Au Sénégal, le projet de loi sur le ticket Président et Vice-président de la République a provoqué la semaine dernière le mécontentement général d’un peuple déjà à bout de patience. L’opposition a décrété le jeudi noir. Des violences ont éclaté simultanément dans plusieurs villes du pays, faisant 102 blessés. Au désarroi, Wade qui, selon certaines sources, n’écouterait que Karim, son fils super ministre, a été contraint d’abandonner la tentative de faire avaler sa décoction magique aux électeurs sénégalais.
Celui qui a eu la turpitude de porter au pinacle la rébellion libyenne et de se livrer à des diatribes contre Kadhafi a certes oublié son impéritie à faire accéder ses citoyens aux moindres conditions de vie décentes. Loin de là, le Sénégal a reculé presque sur tous les plans dans la sous-région. Même le faible pouvoir d’achat de la population a enregistré une baisse considérable. Le chômage, la pauvreté massive, le délestage permanent, les journalistes jetés dans le gnouf, le musellement de l’opposition, voilà quelques raisons essentielles des violences qui ont secoué le pays pendant deux jours. Hormis son entêtement absurde à modifier la Constitution sénégalaise pour briguer un troisième mandat consécutif, l’homme fort de Dakar a toujours été soupçonné de vouloir imposer son fils à la tête de l’Etat. Mais ses concitoyens, semble-t-il, sont déterminés à trancher autrement qu’il pense. Maitre Abdoulaye Wade, qui nageait dans les nuages, vient de tomber des nues dans l’opprobre.
En avril 2012, les Maliens seront appelés aux urnes. A quelques encablures de la présidentielle, l’atmosphère reste très tendue au sein de la société. D’une part, l’ampleur de la corruption, du chômage parmi les jeunes et l’augmentation du cout de la vie qui a aminci le panier de la ménagère soulèvent déjà la grogne sociale. De l’autre, les débats non-sens de dernière minute autour du fichier électoral et les tergiversations du gouvernement commencent à attiser la méfiance de la population qui aspire à des changements radicaux au sommet de l’Etat. La question sur toutes les lèvres est de savoir pourquoi ce débat est lancé maintenant. Que n’a-t-on pas songé plutôt à présenter un fichier électoral qui fasse l’unanimité, d’autant plus que l’actuel président qui se dit préoccupé par la tenue d’élections transparentes tient dans ses mains les rênes du pays déjà neuf ans ? On serait tenté d’affirmer que soit par indifférence, soit sciemment, le dossier a trainé dans les tiroirs de Koulouba en attendant que l’heure de la forfaiture sonne.
RAVEC ou RACE, le fichier électoral constitue en lui-même le danger principal que le Mali encourt, car il fait l’objet de contestations. Certains trouvent que ces discussions tardives ont pour objet de « brouiller les radars » des Maliens pour installer au palais présidentiel l’homme qui protègerait l’œuvre macabre des fossoyeurs de l’économie nationale.
L’électorat malien doit assumer aussi sa part de responsabilité quant aux nombreux problèmes que connait le pays. Nous devons savoir qu’accepter de voter simplement pour du thé ou du sucre amène au pouvoir des individus aux intentions mal veillées. Lors des élections, ceux-ci font preuve d’une « générosité » inouïe rien que pour acheter la conscience des masses. Quelques mois après, le citoyen lambda est éclaboussé dans les rues au passage des voitures luxueuses. Après quatre présidentielles organisées, et compte tenant de tous les fléaux qui rongent néanmoins notre société, le temps est venu pour nous de ne plus mettre le pied dans les mêmes pièges de kilos de céréales distribués, mais plutôt de faire un choix bien réfléchi. Autrement, rien ne sert de se plaindre plus tard. Car les prédateurs resteront alors accrochés aux branches de l’arbre qu’ils ne secoueront jamais pour faire tomber quelques fruits dans la bouche du peuple. Ces hommes abattront toutes les cartes dans le but de maintenir le statu quo. L’idée de l’entrée sur scène de l’intègre leur donne la chair de poule.
