En Gambie, Adama Barrow remporte la présidentielle

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Le président sortant, réélu avec 53 % des suffrages, est attendu sur la question de la justice pour les crimes commis du temps de l’ancien dictateur, Yahya Jammeh.

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Après une journée de suspens, une foule dense a acclamé Adama Barrow jusque tard dans la soirée ce dimanche 5 décembre à Banjul, la capitale gambienne. Le président sortant, réélu pour un second mandat, est monté triomphalement à la tribune, habillé d’un boubou blanc et entouré de ses deux femmes. « La démocratie a pris fait et cause pour nous, en nous aidant à diriger en douceur le pays ces cinq prochaines années », a-t-il déclaré dans un brouhaha de musique, hurlements et sifflets. Le dirigeant a pris la parole devant ses partisans venus en masse, souvent vêtus d’un tee-shirt à son effigie, deux heures après avoir été déclaré vainqueur de l’élection présidentielle avec plus de 53 % des suffrages. Le scrutin à un tour a enregistré un taux de participation de plus de 89 % dans ce petit pays anglophone de 2,2 millions d’habitants enclavé dans le Sénégal. Les résultats ont toutefois été contestés par le principal opposant, Ousainou Darboe, et deux autres des six candidats en lice, avant même leur officialisation.

« J’étais sûre qu’il gagnerait »

Depuis le milieu de l’après-midi, les partisans d’Adama Barrow célébraient la victoire dans le centre de Banjul. « J’étais sûre qu’il gagnerait, c’est un homme qui travaille dur et qui a amené la démocratie », se réjouit Amy Jatta, 27 ans. Le chef de l’État, 56 ans, avait été élu une première fois en 2016, provoquant le départ de l’ancien dictateur Yahya Jammeh après vingt-deux ans de règne. Sa victoire avait surpris, tant l’homme politique était inconnu du grand public.

Né en 1965 dans un petit village de la région de l’Upper River (est), Adama Barrow a monté son agence immobilière à Banjul, après avoir été agent de sécurité en Grande-Bretagne. « Je le connais depuis 1998, sa première femme est ma nièce », se vante Sana Dahaba, aujourd’hui directeur exécutif de l’agence nationale de gestion des catastrophes. Il se souvient du début des années 2000, quand Adama Barrow s’était présenté aux élections législatives. « Il a toujours été préoccupé par le développement de sa région et par sa participation à l’intérêt public », explique-t-il.

En 2016, son élection n’avait pourtant rien eu d’évident. Yahya Jammeh régnait d’une main de fer sur le pays. Membre du Parti démocratique gambien (UDP), formation historique de l’opposition, Adama Barrow avait été hissé à la tête d’une coalition, à défaut d’Ousainou Darboe, le chef de l’UDP, à l’époque en prison. La victoire, qui s’était jouée à quelques voix près, avait été contestée par le despote. Il avait fallu une intervention militaire de la Cedeao pour l’obliger à quitter le pouvoir, et son exil en Guinée équatoriale se poursuit encore aujourd’hui.

Apaiser la mémoire des victimes

Une fois élu, Adama Barrow s’est imposé. « Il était timide, humble et modeste, c’était un candidat de compromis pour les partis de la coalition qui pensaient le contrôler. Mais il a été sous-estimé », juge Abdoulaye Saine, professeur en sciences politiques. « Il n’est plus l’homme naïf de 2017, il est davantage astucieux, tacticien et calculateur », poursuit-il en référence à l’alliance nouée entre Adama Barrow et le parti de Yahya Jammeh, l’Alliance patriotique pour la réorientation et la construction (APRC), en septembre 2021. Un rapprochement qui a déçu de nombreux Gambiens mais aussi un coup politique qui lui a apporté de nombreux soutiens.

En décembre 2019, Adama Barrow avait créé sa propre formation politique, le Parti national du peuple (NPP), marquant la rupture avec Ousainou Darboe, son père politique devenu son plus grand adversaire. Cette année-là, Adama Barrow est revenu sur sa promesse de quitter le pouvoir après trois ans de transition. Sa décision de rester à son poste jusqu’à la fin de son mandat a fait sortir dans la rue des citoyens inquiets, scandant le slogan « Three years jotna » (« trois ans, il était temps »), mais vite réprimés par les forces de l’ordre. Autres motifs de déception du côté de la société civile : le rejet de la réforme de la Constitution et les lenteurs dans la réforme des lois répressives datant de l’ère Jammeh.

Assassinats, disparitions forcées, détentions arbitraires et viols : des centaines de victimes et leurs familles attendent encore que les coupables soient jugés. Adama Barrow a reçu le 25 novembre les recommandations de la Commission vérité, réconciliation et réparation, qui a recueilli plus de 370 témoignages sur les atrocités commises. Il a maintenant six mois pour proposer une feuille de route afin de les mettre en œuvre, une étape essentielle pour apaiser la mémoire des victimes et construire une nouvelle Gambie.

SOURCE: https://www.lemonde.fr/

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