Disparition de l’opposant tchadien Ibni Oumar Mahamat : Son fils demande l’implication des défenseurs des droits de l’homme

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De passage à Bamako la semaine dernière dans le cadre du Colloque international sur la sécurité au Sahel, Ibrahim Ibni Oumar Mahamat Saley,  fils de l’opposant tchadien disparu, le Pr. Ibni Oumar Mahamat, était face à la presse jeudi dernier à la Maison de la presse. Il s’agissait de solliciter le soutien de la presse malienne afin que triomphe, un jour  au Tchad, la vérité sur les conditions de disparation de son père, celui de tous les défenseurs des droits de l’homme en Afrique, victimes de la barbarie.

Comme chacun le sait, l’Afrique au lendemain de son indépendance fut marquée par l’avènement des pouvoirs autoritaires répressifs. Le continent présentait un tableau sombre, vu le gigantesque lot d’assassinats, de tortures, de disparitions et d’arrestations arbitraires dont étaient victimes des citoyens qui avaient émis une idée contraire en rapport avec la gestion de la chose publique. Du Maghreb au Cap en passant par le Sahel et l’Equateur, des régimes africains se sont illustrés par des pratiques sanglantes et sanguinaires dans le but de conserver le pouvoir pour le pouvoir avec la complicité tacite de certains  puissants de ce monde, ceux-là mêmes qui se disaient défenseurs des valeurs universelles de la démocratie, des droits de l’homme et de la justice.

Selon Ibrahim Ibni Oumar Mahamat Saley, l’Afrique indépendante a cependant enregistré une série d’assassinats de personnalités politiques dont le seul tort est d’appartenir à des mouvements plus ou moins pacifiques qu’ils conduisaient et qui, naguère, étaient considérés par des pouvoirs en place comme des actions subversives. Ainsi, de 1958 à 1990, furent assassinées des personnalités politiques dont les plus connues sont, au Maroc, Mehdi  Ben Barka, leader socialiste de l’opposition marocaine, panafricaniste et anti-colonialiste assassiné à Paris en France dans les années 65. En Algérie, Mohamed Khémisti, ancien ministre des Affaires étrangères (1963), Mohamed Khider (1967) et  Krim Belcacem (1970) ; en Tunisie, Salah Ben Youssouf, homme politique assassiné en 1961. Au Tchad, Dr. Outel Bono, un homme politique, fut assassiné à Paris en 1973.

À l’en croire, le but de cet exposé n’est pas de s’appesantir sur la rétrospective des cas d’assassinats en Afrique, mais de chercher à analyser les motivations des régimes africains à enfreindre toute voix discordante, toute action populaire visant à une remise en cause d’un pouvoir despotique. C’est pourquoi, nombreux étaient des Africains qui ont cru au processus de démocratisation de l’Afrique, déclenché par la conférence de Baule en 1990, estimant que le temps des dictatures révolu et croyant à la possibilité d’une alternance, se sont jetés dans une lutte pacifique pour apporter des réponses démocratiques  aux exigences de leurs pays respectifs. Cela s’est passé malheureusement pour certains au prix de leur vie, comme c’est le cas du Professeur Ibni Oumar Mahamat Saleh. «En cet instant que chacun devine si important pour l’avenir du Tchad, pour l’avenir de chacun d’entre nous, nous ne pouvons nous empêcher d’éprouver une émotion sincère et profonde. Cette émotion, nous aurions pu essayer de la qualifier, cette émotion, nous aurions pu essayer de la définir. En un mot, nous aurions pu vous dire que nous avions honte, mais cette honte n’aurait pas traduit, avec assez de force, ce que nous ressentons en cet instant. Il y a des indignations si puissantes, des courroux si indescriptibles qu’il n’existe pas de mots assez forts pour les nommer. Il y a des colères si intenses qu’il serait inutile de chercher à les rendre pleinement par la simple force du verbe. L’émotion, la honte, la révolte que nous éprouvons en cet instant, sont celles-là, titanesques, dévastatrices», a dit le conférencier.

Avant d’ajouter : «Durant 24 ans, l’âme des Tchadiens saignait. Durant 24 ans, des hommes croyaient pouvoir en asservir d’autres à grand coup de pétrodollars, d’exécutions sommaires et de supplices abjects. Durant 24 ans, un dictateur sanguinaire porté illégitimement au pouvoir et ses soudards ôtaient peu à peu tout ce que le Tchad a pu conquérir en trente ans d’existence. Durant 24 ans, un pan entier de notre peuple – la grande majorité- était privé de sa dignité, bafoué dans ses droits les plus fondamentaux, mis au ban de l’humanité. Mais durant ces 24 ans, des hommes se sont levés. Parmi ces hommes, il y avait le Professeur Ibni Oumar Mahamat Saleh. Il s’est levé pour dire non, non à l’arbitraire, non à l’injustice, non à la tyrannie. Il s’est levé parce qu’il croyait en un Tchad meilleur, débarrassé de la gangrène de la haine et de la division. Il a alors fondé son parti politique d’opposition, le parti pour les libertés et le développement (PLD), pour promouvoir ses idéaux et porter aux nues son idéal».

Parlant du combat de son père, il dira que le Professeur Ibni Oumar Mahamat Saleh a sacrifié sa vie pour des idéaux universels aussi nobles que la démocratie et la justice au Tchad, en Afrique et dans le reste du monde. «Tout au long de sa carrière, cette illustre figure de la politique tchadienne a fait montre d’une exemplarité et d’une grande rectitude morale dans un pays devenu, au fil des années, un repaire où foisonnent toutes sortes de comportements anti-patriotiques et rétrogrades. Il était l’une des rares voix autour desquelles se sont rassemblés ceux qui désirent sortir le Tchad de la spirale de la violence et de coups de force qui emportent toute aspiration démocratique et de réelle liberté. Le Professeur Ibni est devenu un des emblèmes de l’opposition non armée et démocratique dans ce pays asphyxié par l’inhumanité et les conflits de ces dernières décennies. Nous nous souvenons, il était le porte-parole de l’opposition démocratique tchadienne», a-t-il conclu.

Alhousseini TOURE

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