocasse : la première, composée d’hommes de presse du Burkina Faso, se rendait à la frontière, sur cette fameuse ligne imaginaire, pour voir à quoi ressemble une borne qui délimite deux Etats ; la seconde était conduite par le gouverneur de la région de Ségou.
Elle se dirigeait dans le sens opposé, à Nouna, pour rencontrer le gouverneur de la Boucle du Mouhoun, dans le cadre de la concertation périodique sur le bornage de la frontière entre les deux pays.
Ces deux équipes, qui auraient pu se croiser, ont rencontré sur leur chemin un obstacle de Dame Nature : dans le dernier village, un cours d’eau, certainement un bras du fleuve Mouhoun, charriait ses eaux tumultueuses avec un courant si fort que sa traversée par un véhicule était des plus périlleuses.
Et voilà donc deux délégations qui se regardaient de part et d’autre du large bassin et qui ne pouvaient se dire bonjour qu’en gesticulant. Rageant ! Quand on pense que tôt le matin, il n’y avait pas une goutte d’eau dans le lit de cette rivière.
Il fallait donc attendre. Deux heures plus tard, la mission du gouverneur de Ségou décida de risquer la traversée. Tous leurs véhicules atteignirent l’autre rive, sauf un ! Celui du chef de mission qui devait boucler la boucle. Le plus marrant dans cette histoire est que la voiture de l’illustre hôte, après quelques rugissements, commença à toussoter, s’éteignit et s’immobilisa dans l’eau, là où le courant était le plus fort en plus.
Consternation chez tous les spectateurs, surtout du côté des Maliens, qui ont atteint l’autre rive sans leur gouverneur. Mais ils vont assister à une scène lourde de symbolisme et qui prouve, quelque peu, qu’entre les deux Etats tout baigne et qu’il n’y a que la solidarité qui prévaut.
Les populations riveraines du Burkina, qui ont déjà joué à merveille le rôle de balises humaines pour sortir les autres véhicules, vont entrer dans le torrent et à la force de leurs bras et de leurs reins, elles sortiront le véhicule du « grand patron » de la région de Ségou.
La rencontre entre les deux gouverneurs s’inscrivait donc sous de bons auspices. Et le déroulement sans accroc du programme concocté par les deux parties n’a fait que renforcer l’opinion selon laquelle entre le Burkina et le Mali, les nuages ne sont pas aussi menaçants. Mieux, tout semble baigner.
Même si dans tous les esprits, restent gravés les événements dramatiques du 29 juin 2006. Après le bornage d’une zone, des habitations ou des champs de paysans se sont retrouvés de l’autre côté de la frontière.
Tout serait parti d’une dispute autour d’un lopin de terre entre deux paysans : l’un, malien, du village de Wanian dans la commune rurale de Mafouné (région de Ségou) au Mali et l’autre, burkinabè, du village de Woronkuy dans le département de Djibasso (région du Mouhoun).
Cette dispute a été certainement la goutte d’eau qui a fait déborder le vase entre les deux villages distants seulement de 7 km et situés de part et d’autre de la frontière. En effet, selon des témoignages côté burkinabè, les populations de Woronkuy se plaignent des visées expansionnistes de leurs voisins maliens sur leurs terres agricoles.
Il s’agit d’un vieux problème qui a même déjà provoqué des affrontements entre les deux communautés en 1980 et 1985. Après la dispute, les habitants de Wanian et d’autres villages maliens auraient organisé une expédition punitive le lendemain contre Woronkuy. Les assaillants auraient tout détruit sur leur passage : greniers, bétail, maisons. Ils auraient même emporté des vélos et lynché plusieurs personnes.
Les habitants de Woronkuy auraient décidé, à leur tour, de laver l’affront. Et c’est en pénétrant sur le territoire malien qu’ils allaient tomber dans une embuscade, suivie d’un affrontement violent qui s’est soldé par 9 morts et de nombreux blessés côté burkinabè. La plupart des victimes ont été tuées à coup de fusils avant d’être mutilées.
Pendant et après cette tragédie, les autorités de part et d’autre de la frontière ont exhorté leurs populations respectives à la retenue. Il ne faut surtout pas mettre de l’huile sur le feu ; d’autant plus que le triste souvenir des deux affrontements militaires entre les deux Etats (1974,1985) restent vivaces dans les esprits. Depuis lors, plusieurs réunions ont été tenues, et l’ambiance a toujours été à l’apaisement et à la recherche de solutions dans la perspective de la saison pluvieuse qui suivra celle des affrontements.
Pour sauvegarder cette campagne, la population a été instruite de respecter ces 3 consignes : chacun doit rester dans les limites des terres qu’il a cultivées l’année précédente ; interdiction de toute nouvelle défriche jusqu’aux terres en jachère ; interdiction d’amener des fusils aux champs. Et les retrouvailles de Nouna le 9 juillet dernier, qui entraient dans le cadre de rencontres périodiques fréquentes, ont accouché d’un communiqué final en cinq points.
Les différentes mesures portant notamment sur l’exploitation des terres et le port d’arme ont été maintenues. Et c’est dans une bonne ambiance que la réunion a pris fin, comme pour donner raison au gouverneur de Ségou qui disait ceci pendant la cérémonie d’ouverture : « Nous avons en effet le devoir de travailler sans relâche à créer, à développer et à maintenir le long et de part et d’autre de la frontière un climat de convivialité, de paix, d’harmonie et de concorde entre les populations, condamnées à vivre ensemble et à partager les mêmes réalités ».
Depuis les événements du 29 juin 2006, tous les moyens sont donc mis en branle pour que les populations frontalières arrivent à vivre dans la quiétude et à s’habituer à cette nouvelle donne qu’est le bornage de la frontière sans faire sortir les machettes et les fusils. Mais cela ne se fait pas sans difficulté. A l’image du véhicule du gouverneur malien qui a été sorti du bain grâce à ses voisins de l’est, et comme le disait une chanson ivoirienne qui a fait son temps, « on pousse, on pousse avant d’arriver ». Issa K. Barry
Précis de bornage d’une frontière
Le Burkina Faso, comme la plupart des Etats africains, a été créé et organisé par le colonisateur. Ses limites actuelles sont donc celles héritées de la colonie française. Le découpage de ces Etats n’a pas toujours tenu compte des réalités ethniques et socioculturelles des populations autochtones.
Il s’en est suivi une multitude de rectifications de ces découpages, soit pour prendre en compte ces réalités quand l’administration coloniale y était confrontée, soit tout simplement pour préserver les intérêts politiques ou économiques de la métropole.
La frontière du Burkina avec le Mali, qui s’étend sur 1280 km, est la plus longue du Burkina. Suite aux deux conflits survenus en 1974 et 1985, le Burkina et le Mali ont choisi de saisir la Cour internationale de Justice de la Haye pour les départager sur la portion objet du différent, qui est longue d’environ 280 km et va du village d’Orontingo (département de Baraboulé, province du Soum) au point triple avec le Niger. Les travaux de bornage ont démarré pour cette zone litigieuse en 1990 et sont terminés depuis mai 2004.
Dans cette dynamique, les travaux des 1000 autres kilomètres, qui ne font l’objet d’aucune contestation, ont démarré en 2005 et ont permis d’installer des bornes sur 650 km. Pour les travaux, prévus pour durer cinq campagnes, un budget global commun a été élaboré par les deux pays à travers une commission technique mixte. Chaque Etat finance pour moitié le budget, qui est de 115 millions par an.
vendredi 13 juillet 2007.L’Observateur Paalga – BURKINA FASO (via lefaso.net) “