Dialogue politique : Le forcing de Messaoud Ould Boulkheïr

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Messaoud Ould Boulkheïr, président de l’Assemblée nationale et de l’Alliance Populaire Progressiste (APP) multiplie, ces derniers temps, les déclarations, selon lesquelles son parti ira dialoguer avec le pouvoir, avec ou sans l’opposition. Alors que cette dernière cherche à aplanir ses divergences pour pouvoir aller unie à la rencontre avec le pouvoir. Ainsi donc, Ould Boulkheïr donne l’impression de mener un forcing, si ce n’est pas une sorte de chantage sur ses alliés de circonstance de la COD.

Décidément, l’APP, du moins son leader, ne cessera jamais de surprendre. C’est son président qui le rappelle ainsi : « Dans le passé, nous sommes allés seuls, et nous n’avons jamais eu à le regretter ». Allusion, sans doute, à son ralliement à Sidioca, au deuxième de l’élection présidentielle de 2007, dont les dividendes de la victoire ont été très consistants pour lui-même et son parti, au détriment de vieux compagnons de lutte politique dans l’opposition. Dire que, le combat pour le leadership politique est toujours de mise entre Ould Boulkheir et Ould Daddad n’est qu’une lapalissade.
Conflit de générations et phénomène Biram Ould Abeïd

L’APP, entrée dans une zone de turbulences, depuis quelques temps, du fait d’une contestation interne menée par certains de ses emblématiques cadres, tous, à un moment donné, des lieutenants  d’Ould Boulkheïr, à commencer par Samory Ould Bèye, Secrétaire général de la CLTM, Mohamed Ould Borboss, ancien ministre et ancien maire, Oumar Ould Yali, ancien ministre, et d’autres, comme Sidaty Ould Demba, Secrétaire général de la Section de Sebkha, Yarba Ould Nava, membre du Bureau exécutif, qui estiment que les idéaux d’El Hor ont été sacrifiés. En fait, on assiste à un conflit de générations.  Une sorte de lutte pour l’après Ould Boulkheïr. Sans que l’on sache quel serait l’arrimage futur des frondeurs. Se rapprocher du parti au pouvoir ? Ou garder une ligne d’opposition radicale ?

En tout cas, face à la grogne interne, le président du parti s’est trouvé un créneau pour surmonter les dissensions, en plaçant la question du dialogue avec le pouvoir au centre de son discours. Une façon, pour lui, de contourner les regards, en externalisant  l’enjeu qui secoue son parti vers un autre terrain, notamment la COD.

Tout en étant marqué par le phénomène Biram Ould Dah Ould Abeïd, président de l’IRA, dont le discours rencontre, désormais, des échos retentissants jusque dans les plus hautes sphères du pouvoir. En plus de l’ombre qu’il fait à l’icône de la lutte anti-esclavagiste qu’était Ould Boulkheïr qui, cherchant à garder pied, s’efforce de se forger un terrain de prédilection, en enfourchant le cheval dialogue avec le pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz jugé « sincère » dans ses dispositions. Ce qui lui a valu un tressage de lauriers du côté du pouvoir, au contraire de l’opposition. C’est Oumar Ould Maatalla, actuel ministre de l’enseignement secondaire, un des nombreux rescapés du « changement dans la stabilité » d’Ould Taya arrimés au régime du « changement constructif » d’Ould Abdel Aziz, qui ouvrira le bal, en déclarant qu’il y a « deux pôles à l’opposition, l’un œuvre pour le dialogue, et l’autre veut mener la déstabilisation du pays par l’appel à la rue ». Ce qui n’aura pas manqué de requinquer le leader des progressistes.

