Le dépôt d’une plainte au civil par la femme de chambre, s’ajoutant à la procédure pénale, ouvre la voie à une négociation.
Le récit de Nafissatou Diallo convaincra-t-il plus facilement les jurés du Bronx que ceux de Manhattan ? Tel est peut-être le sens de la plainte au civil déposée le 8 août par son avocat, qui renonce ainsi à attendre l’issue de la procédure criminelle pour intenter des poursuites en indemnisation. "Cela montre qu’il a perdu tout espoir qu’un procès pénal puisse avoir lieu", commente Ron Soffer, avocat aux barreaux de Paris et de New York.
Le montant réclamé par la plaignante n’est pas précisé, celle-ci s’en remettant à la décision des jurés. En revanche, la plainte décrit sur 17 pages "l’agression violente et sadique" qu’elle dit avoir subie. Des détails nouveaux apparaissent, tant sur les circonstances de cette agression que sur les douleurs physiques et morales qui se seraient ensuivies. Pour nourrir son dossier, Kenneth Thompson n’hésitera pas à utiliser l’ensemble des témoignages du personnel médical ayant côtoyé sa cliente après les faits, à commencer par celui de la responsable de l’unité de soins accueillant les victimes de viols à l’hôpital St Luke’s/Roosevelt. Celle-ci avait affirmé que Nafissatou Diallo semblait en état de choc. S’y ajouteront le témoignage de Mariama Diallo et ceux de toutes les autres personnes que Kenneth Thompson pourrait attirer dans la cause civile.
Le jury fixe le montant
Chaque témoignage pourrait peser lourdement sur l’évaluation du dommage, étant précisé que le montant des indemnités civiles peut être sans commune mesure avec le préjudice réel de la victime. Outre les indemnités classiques, des "dommages et intérêts punitifs" (punitive damages) à vocation pénalisante et dissuasive pourraient faire monter très haut la barre. Le jury est libre d’en fixer le montant, qui tiendra compte notamment de la situation financière de l’accusé…
La difficulté d’un procès civil n’est pas seulement d’ordre symbolique. Juridiquement, la preuve des actes reprochés est beaucoup plus facile à apporter au civil qu’au pénal, car il suffit de démontrer que la probabilité que l’accusé ait commis l’agression est plus forte que celle qu’il ne l’ait pas commise (preponderence of evidence). "Malgré la différence du niveau de preuve requis, le succès d’une telle procédure dépend essentiellement de la qualité du témoignage de la plaignante devant les jurés", précise Ron Soffer.
Interrogatoire préliminaire
De son côté, DSK pourrait être contraint de répondre à un interrogatoire préliminaire (pretrial discovery) et de témoigner au procès. Toutefois, les droits procéduraux accordés aux parties par la procédure civile ne peuvent être mis en oeuvre tant que la procédure pénale est en cours, car ils sont incompatibles avec les garanties de l’accusé, notamment le droit au silence.
L’affaire DSK se soldera-t-elle par une négociation, comme c’est le cas de 99 % des procès civils aux États-Unis, étant précisé qu’un accord sur des dommages et intérêts ne signifie pas que l’accusé reconnaisse sa culpabilité ? Aucune des parties n’a en effet intérêt à attendre l’issue d’un procès civil devant le tribunal très encombré du Bronx.
Le Point.fr – Publié le 09/08/2011 à 14:15