Entretien avec Mohamed Touré, fils de Sékou Touré : Le blocage du processus électoral en Guinée n'est pas à mon niveau

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Mohamed Touré est le fils de feu Ahmed Sékou Touré, premier président de la Guinée Conakry.  Il est le Secrétaire général du PDG RDA. Il est à Bamako dans le cadre du colloque international ”Bamako 2010”, dont le thème principal est ” Bilan et enjeux : 50 ans après les indépendances africaines”, colloque organisé par l’Union Malienne Rassemblement Démocratique Africaine (UM RDA Faso Jigui), et le Parti Communiste Français (PCF). C’est en marge des travaux de cette rencontre internationale que Mohamed Touré nous a accordé cette interview, dans laquelle il parle de la situation en Guinée, du  second tour de la présidentielle, de la tension entre les deux camps et, bien entendu, du colloque de Bamako.


L’Indépendant: Vous êtes à Bamako dans le cadre du colloque international ”Bamako 2010”,  que pensez-vous du thème?

Mohamed Touré : Nous sommes tous condamnés, dans le contexte de l’humanité,  l’Afrique en particulier, à une réflexion profonde, puisque 50 années  constituent, quand même  un jalon, dans le parcours de notre histoire, de notre histoire indépendante. Nous sommes tous, donc, condamnés à réfléchir, de façon sérieuse, au parcours que nous avons tous eu pendant ces dernières années, afin que, sur des bases objectives réelles et véridiques, nous nous projetions dans l’avenir. Et d’assurer à nos populations  un avenir de paix sociale, de prospérité économique et d’équilibre humain. Ce travail de réflexion, si le parti frère, le parti UM RDA,  en prend l’initiative aujourd’hui, il ne fait que reflèter la volonté  des pères-fondateurs de ce grand parti panafricain, c’est-à-dire l’émancipation vraie de la patrie africaine et du citoyen africain, dans le contexte d’une citoyenneté mondiale. Nous les remercions pour l’initiative qu’ils ont prise. Nous assurons, en tout cas, en ce qui concerne le Parti démocratique de Guinée du Rassemblement démocratique africain, non seulement de notre adhésion totale à cet esprit, mais de la volonté qui ne fera jamais défaut, à participer à la construction d’une Afrique unie et prospère. Nous  saluons et encourageons ce genre d’initiative.

Comment expliquez-vous la situation actuelle dans votre pays, un second tour qui se fait trop attendre ?

Mohamed Touré : Vous savez, nous sommes dans un contexte de transition, cette transition est née d’une situation où l’Etat lui-même a été anémié. Il y a une démarche que notre parti avait proposée qui n’a, certainement, pas été acceptée. C’est pour cela que  le consensus s’est fait autour de l’élection présidentielle immédiate. Sans quoi la logique est très simple : on ne peut élire un chef d’Etat sans un Etat.

Quelle était votre proposition, la démarche de votre parti?

Mohamed Touré : Nous avions pensé qu’il fallait constituer l’Etat et démocratiquement. Cela aurait dû commencer par des élections à la base. Des élections communales, ensuite les élections d’un parlement, qui aurait adopté une Constitution. Certains ont pensé que ce processus est long, mais on se rend compte avec les blocages qu’il y a, aujourd’hui, que peut être non seulement ce processus n’était pas nécessairement  long, mais qu’il aurait été le plus rationnel, le plus définitif. L’option a été prise par consensus, par majorité qu’on aille à l’élection présidentielle. On a été à l’élection présidentielle, avec des institutions forgées pour justement cette transition, qui n’a eu pour objectif que l’organisation du scrutin présidentiel. Mais ces institutions qui ont été  ont été forgées n’ont pas nécessairement la légitimité populaire. C’est pour cela que le cheminement inverse aurait été préférable.

Vous avez, par exemple, un Comité national de transition (CNT), qui fait beaucoup d’efforts, qui a adopté des textes  pour que la transition se fasse dans un cadre relativement acceptable au plan juridique. Vous avez une Commission électorale nationale indépendante, née des centres du régime défunt qui avait une représentation de 10 membres du PUP (parti de Lassana Conté). C’est cette CENI dont on a hérité et qu’on a acceptée aussi. Mais il se trouvait finalement que le premier tour a fait l’objet de ce  que certains  appellent dysfonctionnements. Je préfère appeler cela mode de fraude, parce que franchement en fait d’erreurs, ce ne sont plus des erreurs quand des fautes se font voir et qu’on se rend compte que ces  fautes lne sont pas tout a fait anodines, mais qu’elles sont délibérées. Ce n’est plus une question de dysfonctionnements, il serait plus correct de parler de fraude. Voilà  ce qui a marqué la situation de vote du premier tour. Quand on s’est rendu compte qu’il y a trop de dysfonctionnements lors du premier tour, une commission ad hoc a été créée pour les corriger. Ces dysfonctionnements sont au nombre de 24 sur lesquels  certains ont été résolus, d’autres restent attendent toujours des solutions. Voilà  le problème, je crois que si nous voulons aboutir à une élection qui ne soit pas contestable, parce que l’objectif c’est de maintenir la paix, c’est de garder la cohésion sociale,  il faut jouer de la transparence absolue et de la vérité. Il faut que l’expression du peuple guinéen soit vraiment respectée et particulièrement dans ce second tour de la présidentielle. En tout cas, des dispositions sont en train d’être prises. Nous attendons d’y voir clair.    

Pensez-vous  qu’il y aura une sortie de crise, étant donné que le camp de Cellou Dalein conteste la légitimité du nouveau président de la CENI ?

Mohamed Touré : Il va falloir que les cadres guinéens, les cadres politiques, les cadres de la transition, tout le monde, se rendent compte que la nation est supérieure à chacun d’entre eux pris individuellement. Ceci est un exercice d’autant plus important que la précarité de la vie, la pauvreté extrême du Guinéen, aujourd’hui l’amène, des fois, à des comportements irrationnels surtout dans les grands centres urbains comme Conakry. C’est quand ces comportements irrationnels sont entretenus, suscités parfois et entretenus par une classe politique qui ne pense qu’au pouvoir, que les problèmes se posent. Nous nous pensons que, en tant que parti démocratique de Guinée et, par ailleurs, membre de l’Alliance arc en ciel (qui soutient Alpha Condé), que ce qui est plus important c’est la nation guinéenne, que nous devrons mettre au-dessus de tout. Il faut faire respecter la loi, même si cette loi est une loi de transition, d’une situation exceptionnelle donc. Mais c’est la loi qui nous gouverne. C’est seulement à ce prix  que nous aurons la paix sociale et nous préserverons notre nation.

Etes-vous optimiste  quant à l’issue du second tour ?

Mohamed Touré :   Je suis optimiste, je vous ai dit que ce sont les cadres guinéens qui sont le problème,  sinon le peuple de Guinée n’a pas de problème. Le peuple de Guinée sait qu’il est un, le peuple de Guinée a une tradition, une haute tradition, d’être ensemble, d’être uni, d’être un, d’être même plus africain que guinéen. Je sais, moi,  que je n’ai pas de problème, je suis très optimiste quant à l’issue de ce second tour.  Mais cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas lancer encore un appel à nos cadres, politiques et autres pour qu’ils comprennent que le peuple n’a que trop souffert  et que nous devons décidément aller de l’avant. En donnant à ce peuple la chance  de se gouverner , c’est cela  la démocratie et c’est à cela  qu’on aspire.     

 

        Propos recueillis  par Kassim Traoré

 

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