La plupart des élections récentes tenues surtout en Afrique francophone nous ont démontré que nous assistons plutôt à l’avènement d’une «démocratie bananière» dans nos pays, une sorte de mascarade électorale couteuse à nos maigres budgets. En réalité, tout se passe sans la participation effective du peuple. En effet lors des votes, la sublime volonté de ce dernier se trouve noyée par le bourrage des urnes, les tricheries, manigances et tripatouillages auxquels se livrent nos dirigeants avec la complicité de la Communauté internationale. L’objectif serait de veiller à ce qu’arrivent au pouvoir les « dociles » qui servent les intérêts de la métropole sans oublier de s’enrichir eux-mêmes au détriment de leurs pays.
Cependant, le 13 juin dernier, à Addis Ababa, la secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, déclarait avec témérité devant nos leaders stupéfaits: « Ce que nous voyons éclore dans les pays arabes a déjà pris racine dans nombre de pays africains. […] Le message est clair : le statu quo, c’est fini ; les vieilles façons de gouverner ne sont plus acceptables. Il est temps pour les chefs de rendre des comptes, de traiter leurs peuples avec dignité, de respecter leurs droits et d’obtenir des résultats économiques. S’ils ne le font pas, il est temps pour eux de partir. » Madame Clinton va plus loin encore: « Trop de gens en Afrique vivent encore sous la houlette de dirigeants au long cours, d’hommes qui se préoccupent trop de leur longévité et pas assez de l’héritage qu’ils vont laisser à leur pays. Certes, quelques-uns proclament leur attachement à la démocratie, une démocratie qui se résume pour eux à une seule élection une seule fois. […] Pour ces chefs qui s’accrochent au pouvoir à tout prix, qui suppriment les voix discordantes, qui s’enrichissent, eux et leurs partisans, au détriment de leur peuple, le “printemps arabe” a une signification toute particulière. » Laquelle ? Changez s’il en est encore temps ou vous serez changés, s’exclame Mme Clinton, changez ou « le temps se chargera de vous démontrer que vous êtes du mauvais côté de l’Histoire ». (Source: Jeune Afrique.)
Cette invective semblerait être adressée tant aux présidents africains qu’à l’Elysée qui est toujours le grand ami de nos dirigeants détenteurs du record du Guinness de longévité politique.
Quoi qu’il en soit, après vingt années de démocratie, les Maliens, surtout la jeunesse, se rendent compte enfin que les espoirs suscités par la révolution de mars 1991 ont été trahis. En effet, nous sommes toujours dirigés par assez de barons de l’UDPM, prouvant que ceux-ci sont des champions de la métamorphose pour satisfaire leurs intérêts égoïstes. Malgré les évènements tragiques qui ont provoqué la chute du régime de GMT, on peut dire sans pour autant se tromper qu’au Mali ventre plein n’a point de mémoire.
Le Mali est malade et souhaite un médecin compétent qui lui prescrive des médicaments appropriés. De là, le grand enjeu des prochaines élections. Le peuple y fonde assez d’espoirs. Sans grand remue-ménage, Il veut rectifier, en quelque sorte, les erreurs commises le long du chemin parcouru. Les manières subtiles et louches de l’en empêcher pourraient conduire à de fâcheuses conséquences qui terniraient l’image démocratique du pays.
A la tête de notre glorieuse nation, il faut impérativement l’homme qui soit capable de mettre les lois en marche, de la discipline et de l’autorité dans la gestion publique des affaires. Aujourd’hui, le Mali a autant besoin de démocratie et de projet d’infrastructures d’envergure nationale que d’éradiquer la corruption, l’impunité et le népotisme qui entravent notre avancée vers des lendemains aussi prospères que rassurés.
Pour ces mêmes raisons, le Sénégal vient de connaitre ses folles journées de violences. Le sot tire des leçons de ses propres erreurs; l’intelligent en tire de celles des autres, dit un adage russe.
Tout comme le commun des mortels, ATT a deux oreilles. Il lui revient de prêter l’une à ce que lui suggèrent ses conseillers et son entourage proche, et de tendre l’autre à la voix du peuple malien. Car, sans nul doute, Il y va de la place qu’il occupera dans l’histoire contemporaine du Mali.
Kénédougoufama,
Fédération de Russie.