Que dit la visite du président Guelleh des relations franco-djiboutiennes?

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François Hollande et Ismail Omar Guelleh à l'Elysée le 28 février 2017. © REUTERS/Philippe Wojazer

Le président djiboutien effectue en ce moment une visite officielle à Paris ; il a rencontré mardi 28 février son homologue français François Hollande pour échanger autour des thèmes de la sécurité régionale, de la lutte contre le terrorisme, de l’aide au développement et de la francophonie. Une visite quelque peu tardive qui suscite des questionnements sur les relations entre les deux pays.

A quelques semaines de la fin de son mandat, François Hollande reçoit finalement son homologue djiboutien. Une rencontre assez discrète, car il n’y a eu ni point presse ni discours officiel. Si à Paris on évoque des « incompatibilités d’agenda » pour expliquer cette venue tardive, on admet aussi qu’il existe plusieurs points de tension entre les deux pays.

Il y a la réélection contestée du président l’an dernier, le renvoi de l’ambassadeur français à la demande du pouvoir ou encore les violences qui ont fait plusieurs morts fin 2015 à Buldocqo, en périphérie de la capitale. La France est restée discrète sur ces événements, là où les Etats-Unis, qui sont aussi présents à Djibouti, ont demandé la libération des opposants détenus.

La France se positionne dans un « entre-deux inconfortable », estime la chercheuse Sonia Le Gouriellec ; « d’un côté elle peine à défendre ses valeurs et de l’autre elle peine à défendre ses intérêts ».

De par sa position géographique, Djibouti est un allié indispensable dans la lutte contre la piraterie et les shebabs de Somalie, mais c’est aussi un « pivot » pour se déployer au Moyen-Orient.

Djibouti abrite le plus important contingent français à l’étranger, un contingent qui a servi aux opérations en Centrafrique, en Irak, au Yémen et au Mali. De plus, Djibouti se trouve au croisement des plus importantes routes commerciales de la région et abrite également l’un des principaux ports de marchandises.

Cette position intéresse beaucoup les grandes puissances et Djibouti profite de cette position en menant une politique d’ouverture aux partenaires étrangers. Le calcul qui a plutôt bien fonctionné : les Etats-Unis, l’Union européenne le Japon et la Chine sont présents dans le pays.

La Chine investit massivement dans les infrastructures en construisant par exemple la nouvelle voie ferrée, mais on pourrait aussi citer les Emirats Arabes Unis qui gèrent le port de Djibouti. Bref, nombreux sont ceux qui regardent avec intérêt les prévisions de croissances, estimées à 7% par le FMI.

Un sentiment d’abandon

La France quant à elle maintient ses actions de formation militaire, son appui au développement, à la francophonie. Mais c’est finalement peu de choses face aux investissements directs étrangers, et ce d’autant que le pays a un sentiment d’ « abandon » par l’ancienne puissance coloniale. « Tout se passe comme si la France ne nous considérait plus », se plaignait en 2015 le président Guelleh à l’hebdomadaire Jeune Afrique.

Un sentiment qui ne date pas d’hier, selon Sonia le Gouriellec, Djibouti reproche à la France de ne pas l’avoir soutenu pendant la guerre civile des années 1990 ou lors du conflit avec l’Erythrée en 2008.

Et puis en 2007, la justice française demande à entendre le président lui-même dans le cadre de l’affaire Borrel, du nom de ce juge français assassiné en 1995 à Djibouti dans des circonstances extrêmement troubles. Vingt ans après, ses proches réclament toujours justice dans ce qu’on considère communément comme une affaire d’Etat.

Un sentiment d’abandon partagé par l’opposition djiboutienne et la société civile qui estiment que François Hollande n’a « pas tenu ses promesses » et que la France tient un « double discours » sur les droits de l’homme et la liberté d’expression qui sont ouvertement « bafoués » à Djibouti selon différents rapports d’ONG.

Dimitri Verdonck, spécialiste de Djibouti, résume ainsi la situation : « Il n’y a pour l‘instant aucun signe de changement dans le pays, tout comme dans la politique de la France à son égard ».

En somme, cette visite illustre une certaine continuité : malgré les différends, Djibouti tend à nouveau la main la France, comme si les deux Etats se savaient liés par une relation d’interdépendance qui n’est pas près de s’effacer.

Publié: le 1 mars 2017 par rfi

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