Eric Laurent et Catherine Graciet ont été arrêtés jeudi à Paris, et sont soupçonnés d’avoir fait chanter le royaume du Maroc en demandant 3 millions d’euros pour ne pas publier un livre compromettant.
Deux journalistes français, Eric Laurent et Catherine Graciet, ont été arrêtés jeudi à Paris. Ils sont soupçonnés d’avoir fait chanter le royaume du Maroc en demandant 3 millions d’euros pour ne pas publier un livre contenant des informations compromettantes, a appris l’AFP de source judiciaire. Les journalistes ont été interpellés après un rendez-vous avec un représentant du Maroc où ils ont reçu de l’argent, a indiqué une source proche du dossier à l’AFP, confirmant des propos de Me Eric Dupond-Moretti, l’un des avocats de Rabat, sur RTL. « Il y a eu remise et acceptation d’une somme d’argent », a rapporté cette source.
Les deux journalistes, qui ont déjà écrit sur le Maroc, sont en garde à vue à la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP) dans le cadre d’une information judiciaire ouverte mercredi pour tentative d’extorsion de fonds et tentative de chantage, a précisé la source judiciaire.
Deuxième ouvrage
Le Maroc avait déposé plainte à Paris la semaine dernière. Selon le récit de l’avocat du Maroc sur RTL, Eric Laurent avait contacté une première fois le cabinet royal le 23 juillet, en indiquant qu’il préparait un livre. Un premier rendez-vous aurait eu lieu le 11 août, au cours duquel le journaliste aurait proposé de ne pas diffuser le livre contre 3 millions d’euros. Après la plainte, deux autres rendez-vous ont été organisés, dont celui de jeudi, mais sous la surveillance cette fois des enquêteurs.
Contactées par l’AFP, les Editions du Seuil ont confirmé que les deux auteurs préparaient un livre sur le roi du Maroc Mohammed VI, « pour une sortie en janvier-février ». En 2012, ils avaient déjà sorti, toujours au Seuil, « Le roi prédateur, main basse sur le Maroc ».
Eric Laurent a publié de nombreux livres d’enquête : « Aux banques les milliards, à nous la crise », qui doit sortir le 9 septembre, « La face cachée du pétrole » (Plon, 2006), « La face cachée des banques » (Plon), « Bush l’Iran et la bombe » (Plon). Catherine Graciet a publié en 2013 « Sarkozy-Kadhafi, histoire secrète d’une trahison ».
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Affaire Mohamed VI : les deux journalistes français mis en examen
Eric Laurent et Catherine Graciet, accusés d’avoir empoché de l’argent extorqué, ont été déférés au parquet vendredi soir. L’avocat de Catherine Graciet parle de transaction financière et de « traquenard ».
Les deux journalistes français soupçonnés d’avoir réclamé de l’argent afin de ne pas publier un livre à charge contre le roi ont été mis en examen dans la nuit de vendredi à samedi, indique l’AFP, “de source judiciaire”. L’affaire prend néanmoins un nouveau tour avec la déclaration de l’avocat de l’un des deux accusés, qui ont été présentés vendredi soir à un juge d’instruction. Quoi qu’il en soit, elle s’avère gênante pour les autorités françaises, qui se sont gardés jusqu’ici de toute déclaration.
Piège ou chantage ? Me Eric Moutet, l’avocat de Catherine Graciet a invité à la prudence vendredi soir concernant les accusations formulées contre les deux journalistes.
Un passif à solder
« Le royaume du Maroc a des comptes extrêmement lourds et un passif à solder avec Catherine Graciet. Ce dossier démarre, il y a des propos imprudents surtout dans le contexte de risques d’attentats, parler de terrorisme dans une affaire comme celle-là parait un petit peu avancé. Complot ou pas complot, je n’en sais rien. Il est clair qu’ils ont été attirés dans un traquenard », a-t-il dit sur BFM-TV.
Pour Me Moutet, « c’est précisément l’avocat mandaté par le roi qui piège les journalistes par des enregistrements sauvages ». « Il y a dans cette affaire une logique de stratagème qui s’est mise en place », a-t-il jugé. « L’instruction devra déterminer le rôle de chacun », a-t-il dit.
Eric Laurent et Catherine Graciet, accusés d’avoir empoché de l’argent extorqué, étaient en garde à vue depuis jeudi après-midi avant d’être déférés.
Information judiciaire pour tentative d’extorsion de fonds et tentative de chantage
Le parquet, qui s’était déjà saisi en enquête préliminaire, avait ouvert mercredi une information judiciaire pour tentative d’extorsion de fonds et tentative de chantage.
Selon le récit de l’avocat du Maroc, Me Eric Dupond-Moretti, l’affaire commence le 23 juillet quand Eric Laurent contacte le cabinet royal et sollicite une rencontre en disant qu’il prépare un livre.
Le journaliste de 68 ans n’est pas un inconnu au Maroc. Il a publié en 1993 un livre d’entretiens avec l’ancien monarque Hassan II, père de l’actuel roi Mohammed VI. Début 2012, il publie, avec Catherine Graciet cette fois, un livre accusateur contre Mohammed VI, « Le roi prédateur ». L’édition du journal espagnol El Pais avait été interdite sur le territoire marocain le jour où le quotidien avait publié les bonnes feuilles du livre.
Après l’appel d’Eric Laurent, un représentant du cabinet du roi, un avocat marocain, a rencontré le journaliste. « Et là, surprise, énorme », raconte Me Dupond-Moretti, « Eric Laurent dit +écoutez, je prépare un livre avec Mme Graciet, co-auteure, et moyennant trois millions d’euros, il n’y a pas de polémique, on retire notre bouquin+ ».
Rabat a donc déposé une plainte à Paris, et les deux journalistes ont donc été arrêtés jeudi à Paris à la sortie d’un rendez-vous avec un représentant du Maroc au cours duquel il y aurait eu remise et acceptation d’une somme d’argent.
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