Des “experts Manhattan” pour faire parler la cache de Ben Laden

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Une section de la CIA, épaulée par des experts de la police scientifique, va passer au peigne fin la cache du chef d’al-Qaida.

Pour les Américains, la cache de Ben Laden à Abbottabad, au Pakistan, c’est la caverne d’Ali Baba du terrorisme. Ils étaient donc frustrés de n’avoir eu que quarante minutes pour l’explorer le jour de l’opération héliportée qui a abouti à la découverte et à l’exécution du chef d’al-Qaida. D’autant qu’en dépit du peu de temps qu’ils avaient pu y consacrer, la moisson récoltée par le commando de marines était déjà exceptionnelle. “Une véritable bibliothèque du terrorisme et de ses réseaux”, s’était réjoui un analyste de la CIA au vu des disques durs et des clés USB ramenés par les forces spéciales du Pakistan en même temps que la dépouille de celui qui, depuis le 11 septembre 2001, était l’ennemi public numéro un des États-Unis.

Les spécialistes de la lutte antiterroriste vont pouvoir cette fois prendre leur temps pour explorer minutieusement la cache de Ben Laden et l’ensemble du domaine dans lequel il s’était terré. Le Pakistan vient en effet de donner son feu vert au retour des Américains dans la villa forteresse d’Abbottabad, dont la CIA espère littéralement faire parler les murs. “Même les honnêtes gens ont des cachettes dans leur maison”, a dit un expert de la CIA au Washington Post. “À plus forte raison un type comme Ben Laden, même s’il se croyait parfaitement en sécurité.” Les murs seront donc soigneusement sondés ainsi que le sol du bâtiment comme celui du terrain, protégé de hauts murs. Même si, sur ce dernier point, les Américains doutent de faire des découvertes. Car l’une des raisons pour lesquelles ils étaient presque assurés de trouver l’oiseau au nid au moment de l’assaut, c’est que la situation de la maison rend impossible un passage souterrain par lequel Ben Laden aurait pu fuir. La nappe phréatique est en effet proche du sol et tout tunnel aurait été rapidement inondé, sauf à prévoir un système de pompage très sophistiqué. Pour la même raison, aménager une cache dans un trou, sauf à très faible profondeur, semble problématique.

Les Pakistanais boudent les États-Unis

Mais le domaine d’exploration des spécialistes de la CIA ne se borne pas à sonder les murs et le sous-sol. Aidés par des spécialistes de la police scientifique appartenant au FBI, popularisés par la série télévisée des Experts, ils vont recueillir, sur les vêtements, les meubles, la vaisselle, des échantillons d’ADN. Ceux-ci devraient, par exemple, leur permettre de déterminer qui des autres chefs terroristes connus, et aux ADN répertoriés, est venu voir Ben Laden. Et éventuellement à quel moment. En recueillant des échantillons de pollen qui reste souvent plusieurs années, ils seront peut-être capables de déterminer quelles régions précises d’Afghanistan ou du Pakistan le chef terroriste a visitées. Et à quelle saison. En brûlant ses documents et ses détritus dans l’enceinte de son compound, Ben Laden pensait éviter qu’on ne fouille ses poubelles. C’est raté. Les limiers de la police scientifique sont capables de faire parler même les cendres.

Les Américains espèrent donc ramener de précieuses informations sur l’organisation et les projets des réseaux terroristes liés à Ben Laden. Mais au-delà, le bénéfice politique de cette opération est loin d’être négligeable. Depuis l’assaut contre la villa d’Abbottabad, dont ils n’avaient pas été prévenus car Washington leur fait une confiance limitée, les Pakistanais boudent ostensiblement les États-Unis sur le thème de l’amitié bafouée. Une situation qui ne peut guère durer tant le Pakistan a besoin de la poursuite de l’aide financière américaine, et tant les États-Unis sont demandeurs d’un soutien militaire, même limité et logistique, dans leur guerre en Afghanistan. La requête du numéro deux de la CIA, Michael Morell, est donc venue à point nommé. Et qui, croyez-vous, l’a acceptée ? Le général Ahmed Pasha, patron de l’ISI, les services secrets pakistanais…, par ailleurs soupçonnés d’avoir protégé la retraite de Ben Laden pendant six ans.

Le Point.fr – Publié le 29/05/2011 à 13:44

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