Farouk Abdulmutallab: l'islamisme radical derrière le visage de l'innocence

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LAGOS (AFP) – mercredi 30 décembre 2009 – 10h41 – "Le visage de l’innocence": ce commentaire d’un quotidien local pour décrire le jeune Nigérian "de bonne famille" qui a tenté de faire sauter un avion américain le jour de Noël démontre que le fondamentalisme islamique est bien enraciné mais parfois invisible au Nigeria. 

Fils d’un banquier et ancien ministre, Umar Farouk Abdulmutallab, 23 ans, n’a a priori rien d’un islamiste radical. Parcours universitaire sans histoire, voyages… Jusqu’au moment où il disparaît. Autant dire que son basculement dans l’islamisme radical était, selon la formule d’un spécialiste, "aussi indétectable que les produits explosifs qu’il avait dissimulés" pour faire exploser le vol 253 entre Amsterdam et Detroit.

Bien que le gouvernement et les autorités musulmanes du Nigeria aient condamné ce qu’ils ont décrit comme un "acte isolé", depuis plusieurs décennies des mouvements islamistes radicaux et prosélytes se sont fondus au sein de la société dans tout le nord du pays, où douze Etats ont réintroduit en 2000 la charia, la loi islamique. 

La vie du Nigeria est ponctuée de sanglantes poussées de fièvre ethnico-religieuses, avec parfois des milliers de morts. Outre des combats entre musulmans sunnites et chiites et des affrontements entre chrétiens et musulmans, plusieurs soulèvements ont eu ces dernières années une évidente coloration anti-occidentale.

Ainsi, en juillet dernier, des militants de la secte fondamentaliste Boko Haram, qui rêvent d’un califat islamique, ont mené des attaques simultanées dans quatre Etats septentrionaux.

La réponse brutale des autorités fut à la hauteur de l’inquiétude que suscitent ces mouvements souterrains: au moins 800 morts en cinq jours, peut-être 1.700 selon des sources de services de renseignements occidentaux. En langue haoussa, Boko Haram signifie "l’éducation occidentale est un péché" et dans un contexte de paupérisation croissante, notamment au nord, la "tentation islamiste" est forte.

Pour les autorités fédérales, déjà confrontées à une insurrection dans le sud pétrolier depuis plusieurs années, ce phénomène est une inquiétude permanente, car la rivalité et la méfiance entre nord musulman et sud majoritairement chrétien existe toujours, malgré les dénégations officielles. Dans le sud, beaucoup de Nigérians gardent le souvenir de la guerre civile du Biafra (1967-70) qui avait été précédée d’importants massacres de chrétiens au nord.

Le principal mouvement de rébellion du sud, le Mend, a profité de l’attentat raté pour enfoncer le clou: "le monde devrait faire plus attention au nord du Nigeria, qui représente une vraie menace pour la paix mondiale". Même si dans sa grande majorité l’islam nigérian est modéré, la menace islamiste demeure un défi à l’unité de cette gigantesque fédération de 150 millions d’habitants.

Pour compliquer la situation, le nord du Nigeria est voisin du Niger et du Mali, deux grands pays désertiques difficilement contrôlables, devenus ces dernières années un champ de bataille pour Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI).

L’ex-Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC, mouvement algérien), qui s’est fondu dans la nébuleuse Al-Qaïda, y a notamment enlevé des diplomates canadiens et des touristes et humanitaires européens.

Cette zone gigantesque est qui plus est très stratégique: au nord et au sud se trouvent d’immenses richesses en pétrole et en gaz (sud du Nigeria, Libye, Algérie). Une déstabilisation de cette région, où des projets de gazoduc vitaux pour l’approvisionnement de l’Europe sont à l’étude, serait catastrophique.

C’est cette menace islamiste qui a poussé Washington a créer en 2007 le commandement militaire américain pour l’Afrique (Africom). 

AFP

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