France – Présidentielle 2017 : que réservent-ils à l’Afrique ?

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France - Présidentielle 2017 : que réservent-ils à l'Afrique ?
"Le Grand Débat" des 11 candidats à la présidentielle française de 2017. © Lionel BONAVENTURE / POOL / AFP

Un collectif panafricain a plongé dans les propositions des candidats à l’élection présidentielle française pour le continent. Éclairant.

Quelle vision les candidats à la présidentielle ont-ils de l’Afrique ? Quels types de relations entendent-ils nouer avec le continent s’ils sont élus ? Que pensent-ils de la présence militaire française en Afrique, des enjeux climatiques, du système monétaire ouest-africain ? Réussir à placer ces questions est une gageure dans cette folle campagne présidentielle, où le débat sur les enjeux nationaux peine déjà à s’installer. C’est pourtant ce qu’a réussi à faire le Collectif de solidarité avec les luttes sociales et politiques en Afrique, une structure de plaidoyer créée en 2009 autour des enjeux électoraux sur le continent et qui vise aussi à « promouvoir des réformes profondes des politiques française et européenne ». Elle se veut un « cadre neutre » et agrège « les points de vue des démocrates africains de passage à Paris, de la société civile africaine, des journalistes africains, ou de la diaspora », nous précise-t-on.

En décembre 2016, le Collectif a envoyé un questionnaire composé d’une dizaine de points à 11 candidats à la présidentielle. Six d’entre eux ont répondu : Nicolas Dupont-Aignan (Debout La France), Benoît Hamon (Parti socialiste), Yannick Jadot (Europe Écologie Les Verts – candidat rallié à Benoît Hamon), Marine Le Pen (Front national), Emmanuel Macron (En marche !) et Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise). Tantôt lapidaires, tantôt inspirées, les réponses de ces candidats constituent une matière précieuse, car ils posent des engagements et articulent les grandes lignes d’une éventuelle politique africaine. En voici quelques extraits.

Alternance démocratique

Quelle relation la France doit-elle entretenir avec les pays dont les dirigeants s’accrochent au pouvoir ? À cette question, l’ensemble des candidats interrogés se disent en faveur d’une relation privilégiée avec les « peuples ».

Le candidat socialiste Benoît Hamon met l’accent en particulier sur les mouvements citoyens nés dans les années 2010 : « À un moment où la tentation du maintien au pouvoir de nombreux dirigeants est palpable, je remarque (…) que l’aspiration démocratique n’a jamais été aussi forte. En témoigne l’émergence de mouvements citoyens forts dans de nombreux pays, que ce soit Filimbi (RDC), Y’en a marre (Sénégal), Le Balai citoyen (Burkina Faso), Tournons la page (campagne en faveur de l’alternance présente dans sept pays africains), etc. », explique-t-il. Il s’engage ainsi à « veiller à ce que cette aspiration, portée par les citoyens, ne soit pas tue, ne soit pas bâillonnée, mais qu’au contraire elle puisse grandir et se transformer en approfondissement démocratique. »

Emmanuel Macron note que « l’Afrique n’a jamais eu autant de pays pourvus de systèmes politiques issus d’élections multipartites », entend « contribuer au renforcement des sociétés civiles, afin d’accroître la redevabilité démocratique. »

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Marine Le Pen et Idriss Déby lors de leur entretien à N’Djamena le 21 mars 2017. © AFP

Pour la candidate du Front national Marine Le Pen, la France ne doit pas « soutenir des dirigeants qui, par leurs politiques, maltraitent leurs populations ». « Dorénavant, nous devons intégrer le fait que l’amitié franco-africaine ne concerne pas les dirigeants politiques, mais les peuples », ajoute son représentant Louis Alliot. Et de souligner que « le véritable frein à la démocratie et au décollage économique de l’Afrique est la situation en Afrique centrale. »

« Plutôt que les « dictateurs africains », la France doit soutenir des « mouvements démocratiques et populaires » », estime enfin Jean-Luc Mélenchon. Le candidat de La France insoumise reproche à François Hollande d’avoir « manigancé une sortie digne à Compaoré », « soutenu Sassou Nguesso en reconnaissant la légitimité de son référendum », ou encore de « s’être tu lors de la réélection truquée d’Ali Bongo ». Il déplore plus généralement la complaisance de la France à l’égard de certains régimes connus pour leurs penchants autoritaires. En Afrique centrale où, selon lui, la situation reste « dramatique », « l’Occident et particulièrement la diplomatie française portent une responsabilité lourde (…) en apportant son soutien aux dictateurs Déby, Sassou, Obiang, Kabila, Bongo ».