Menace d’explosion considérable

Ainsi, dans une interview au journal « LE CALAME », Ould Boulkheïr, persistera et signera, en annonçant plus hardiment les couleurs. La « COD ne résistera pas devant les facteurs de désintégration interne auquel elle est confrontée », prédira-t-il. Il poussera encore loin cette prédiction : « Cette menace d’implosion est devenue considérable  et qu’elle  devient de plus en plus forte que par le passé ». D’où tient-il cette certitude quasi absolue ? D’autant que, dans cette fameuse COD qui, il est vrai, n’a jamais été un facteur d’entente et de cohésion, la majorité des dirigeants des partis qui la composent, en particulier Ahmed Ould Daddah du RFD, Mohamed Ould Maouloud de l’UFP, Me Mahfoudh Ould Bettah du PCD, le RDU d’Ahmed d’Ould Sidi Baba, ne sont pas en phase avec son option. Ceux-ci jugent l’offre de dialogue d’Ould Abdel Aziz peu crédible. Et attendent des assurances. Excepté, le parti El Wiam, dont un journal de place avait annoncé que son leader, Boïdiel Ould Houmeïd, « serait rentré » dans ses fonds, qu’il avait été obligé de déposer sous forme de caution pour éviter la prison, aux temps forts du FNDD et de la contestation du putsch du général Mohamed Ould Abdel Aziz, les autres partis sont encore réticents face à l’offre de dialogue du pouvoir tant que la condition principale, qu’ils réclament,  n’est pas remplie : l’accord cadre de Dakar comme base.

Comme si toutes ces sorties ne suffisent pas, en tournée à Sélibaby, le leader de l’APP qui, apparemment, semble déterminé dans sa logique du dialogue avec le pouvoir, déclarera que « l’APP va entamer un dialogue direct avec le pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz, même si l’opposition n’est pas de cet avis ». Et, fait surprenant, il étalera sur la place publique l’agenda de l’opposition, en se donnant aussi une date butoir pour son initiative: « La COD va se réunir, lundi prochain, pour prendre une décision par rapport à l’appel au dialogue formulé par le pouvoir », dit-il, en ajoutant que « s’il se décide d’y aller, ce sera le bon choix, au cas contraire, l’APP entrera dans un dialogue avec le pouvoir à partir du jeudi (sic) prochain ». Un forcing, en somme, auquel le pouvoir n’a pas tardé à réagir par la voix de la Secrétaire générale du PRDR, assurant la présidente tournante de la Coordination de la Majorité Présidentielle, Mintata Mint Hedeide, qui estimera que « Messaoud Ould Boulkheir est une personnalité nationale qui a toujours œuvré pour rapprocher les mauritaniens ». Si tel est le cas, Ould Boulkheïr devait avoir la patience et la courtoisie nécessaires pour vaincre la réticence de ses actuels compagnons face à l’offre du pouvoir, au lieu de creuser le fossé, en agissant en solo. Ce genre de tactique, qu’il a choisi, en ce moment, n’est pas susceptible de gommer, ou, du moins, réduire la fracture ténue entre le pouvoir et l’opposition. Il doit se rendre à une évidence, le départ de son parti ne changera pas la donne politique. Vu qu’aujourd’hui, l’immense majorité des partis est déjà avec Ould Abdel Aziz, sans que cela stabilisa la scène politique, ou apporta quelque chose au pays.

Autre question. En annonçant unilatéralement des élections en Octobre prochain, et la révision exceptionnelle des listes électorales, dès maintenant, le pouvoir laisse-t-il quelque chose pour le dialogue ? D’autant plus qu’il ne veut entendre parler du partage du pouvoir. Sur quoi donc négocier ? C’est une question cruciale à laquelle il faut  apporter une réponse. Car, dans le contexte actuel,  le pouvoir semblerait avoir comme objectif la neutralisation du discours virulent  de l’opposition à l’approche des élections municipales et législatives, en donnant l’illusion de dialoguer. Et, du même coup, parvenir à distraire une opinion publique très préoccupée par les retombées négatives de la crise multiforme que vit le pays.
Source : El Hadj THIAM (Eveil Hebdo) Mauritanie

COD :
Aller ensemble au dialogue ou éclater 

C’est, aujourd’hui, lundi, 6 juin courant, qu’expiration le délai de 48 h fixé par le dirigeant de l’APP Messaoud Ould Boulkheir à ses frères de la Coordination de l’opposition démocratique (COD) pour aller main dans la main au terrain du dialogue politique. Si le Rfd et l’Ufp, principales formations politiques de la COD encore réfractaires à cette orientation,  restent campées dans leur position de refus ou de concessions rejetées par le pouvoir pour s’asseoir autour de la table des négociations, l’APP ira, coûte que coûte, et avec optimisme, sans eux, en raison, dit-elle, de sa conviction de la sincérité du régime de Ould Abdel Aziz à tourner définitivement la page de l’unilatéralité politique.

