Malgré l’absence de l’opposition, qui boycottait le scrutin, le RHDP a essuyé des revers à Bouaké et Yamoussoukro.
En Côte d’Ivoire, la coalition au pouvoir, le Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), a remporté les premières élections sénatoriales du pays, avec 50 des 66 sièges en jeu. Ce pointage a été réalisé samedi 24 mars par l’AFP à partir de l’annonce des résultats, circonscription par circonscription, par la Commission électorale indépendante (CEI). En l’absence de l’opposition, qui boycottait le scrutin, cette victoire était attendue.
Une grosse surprise est toutefois venue de Bouaké, fief traditionnel du pouvoir et ancienne capitale de la rébellion, qui soutenait le président Alassane Ouattara. Le RHDP y a été battu par la liste des indépendants, qui récolte 157 voix, contre 105 au RHDP. Le pouvoir paie sans doute là son incapacité à régler le problème des mutineries récurrentes dans l’armée qui ont secoué le pays en 2017 et dont Bouaké est l’épicentre.
« C’est la déception la plus totale. Nous n’avons pas compris comment certains [élus du RHDP] ont pu nous lâcher pour aller voter pour les indépendants. C’est dur mais nous acceptons cette défaite et les conséquences risquent d’être graves », a reconnu Bazoumana Barro, conseiller municipal à Bouaké. « C’est la base qui vient de s’exprimer », s’est quant à lui félicité Christophe Koffi, membre du parti d’Alassane Ouattara qui a soutenu la liste des indépendants, des dissidents.
Le RHDP a aussi été battu dans une autre circonscription hautement symbolique, celle de Yamoussoukro, la capitale administrative, patrie de l’ancien président Félix Houphouët-Boigny, dont le RHDP se réclame. A Abidjan, en revanche, le RHDP n’a pas fait dans le détail, récoltant 100 % des suffrages exprimés.
Un Sénat « monocolore »
L’opposition et la société civile avaient critiqué le scrutin et demandé son report, soulignant notamment que, l’opposition ayant boycotté les élections locales de 2013, il aurait été plus juste de tenir l’élection de ce premier Sénat après les élections locales qui doivent avoir lieu cette année également, à une date restant à fixer.
« On pourrait dire que le gouvernement veut un Sénat monocolore », a déclaré Bamba Sindou, coordonnateur de la Poeci, la Plate-forme des organisations de la société civile pour l’observation des élections en Côte d’Ivoire. L’opposition demande surtout une réforme de la Commission électorale indépendante (CEI), qu’elle accuse d’être en faveur du pouvoir, avant toute élection sénatoriale ou municipale mais surtout avant la présidentielle de 2020.
Le Sénat a été créé par la nouvelle Constitution de 2016, approuvée par référendum. Les conseillers municipaux et régionaux des actuelles mairies et régions ainsi que les députés constituent le collège électoral du scrutin au suffrage universel indirect qui s’est tenu dans chacune des 31 régions et 197 communes du pays. Le président Ouattara doit encore nommer 33 autres sénateurs.
L’opposition accuse le chef de l’Etat d’avoir succombé au « clientélisme » en créant ce Sénat qui, selon elle, sera « budgétivore ». « Il n’y a que l’air qu’on respire qui est gratuit. On a besoin de ce Sénat qui va représenter les élus » et les collectivités locales, estime Félicien Legré, conseiller municipal de Bingerville et membre de la coalition présidentielle, après avoir déposé son bulletin dans l’urne à Abidjan. Le Sénat, « c’est le développement et la démocratie. Cela participe aussi à la cohésion, à l’union, à la paix entre les peuples. C’est une très bonne chose », assure de son côté Michel Loukou Kouadio, conseiller municipal à Bouaké.
Le Monde.fr avec AFP