PARIS (AFP) – vendredi 21 janvier 2011 – 11h34 – On leur prête le pouvoir de faire et défaire les gouvernements, de lever une armée ou de détenir les clés du trésor: ange noir ou fidèle béquille, les épouses des présidents africains, de Leïla Ben Ali à Simone Gbagbo, occupent un rôle de premier plan, le plus souvent dans l’ombre.
Peu connue à l’étranger mais autant haïe que redoutée en Tunisie, Leïla Trabelsi, seconde épouse du président déchu Zine El Abidine Ben Ali, a en quelques jours été propulsée en tête de liste de ces femmes d’influence.
Comme l’Ivoirienne Simone Gbagbo ou la Rwandaise Agathe Habyarimana, elle symbolise la face sombre d’un régime de fer. Mais ce qui la distingue est sa capacité à s’être bâti en 18 ans (depuis son mariage avec Ben Ali en 1992) un empire que d’autres auront mis une vie entière à construire.
Coiffeuse, devenue "régente" selon le journaliste Nicolas Beau, elle est accusée d’avoir pillé son pays en érigeant la corruption en mode de gouvernement, favorisant systématiquement les membres de sa famille.
En novembre 2007, Souha Arafat, veuve du leader palestinien et ancienne intime de Leïla Trabelsi, affirme à l’ambassadeur américain à Tunis que "diminué par un cancer", Ben Ali fait "tout ce que sa femme lui dit de faire", selon un câble révélé par WikiLeaks.
Lundi, trois jours après la chute de Ben Ali, son dernier Premier ministre Mohammed Ghannouchi lâchait avoir eu "l’impression" que la Première dame dirigeait le pays dans les derniers temps.
Pour un responsable français s’exprimant sous couvert d’anonymat, "Mme Ben Ali a probablement fait sombrer le régime de son mari".
Ce rôle d’"ange noir" a souvent été associé au nom d’Agathe Habyarimana, épouse du président hutu rwandais dont l’assassinat en 1994 fut l’élément déclencheur du génocide contre les Tutsi. Aujourd’hui réfugiée en France, elle est considérée par plusieurs chercheurs comme la chef de l’Akazu, cercle restreint au sommet de l’Etat accusé d’avoir planifié le génocide.
En général moins médiatisées, les "présidentes" occupent toutefois "un rôle de premier plan au sein du pouvoir", estime le responsable français, pour qui Antoinette Sassou Nguesso (au Congo) "n’enfile pas que des perles" et Monique Bozizé (en Centrafrique) "ne fait pas que du tricot".
Les Premières dames africaines "animent toutes des associations ou des Fondations pour les enfants ou les malades qui ont souvent un budget supérieur à celui du ministère de la Santé", souligne Antoine Glaser, spécialiste de l’Afrique francophone.
Elle servent de relais politique et peuvent apporter une assise électorale: comme Antoinette Sassou Nguesso, "qui est de la région (pétrolifère) de Pointe-Noire (ouest) alors que son mari (le président Denis Sassou Nguesso) est du Nord", explique-t-il.
Ces femmes puissantes cherchent aussi à s’assurer de la pérennité de leur pouvoir, en essayant de "favoriser des successions dynastiques, comme Viviane Wade", la blonde épouse française du président sénégalais qui rêve de donner la présidence en héritage à son fils Karim, selon M. Glaser.
La plus puissante reste Simone Gbagbo, considérée comme une dure du régime et indéfectible soutien au président sortant de Côte d’Ivoire Laurent Gbagbo, dont la communauté internationale exige le départ. Surnommée "La Dame de sang" par ses ennemis, elle est ouvertement accusée par la famille de Guy-André Kieffer, journaliste franco-canadien disparu en 2004 à Abidjan, de n’être "pas très éloignée des escadrons de la mort", alors accusées d’assassinats ciblés d’opposants.
Elle a l’oreille de la rue, notamment des "jeunes patriotes", le rempart populaire de Laurent Gbagbo, et donne le ton de la harangue nationaliste avant même que le président sortant ne s’exprime.
Un temps marginalisée par la jeune seconde épouse de M. Gbagbo, "elle a repris tout son ascendant, dans le dispositif de combat, dès que les ennuis ont commencé" pour lui, souligne Antoine Glaser.
AFP