Au pouvoir depuis 21 ans, le président gambien se verrait bien rempiler pour un 5e mandat. Il a désormais la confiance de son parti, qui l’a investi vendredi, et ce, dans un contexte politico-économique de crise.
En Gambie, l’élection présidentielle n’est pas prévue avant le mois de décembre 2016. Mais le président Yahya Jammeh veut aller vite. Il vient d’obtenir la confiance de son parti, l’Alliance pour la réorientation et la construction patriotique (APRC), comme il l’a annoncé sur son compte Twitter :
I have just nominated & confirmed myself as APRC presidential candidate for 2016 #Gambia polls. #RiggedAlreadyhttps://t.co/Gr1X2oJV9V
— King Yahya Jammeh (@ProfJammeh_GM) 24 février 2016
Un contexte de tensions socio-économiques
En effet, cette élection se prépare dans un contexte politique et socio-économique tendu. D’une part, l’économie gambienne traverse une grave crise, à cause de l’épidémie d’Ebola. Pour 2014, la croissance s’est établie à – 0,2 % contre une prévision initiale de 7,4 %, faisant chuter les recettes touristiques, l’une des principales mannes du pays. D’autre part, le pays a connu une grave sécheresse. L’arrivée tardive de la saison des pluies a entraîné une chute des récoltes agricoles de 15 % en 2014, aggravant les situations d’insécurité alimentaire. Sans oublier un climat des affaires qui ne s’améliore pas. La relève a bien eu lieu en 2015, avec une croissance de près de 4 %. À ce contexte économique s’ajoute le climat politique délétère depuis l’épisode de la tentative de coup d’État avortée de décembre 2014. Le régime de Jammeh s’est braqué contre l’opposition. Une nouvelle réforme électorale a été votée en catimini, instaurant une taxe pour les candidats à la présidentielle s’élevant à cinq mille fois la caution à payer. Les futurs opposants devront s’acquitter de 500 000 dalasis (12 500 dollars US), ils devront en plus devoir renouveler la reconnaissance légale de leurs partis politiques au coût de 12 500 dollars US. Ils devront aussi installer des sièges agréés dans les sept régions du pays selon les nouvelles règles.
En route pour un cinquième mandat
Arrivé au pouvoir en 1994 après un putsch et réélu quatre fois, Yahya Jammeh a été désigné candidat de l’Alliance pour la réorientation et la construction patriotique (APRC, au pouvoir) au scrutin présidentiel du 1er décembre 2016 lors d’un congrès vendredi, selon des images diffusées samedi soir par la télévision publique gambienne. « Continuons d’être au service du peuple de Gambie et gardons notre détermination à mieux le servir et lui donner les standards de vie parmi les plus élevés dans le monde », a déclaré le président à ses partisans, lors de ce congrès tenu à Kanilai, sa localité natale dans l’ouest du pays. « Nous sommes en démocratie et ils parlent de limitation de mandats. N’importe quel chef d’État occidental ou autre dirigeant d’État qui viendrait parler de limitation de mandats en Gambie verra ce que je lui (dirais), » a-t-il ajouté en allusion aux critiques de pays occidentaux et de défenseurs des droits de l’homme. « Pendant mille ans, nous avons été assujettis à l’idéologie occidentale, qui nous a ramenés en arrière, » a-t-il affirmé, ajoutant que ses détracteurs ont échoué à combattre son régime, soutenu, selon lui, par Dieu.
L’opposition plus divisée que jamais
Yahya Jammeh a par ailleurs ajouté que l’opposition pouvait boycotter les élections mais n’avait pas le droit de déstabiliser le pays. Le scrutin du 1er décembre 2016 doit précéder les élections législatives prévues le 6 avril 2017. Mais, face à lui, il y aura bien une opposition. L’opposant Halifa Sallah, un sociologue gambien, a été désigné candidat officiel du parti de l’Organisation démocratique du peuple pour l’indépendance et le socialisme (PDOIS) à l’élection présidentielle de décembre. Sa nomination a été validée lors d’une primaire ayant sanctionné un congrès de ce parti, mercredi. Il reste maintenant au parti PPP de l’ancien président Dawda Kairaba Jawara et à l’UDP de l’avocat Ousainou Darboe de donner leurs consignes pour les élections.
Des risques de fraudes
La Gambie, petit État anglophone d’Afrique de l’Ouest enclavé dans le territoire du Sénégal hormis sa façade sur l’océan Atlantique, est dirigée d’une main de fer par le président Jammeh depuis vingt et un ans. Son régime est accusé par des ONG d’être responsable de disparitions forcées, d’assassinats, d’exécutions extrajudiciaires et de harcèlement de la presse et des défenseurs des droits de l’homme, accusations qu’il a régulièrement rejetées. Porté au pouvoir en 1994 par un coup d’État militaire, Jammeh a été élu pour la première fois en 1996, puis réélu trois fois (en 2001, en 2006 et ensuite en novembre 2011 avec 72 % des voix). L’APRC a remporté une victoire écrasante aux dernières législatives (43 des 48 élus, 5 parlementaires étant nommés par le président) en mars 2012. Ces scrutins ont été boycottés par six des principaux partis d’opposition accusant le régime d’« abus de pouvoir ».