À la 72ème Assemblée générale des Nations-Unies, Donald Trump a annoncé que les Etats-Unis vont détruire la Corée du Nord pour freiner ses «provocations et menaces» contre les nations démocratiques du monde. Des propos qui ont provoqué l’émoi et la consternation jusqu’au sein de sa propre administration. En analysant de près cette sortie du chef de l’Administration américaine, on peut facilement deviner qu’elle est la suite d’une série d’actions menées par les Etats-Unis contre la Corée du Nord. C’est sous l’Administration de Barak Obama, pourtant prix Nobel de la Paix, que les relations entre ces deux pays se sont fortement détériorées.
En octobre 2012, les Etats-Unis accordent à la Corée du Sud une exemption vis-à-vis du régime de contrôle de la technologie des missiles. Ce qui lui permet d’allonger la portée de ses missiles balistiques de façon à pouvoir couvrir la totalité du territoire de la Corée du Nord. Pendant la même période, les deux alliés, au cours de leur réunion consultative sur la sécurité mettent au point la stratégie de la «dissuasion adaptée» qui implique des opérations militaires conjointes en fonction d’un certain nombre de scenarios, y compris des incidents mineurs. À toute «provocation» nord-coréenne, les deux alliés devraient répondre avec une force disproportionnée. Cette stratégie s’applique aussi bien en temps de paix qu’en temps de guerre.
La composante essentielle de la «dissuasion adaptée» consiste en une «chaîne d’abattage» censée repérer et frapper les missiles balistiques nord-coréens. Un partage de rôle confie aux Etats-Unis, la détection de cibles nord-coréennes par ses satellites et ses drones. À la Corée du Sud, l’élimination des cibles ainsi identifiées par ses missiles et avions de combat. Le plan prône une attaque préventive, en réponse à «une détection de lancement de missiles nord-coréens», même s’ils ne sont pas en position de tir.
Le 12 décembre 2012, Pyongyang lance sur orbite un satellite d’observation. Déclenchant automatiquement une avalanche de condamnations de Washington et de ses alliés qui l’accusent de réaliser un test déguisé de missile balistique. Réplique immédiate du représentant nord-coréen aux Nations-Unies qui déclare qu’envoyer un satellite dans l’espace n’était pas la même chose que tester un missile balistique. Même les experts les plus avisés en technologie des missiles n’ont rien trouvé à redire sur les arguments de la Corée du Nord ! Ils feront d’ailleurs remarquer que les performances du missile lancé étaient insuffisantes pour un missile balistique intercontinental et que sa trajectoire comportait un virage serré afin d’éviter de survoler Taïwan et les Philippines, une action qui est contre-productive pour un test de missile balistique.
Suite à ce test, les vaisseaux de guerre sud-coréens sont parvenus à récupérer des débris du missile. Leur examen révéla qu’un pétrit moteur de faible poussée de 13 ou 14 tonnes environ avait propulsé le 2ème étage. Les experts soutiennent qu’un 2ème étage à faible poussée et à combustion longue était exactement le modèle qu’il fallait pour placer un satellite sur orbite. Mettant à nu de façon scientifique la violente campagne médiatique déclenchée en Occident et dans les diverses instances internationales sur le «danger» que représente le «dernier Etat communiste, moyenâgeux et criminel» qui existe sur la terre. Un détail qui a son importance : le jour même où la Corée du Nord larguait son satellite dans l’espace, une autre puissance nucléaire, l’Inde, effectuait un test en lançant un missile balistique, sans arracher la moindre indignation de l’Administration OBAMA. Celle-ci, malgré les conclusions des spécialistes avisés sur la nature du lancement effectué le 12 décembre 2012, obtint, le 22 janvier 2013, l’adoption de la résolution 2087 du Conseil de Sécurité, imposant de nouvelles sanctions à la Corée du Nord, en violation du Traité International de l’espace extérieur qui accorde le droit d’explorer l’espace à «tous les Etats sans discrimination d’aucune sorte».
Réagissant avec colère à l’adoption de la résolution, le représentant de la Corée du Nord aux Nations-Unies, Sose Pyong, déclara «qu’il n’y a pas eu moins de 2000 tests nucléaires et 9000 lancements de satellite dans le monde depuis que l’ONU existe, mais il n’y a pas eu une seule résolution de son Conseil de Sécurité qui ait interdit les tests nucléaires et les lancements de satellite !». Ajoutant que les Etats-Unis ont effectué plus de tests nucléaires et de lancements de satellites que toute autre nation. C’est donc sans surprise que la Corée du Nord, désormais en résistance aux diktats et aux chantages nucléaires américains, riposta le 12 février 2013, en effectuant son 3ème test nucléaire. Les dirigeants nord-coréens n’ont pas manqué de rappeler la duplicité de la communauté internationale sur les cas de l’Irak et de la Lybie.
Les médias nord-américains apporteront de l’eau à leur moulin, puisqu’ils rappelleront fort opportunément le sort qui a frappé certaines nations qui, en réponse aux pressions américaines, avaient abandonné leur programme d’armement nucléaire. Des exemples qui, selon Pyongyang, «enseignent cette vérité selon laquelle il convient de s’opposer au chantage nucléaire américain par des contre-mesures substantielles, sans compromis ni marche arrière». Pour marquer «sa détermination, son mépris du chantage nucléaire, son indépendance, sa souveraineté et la maîtrise de son destin», la Corée du Nord réaffirme qu’elle procèdera à d’autres tests nucléaires pour renforcer ses capacités militaires de dissuasion.