Processus électoraux

 ©  AFP/Marco Longari
Des partisans du candidat de l’opposition Jean Ping protestent contre les résultats de l’élection présidentielle donnant le président Ali Bongo vainqueur. © AFP/Marco Longari

Pour favoriser la préparation et le déroulement des divers scrutins sur le continent, Emmanuel Macron propose de « renforcer les organisations africaines (régionales et l’Union africaine) ».

Pour Jean-Luc Mélenchon, si les pays africains doivent disposer d’institutions de gestion des processus électoraux « fortes » et « indépendantes », les société civiles et les oppositions ont aussi un rôle à jouer et doivent être « dotés des moyens techniques suffisants pour permettre des comptages de votes et la transmission de résultats de façon sécurisée ». Il propose aussi de garantir l’exil des présidents sortants « s’ils le souhaitent de façon à ne pas être un obstacle à la démocratisation des pays ».

Le Front national estime que la France doit accompagner « la mise en place de mécanismes de contrôle favorisant des élections libres et transparentes » et « promouvoir des accords de partenariat entre les médias locaux et les grands médias français afin de relayer en temps réel les informations recueillies ».

Présence militaire française en Afrique

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Au Mali et au Niger, Fillon à la rencontre des militaires les 17, 18 et 19 décembre dernier. © Kasia Wandycz

La France compte quatre bases militaires en Afrique et deux opérations en cours : Corymbe, dans le golfe de Guinée, et Barkhane, au Sahel. À propos de cette dernière, lancée en août 2014 à la suite de Serval, le président François Hollande a déclaré en janvier dernier à Bamako : « Nous resterons ici, au Mali, dans le cadre de l’opération Barkhane tant que les pays africains – et il n’y a pas que le Mali – en décideront ». Si la plupart des candidats ne remettent pas en cause le bien-fondé de l’opération Barkhane – à travers certaines de leurs déclarations publiques, le débat s’oriente davantage sur son financement et sur une plus forte participation de l’Union européenne – ils se sont exprimés sur le rôle de l’armée française en Afrique.

Pour le candidat souverainiste Nicolas Dupoint-Aignan, le présence de contingents se justifie « dans certains pays sujets à de graves menaces » – il envisage de renforcer la lutte contre la piraterie en mer Rouge et dans le golfe de Guinée – mais « pas dans d’autres » : « L’armée de la République n’a pas à sécuriser tel ou tel régime », estime-t-il.

Benoît Hamon considère que toute intervention extérieure de l’armée française ne doit se faire « que dans le cadre de la légalité internationale aux côtés de partenaires internationaux, et d’abord africains ».

Emmanuel Macron insiste sur la nécessité de « renforcer les fonctions régaliennes des États et de développer une réponse africaine coordonnée au niveau régional et continental ».

Pour Jean-Luc Mélenchon, la présence militaire française est contestable, et le départ des forces françaises « dans un long terme négocié », souhaitable. « La France ne peut plus accepter que ces bases militaires permanentes en Afrique soient un instrument au service du pillage des ressources naturelles par les grandes entreprises françaises, du financement des dictatures en place et du développement du clientélisme et de la corruption. Cependant, il appartient aux dirigeants africains de demander le départ de ces bases », argue-t-il.

Immigration

Pour la candidate du Front national, qui fait de la lutte contre l’immigration un thème majeur de sa campagne (suppression du droit du sol et de la double nationalité extra-européenne, réduction de l’immigration familiale, objectif de non-régularisation de clandestins, etc.), « il faut privilégier et faciliter les programmes de retour et de réinstallation dans les pays d’origine ». Elle ajoute que « la création d’universités africaines reconnues est primordiale car elle favoriserait l’accès aux études supérieures ».