C’est donc une journée décisive pour l’avenir de l’opposition qui est restée jusque là fortement soudée, malgré ses profondes divergences et les grandes hostilités qui caractérisent les rapports tendus entre certains de ces principaux leaders, particulièrement le chef de l’Opposition et président du Rfd Ahmed Ould Daddah et le leader de l’APP Messaoud Ould Boulkheir. Si l’opposition a réussi jusqu’à présent à garder son homogénéité, dans le respect des positions politiques individuelles de ses composantes, dont certaines sont en bons termes avec le pouvoir, au point d’être régulièrement reçus au palais ocre, et quelle évite de justesse les coups menés dans la discrétion par les taupes de la majorité pour assurer sa division, c’est une illusion de la voir résister, cette fois, à des menaces qui émanent de ses propres rangs.
Ceci est d’autant plus vrai, si l’on sait que, depuis un certain temps, l’opposition ne tient plus le même discours qu’on lui connaissait auparavant, n’organise plus les mêmes meetings conjoints qui lui servaient  de démonstration de force, préférant aujourd’hui aller, en rangs dispersés, tâter le terrain politique, en perspectives des futures élections législatives et municipales. Avant-hier, c’était l’UFP qui battait campagne dans la vallée du fleuve, avec ces discours virulents contre le régime résumés dans ces documents « souveraine gabegie » et  « le mépris du pouvoir pour les souffrances des populations pauvres ». Après, c’était le tour du RFD à Nouakchott, dans son rassemblement de Toujounine, où il avait qualifié le président de dernier dictateur encore au pouvoir dans le monde arabe. Un discours qui est assez édifiant pour comprendre combien les rapports entre le président de la République et le Chef de file de l’Opposition sont devenus exécrables, voire aussi irrécupérables pour des hommes politiques condamnés par leurs statuts constitutionnels à préserver un minimum de fréquentation, sans compter aussi que ce sont des hommes ayant fumé ensemble le calumet de « la rectification ».

Autant dire qu’alors que le Rfd et l’UFP naviguent de l’autre extrémité, ce n’est point le cas d’El Wiam et de l’APP, et, avant eux, ADIL qui, plutôt, ont considérablement amélioré leurs relations avec le régime, lequel tient à tout prix à bien gérer ce capital politique qui lui permet de s’assurer l’estime d’une certaine opinion. Dans la foulée, on se souvient bien que Boidiel Ould Houmeid et Yahya Ould Ahmed Waghef ont été régulièrement  reçus par le chef de l’Etat. En mai dernier, c’était le tour du  leader de l’APP d’être convié à une audience avec l’homme fort de Nouakchott au palais présidentiel. Depuis ce tête-à-tête, le président de l’assemblée nationale manifeste de plus en plus des sentiments favorables  au pouvoir, déclarant parfois sans complaisance que le régime est sincère dans ses intentions d’ouverture politique à l’opposition motivée par d’autres mobiles nationaux que des nominations et des strapontins. C’est ce que Messaoud Ould Boulkheir est en train aujourd’hui de vulgariser auprès des instances de son parti et à l’intérieur du pays pour médiatiser les nouvelles orientations de l’APP en matière de dialogue politique. Toutefois, le parti de Messaoud ne veut pas aller dans la précipitation et porter un coup de poignard à ses amis  au sein de l’opposition que ces derniers peuvent considérer comme une autre trahison. Raison pour laquelle il essaye par tous les moyens de les inciter au dialogue politique. Si ces efforts restent vains, Ould Boulkheir, qui a fixé, aujourd’hui, lundi 6 juin courant, comme ultimatum à ses pairs de la COD, pour amorcer dans l’unisson le dialogue, aura laissé le temps pour le temps pour préserver l’unité de l’opposition. Mais, si cette dernière persévère dans ses hésitations, l’APP ira à ses risques et périls au dialogue politique, s’ouvrant ainsi de grandes chances d’être largement accueillie à bras ouverts  par une coalition des partis de la majorité qui loue déjà à travers sa présidente en exercice, Mintata Mint Hideid, les « grandes qualités » du leader de l’APP .

Source Eveil Hebdo (Mauritanie)

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