Le 07 mars 2013, sur initiative de l’Administration Obama, le Conseil de Sécurité discute de l’application de nouvelles sanctions supplémentaires à la Corée du Nord à travers la Résolution N°2094. La résolution demande à toutes les nations d’inspecter les navires et avions marchands soupçonnés de transporter des marchandises prohibées. Elle impose de fortes restrictions sur les opérations bancaires nord-coréennes, sur les individus pouvant transférer de grosses sommes d’argent. La mesure s’étend également au personnel diplomatique qui doit être soumis à «une vigilance accrue», bien que cette mesure porte atteinte incontestablement à la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques. Les Etats-Unis veulent sans doute ôter à ce pays le dernier moyen qui lui reste pour s’engager dans des transactions monétaires internationales.
Toutefois, il faut noter qu’ils n’ont pas réussi à faire passer l’ensemble des mesures proposées dans la Résolution, malgré la grande activité déployée dans les coulisses. La Résolution essuya les vives réserves de Moscou et de Pékin, surtout à propos de l’inclusion du Chapitre 7, Article 42, autorisant l’utilisation de moyens militaires pour sa mise en application. Egalement sur l’étendue des inspections des navires battant pavillon nord-coréen. La Chine rejeta l’utilisation de moyens militaires pour contraindre la Corée du Nord à respecter la Résolution craignant que cela n’accroisse les tensions dans la Péninsule. Elle rejeta aussi la liste des desideratas américains joints en annexe au projet de Résolution.
Par contre, les sanctions bancaires des Etats-Unis et de l’ONU ont donné des effets immédiats : la plupart des banques internationales ont été amenées à refuser les transactions commerciales avec la Corée du Nord, l’obligeant à régler une grande partie de son commerce extérieur sur la base du paiement en liquide. Le Département américain du Trésor, à son tour, prend des mesures interdisant à tout citoyen ou entreprise américaine, toute transaction à l’étranger avec la Foreign Trade Bank (première Banque nord-coréenne du commerce extérieur). Il impose également un gel des avoirs nord-coréens placés sous la juridiction des Etats-Unis.
L’Union européenne, proche alliée de Washington, prit également un train de mesures, avec notamment l’interdiction de commercer avec les entreprises publiques nord-coréennes et de transactions autour de titres publics. Elle décréta aussi l’interdiction pour les banques européennes d’ouvrir des agences en Corée du Nord et aux banques nord-coréennes d’ouvrir des succursales sur le territoire européen. Parallèlement aux pressions diplomatiques, le voisin sud-coréen, par la voix du ministre de la défense, annonce le déploiement des missiles de croisières capables de frapper n’importe quel endroit en Corée du Nord et l’accélération du programme de missiles balistiques à portée similaire.
Les dirigeants sud-coréens multiplient les mesures qui accroissent le danger de guerre. Les commandants des forces armées ont reçu le pouvoir de riposter aux «provocations nord-coréennes». Un plan de riposte destiné à contrer «les provocations nord-coréennes» a été mis au point. Il prévoit que les «forces américaines sont tenues de fournir leur soutien» quand les forces sud-coréennes s’en prennent à une cible nord-coréenne. Des manœuvres militaires communes de grande envergure entre les deux alliés américano-sud-coréens, appelées Foal Eagle, ont lieu dans la Péninsule au cours desquelles le Pentagone envoya le sous-marin nucléaire USS Cheyenne, équipé de missiles Tomahawk. Peu après, des bombardiers B-2 furtifs (pouvant larguer une bombe pénétrante de 13.600 KG capable de percer 60 mètres de béton avant d’exploser) ont survolé la Corée du Nord.
Poussant l’escalade jusqu’à la limite de la confrontation, Washington installe sur le sol sud-coréen les Chasseurs F22 Stealh, malgré les réticences de son allié et la grande hostilité populaire manifestées par les Sud-coréens qui exigeaient le retrait immédiat des bases américaines de leur territoire. Le Congrès approuva également la vente à la Corée du Sud de 200 bombes perforatrices de bunkers très pratiques pour viser les installations souterraines de la Corée du Nord. Au même moment, Séoul manifesta son intention d’acheter à l’Europe, 200 missiles de croisière Taurus lancés par avion et qui peuvent pénétrer des épaisseurs de bétons armés de six mètres.
Dans le plan d’invasion de la Corée du Nord mis au point par Washington, une organisation militaire constituée par ses soins aura pour mission de s’emparer des installations et des armes nucléaires au cas où une crise éclaterait au sommet de l’Etat. Le scénario prévoit l’arrestation par les forces armées américaines des «personnages clés du régime» et le rassemblement des informations classées secrètes. Un coup d’Etat militaire figure également au nombre des scénarii.
Comme on le voit, Washington n’a jamais véritablement pris l’option d’un dialogue avec la Corée du Nord. L’Administration Obama n’a jamais fait mystère de son désir de provoquer un changement de régime quels que soient les dangers et les risques de cette option. Devant la situation, la Corée du Nord n’a d’autre choix que de durcir sa position et poursuivre son programme nucléaire. Elle a relancé le réacteur nucléaire de Yongbion, fermant temporairement le complexe industriel de Kaesong. Elle a multiplié les essais, défiant ouvertement les Etats-Unis qui semblent pris au piège de leur propre jeu.
Il est clair qu’un revirement de la diplomatie américaine vis-à-vis de la Corée du Nord ne sera possible qu’avec une montée de plus en plus radicale du mouvement populaire de rejet de la militarisation de la Péninsule. En effet, l’opinion publique sud-coréenne et japonaise supporte de moins en moins la présence américaine dans la région. Ce qui contraint les dirigeants de ces pays à envisager des solutions politiques de long terme comme la dénucléarisation de la Péninsule, la signature de traités de paix et de coopération économique, seuls moyens d’accélérer le rapprochement entre les deux Corées, de favoriser la détente, et de repenser les terribles blessures de leur douloureuse histoire commune.
Nouhoum KEITA