Le candidat de Debout la France Nicolas Dupont-Aignan estime que la libre circulation des personnes « doit être facilitée (assouplissement des visas) mais que « l’établissement définitif – clandestin ou légal – doit être rendu plus difficile (sauf raison valable). »

Emmanuel Macron fait de l’intégration « la priorité absolue », ce qui passe par « la maîtrise de la langue française ». « Nous proposerons que chaque étranger en situation régulière arrivant en France ait droit à une formation linguistique suffisante pour atteindre le niveau B1 (niveau qui permet la naturalisation) », précise-t-il. Il propose également de réduire les délais des procédures en matière de droit d’asile et d’obtention des visas « talents », censés « attirer les talents étrangers ». « Nous développerons aussi les visas de circulation pour les professionnels, et simplifierons les modalités d’accès au travail pour tous les étudiants titulaires d’un master en France », ajoute-t-il. Il entend enfin « renforcer les moyens européens de contrôle aux frontières et instituer des partenariats avec les pays de départ et de transit afin de lutter contre les abus et mieux sécuriser les routes migratoires. »

Pour Jean-Luc-Mélenchon souhaite abroger les lois anti-immigration « mises en place ces dernières années ». Il propose une « refonte du Code de l’entrée et du séjour des étrangers », une régularisation des travailleurs sans-papiers, mais aussi une coopération universitaire entre l’Afrique et l’Europe, qui favoriserait la circulation des chercheurs et étudiants africains. Enfin, il souhaite mettre en œuvre « la décristallisation totale des pensions des anciens combattants. »

« En matière migratoire, nous devons faire le constat de ce qui marche et ce qui ne marche pas et en tirer les enseignements nécessaires pour définir les orientations de notre politique », avance Benoît Hamon.

Sortir ou non du Franc CFA ?

Cette question a été particulièrement débattue ces derniers mois sur le continent, et certains chefs d’États ouest-africains se sont déjà exprimés en faveur d’un retrait du franc CFA et de la mise en place d’une monnaie commune à la Cedeao à l’horizon 2020. Une position ardemment soutenue par la candidate du Front national : « Il faut progressivement supprimer le franc CFA et mettre en place un nouveau modèle », assure-t-elle.

La position des autres candidats rejoint peu ou prou celle affichée récemment par Paris : accompagner un processus de retrait du Franc CFA s’il est décidé par les États africains. Certains y glissent quelques nuances, à l’instar du candidat souverainiste Nicolas Dupont-Aignan : « Ce seront les États africains qui décideront, ou non, d’un big bang monétaire après en avoir pesé les risques considérables ».

Pour le candidat du mouvement En marche ! Emmanuel Macron, « la France doit participer à la réflexion sur l’avenir de la zone Franc, avec des économistes et experts africains afin de moderniser certains de ses aspects, sans pour autant remettre en cause ses avantages (intégration, convertibilité, stabilité monétaire). »

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Samedi 7 janvier 2017, une série de manifestations contre le franc Cfa a eu lieu à travers plusieurs capitales ou grandes villes africaines et européennes. © DR

« La persistance du franc CFA dans une quinzaine de pays d’Afrique, près de vingt après l’usage de l’euro est souvent ressenti par les populations, et à raison, comme un vestige colonial », concède Benoît Hamon, qui dit comprendre que « des questions comme celle du dépôt de garantie auprès du Trésor français puisse alimenter un certain nombre d’incompréhensions ». Si un retrait du franc CFA est décidé, le candidat socialiste à faire « tout ce qu’il faut pour accompagner au mieux ce choix vers une souveraineté économique et monétaire réelle des Africains ».

Pour Jean-Luc Mélenchon, le système actuel a « le grave défaut de lier les choix financiers de cette partie de l’Afrique à la BCE (Banque centrale européenne) et à l’Europe et empêche les pays concernés d’entrer dans la construction d’une Banque centrale africaine ». « Nous devons donc créer une instance de réflexion commune pour faire des propositions concrètes de sortie du système actuel tout en étant réalistes sur les conditions d’un succès d’une autonomisation qui ne doit en aucun cas nuire aux conditions de vie des populations concernées », avance le candidat de La France insoumise.

Accords de partenariat économique

Autre sujet de controverses : les Accords de partenariat économique (APE), des accords de libre échange entre l’Union européenne (UE) et l’Afrique que certains pays du continent ont refusé de signer. Trois candidats se sont montrés enclins à les renégocier. « En l’état actuel, ils sont défavorables au tissu entrepreneurial local et ne sont pas assez orientés vers le développement et les transferts de technologies », estime la candidate du Front national.

