Alors qu’un calme précaire règne sur Abidjan, au lendemain des heurts entre partisans de Ouattara et soldats pro-Gbagbo qui auraient fait une vingtaine de morts, le régime du président sortant choisit la fuite en avant. La presse d’opposition est désormais dans le viseur du pouvoir de Laurent Gbagbo. Plusieurs journaux n’ont pas pu paraître ce vendredi matin, suite à une descente des hommes de la Garde républicaine dans plusieurs imprimeries d’Abidjan, munis d’une liste noire.
Impossible de trouver «Le Patriote», «Le Nouveau Réveil», «Le Jour plus», «L’Expression», «Nord-Sud», «Le Mandat» et «L’Intelligent d’Abidjan». En signe de protestation, révèle l’association Reporters sans frontières (RSF), l’imprimerie Sud-Actions a refusé d’imprimer «Le Nouveau Courrier» et «Le Temps», deux journaux acquis à la cause de Laurent Gbagbo. Les hommes de la Garde républicaine ont également enjoint au distributeur des journaux, Edipresse, de bloquer les journaux incriminés «jusqu’à nouvel ordre».
Denis Kah Zion, directeur général du quotidien «Le Nouveau Réveil» et patron du groupement des éditeurs de presse, témoigne: «Le nouveau ministre de la communication nommé par Gbagbo avait dit, il y a quelques jours, que les journaux qualifiant Alassane Ouattara de "président élu" et Gbagbo d’"ancien chef de l’Etat" allaient être interdits. Le régime de Gbagbo a tenu parole, mais il est passé par les militaires. Grâce à Dieu, les soldats n’ont pas attaqué les rédactions. Ils auraient très bien pu débarquer, brûler et même tuer des journalistes.» En novembre 2004, à la veille d’une offensive militaire de l’armée loyaliste, plusieurs rédactions avaient ainsi été attaquées par des «patriotes» pro-Gbagbo.
En muselant la presse d’opposition, le régime de Gbagbo réduit au silence les dernières voix dissidentes à Abidjan. La RTI (télévision nationale) est aux ordres du président sortant, et les chaînes étrangères (France 24, RFI, TV5) sont coupées depuis deux semaines.
Lors des troubles d’hier, plusieurs équipes de télévision françaises ont, par ailleurs, été victimes d’actes d’intimidation, voire de violences. Dans un communiqué publié ce vendredi matin, RSF indique: «Des forces de sécurité fidèles au président Laurent Gbagbo ont menacé des équipes de télévision françaises qui couvraient la manifestation. Une équipe de la chaîne France 2 a ainsi été braquée à la kalachnikov par des éléments du Centre de commandement des opérations de sécurité (CECOS). Les journalistes ont été plaqués au sol et l’ensemble de leur matériel a été emporté. Une équipe de la chaîne France 3 a, quant à elle, été dispersée par des tirs à balles réelles, sans dommages.»
Par THOMAS HOFNUNG (liberation.fr) – 17/12/2010 à 14h11