« Je ne suis pas favorable à l’esprit de ces accords commerciaux, qui à mon sens, et étant donné l’asymétrie existante entre les ensembles régionaux africains et l’UE, ne font que supprimer des protections, désarment les États et les privent de recettes, il revient aujourd’hui aux pays africains de dire ce qu’ils veulent faire, et je pense notamment aux pays d’Afrique de l’Ouest », considère le candidat socialiste Benoît Hamon.

Jean-Luc Mélenchon dénonce des « accords léonins » et « nocifs pour les peuples d’Afrique », qui « prévoient la suppression des droits de douane sur les trois quarts des exportations de l’Union européenne tandis que celle-ci continuera à importer d’Afrique la totalité de ses produits qui sont déjà en franchise de droits » et « aggraveront la crise de l’agriculture paysanne ».

Climat et agriculture

Sur le plan environnemental, la candidate du Front national invite à appliquer l’Accord de Paris : « l’idéal serait de suivre les recommandations de la COP21, ratifiées par tous les pays », pense-t-elle.

La mise en œuvre de cet accord constitue pour Emmanuel Macron une « priorité » : « Nous devons mobiliser des financements publics et privés en faveur des pays en développement, notamment africains, pour couvrir leurs besoins en matière d’atténuation et d’adaptation aux effets du dérèglement climatique. Nous devons également aider l’Afrique à exploiter son potentiel de développement énergétique, ainsi que son agriculture », résume-t-il.

 ©  AFP/John Wessels
Au Lesotho, menacé par la famine, un agriculteur cultive son champ. © AFP/John Wessels

Benoît Hamon envisage d’augmenter les financements de la France en matière d’ « adaptation au changement climatique » et de soutenir les transitions vers des modèles durables de développement. Il insiste aussi sur la nécessité de promouvoir une agriculture « respectueuse de la planète » : « cela signifie soutenir via notre aide au développement l’agroécologie, l’agriculture familiale et paysanne et non pas l’agrobusiness, et plus généralement porter cette ambition dans les espaces de dialogue internationaux », souligne-t-il. « Je refuse que l’Europe prône des « accords » contraires aux intérêts de l’agriculture et l’élevage africains par une libéralisation non régulée des échanges. D’autant que de nombreuses pistes existent, qu’il s’agisse de la constitution de réseaux de petits producteurs, de la structuration de véritables filaires industrielles ou encore de la mise à profit des complémentarités qui peuvent exister à niveau régional », ajoute le candidat socialiste.

Pour Jean-Luc Mélenchon, l’agriculture occupe également une place importante. « L’Afrique doit pouvoir mettre en place une révolution agricole adaptée à ses besoins. La France l’aidera à lutter contre sa dépendance aux technologies du Nord, à sa dette et sa perte d’autonomie, et sera à ces côtés pour une révolution agricole permettant un développement économique et social de sa paysannerie, permettant au continent d’assurer la sécurité alimentaire de sa population grâce à des politiques de souveraineté alimentaire », assure-t-il.

En vue de renforcer l’agriculture sur le continent et protéger l’environnement, le candidat de Debout la France Nicolas Dupont-Aignan propose quant à lui les mesures suivantes : « Le contrôle des produits phytosanitaires sera bien mieux effectué. Le potentiel bio du continent sera valorisé. Les marchés et les cours des productions agricoles seront maîtrisés pour permettre aux agriculteurs de toucher la juste rémunération de leur travail. La reforestation sera encouragée et un label coresponsable attribué aux pays qui reboisent à suffisance. »

Publié le 10/04/2017 à 09:15 | Le Point Afrique

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1 commentaire

  1. Il n’ y aura aucun changement avec cse gens là , quel que soit le candidat à la présidence de la France . Déjà vous voyez dans leurs interventions une prétention à la préférence . Aucun des candidats interrogés sur la politique française en Afrique n’a fait cas de Paul Biya qui s’éternise au pouvoir .
    Ils ne leur manque jamais d’occasion à fustiger les présidents africains excepté Paul Biya , qu’ ils font semblant d’oublier . Ce qui choque dans tout ça , est de se considéré à la fois comme président de la France et de chaque ancienne possession coloniale d’Afrique .

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