Reconstruction de la Côte d’Ivoire :Les douze travaux d’Hercule d’Alassane Ouattara

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Alassane Ouattara n’aura pratiquement pas le temps de savourer sa victoire tant les défis qu’il devra surmonter sont nombreux et titanesques.

Restaurer l’ordre et la sécurité publics en assurant la protection des personnes et des biens dans un climat où la rue est livrée à des bandes de pillards, loubards et autres miliciens qui se recrutent parmi les jeunes patriotes armés par Gbagbo, ne sont pas les moindres de ces défis. Sans compter les bandits endurcis qui se sont échappés de la tristement célèbre MACA (Maison Centrale d’Arrêt) d’Abidjan et qui ont, depuis, certainement repris du service. Il faudra des jours, voire des semaines pour ne pas dire des mois, pour arriver à bout d’une telle situation. Pour relever ce défi, Alassane Ouattara pourra compter sur les forces de l’ONUCI et même la force Licorne, des forces dont le cœur de métier est le maintien de la paix. Mais le challenge le plus difficile porte sur la réconciliation nationale, condition sine qua non de la stabilité sociopolitique qui est le socle de tout développement. Il aura besoin des qualités d’homme d’Etat hors du commun pour se poser en rassembleur, en président de tous les Ivoiriens et non pas seulement en président du nord du pays. Pour ce faire, il est appelé à composer avec toutes les composantes de la nation ivoirienne, y compris avec les partisans de Laurent Gbagbo. Le gouvernement d’union nationale, qu’il doit former sans délai, devra comprendre en son sein des ministres du FPI même si logiquement l’attelage doit être tracté par un Premier ministre du PDCI d’Henri Konan Bédié grâce à qui il a gagné, au détriment de Laurent Gbagbo, le second tour de la présidentielle en novembre 2010. Exit donc le gouvernement de guerre de Guillaume Kigbafori Sorro qui vient de remplir sa mission historique.

Le président élu sera-t-il à hauteur de mission ? A en juger par son discours, l’on peut lui faire bénéficier d’un préjugé favorable même si Dr Ouattara présente un profil plus technocratique que celui d’un animal politique. Dans tous les cas, à 69 ans, il est loin d’être un enfant de chœur en la matière. Il propose notamment la création d’une commission vérité-réconciliation à la sud-africaine. La tâche sera ardue et prendra du temps, tant les rancœurs sont tenaces, les plaies encore vives, les esprits surchauffés. La nation ivoirienne, qui comprend des dizaines d’ethnies se déclinant en quatre grands groupes, n’est-elle pas elle-même encore en construction ? Aux uns et autres, il doit faire comprendre qu’au-delà des différences, il y a la nécessité d’apprendre à vivre ensemble, à s’accepter mutuellement, à réaliser qu’ils sont tous liés par une communauté de destin et qu’il ne sert à rien de brûler la maison commune. Au risque d’être la risée des autres nations dans un monde où la concurrence est implacable.

A côté de cette œuvre de longue haleine, le président Ouattara devrait s’attendre, toujours au plan politique, à rencontrer d’autres écueils sur son chemin. Gbagbo parti, la contradiction principale ou l’aspect principal de la contradiction pourrait se déporter ailleurs, sur un terrain inattendu. A ce sujet, des divergences pourraient se faire jour entre ceux-là mêmes, les alliés d’hier, qui ont fait partir le dictateur d’Abidjan. Par exemple, l’avenir politique du jeune et fougueux Guillaume Sorro pourrait constituer un sujet de préoccupation. A 38 ans, ce dernier a son avenir devant lui et devrait donc faire preuve de patience et savoir attendre son heure.

Une autre équation à plusieurs inconnues est celle que pourrait poser l’énigmatique Ibrahim Coulibaly dit IB dont le commando invisible aurait joué un rôle important dans la bataille d’Abidjan. Les rumeurs prétendent qu’il n’est pas en odeur de sainteté auprès de Guillaume Sorro. Tous les deux pourront, cependant, demander un renvoi d’ascenseur auprès du prince du jour pour services rendus. Sur le plan économique, il s’agira pour le président Alassane Outtara de remettre les Ivoiriens au travail et sur les rails l’appareil économique, paralysé depuis quatre mois à cause des violences post-électorales, du fait de l’entêtement de Laurent Gbagbo à ne pas céder le fauteuil au président démocratiquement élu. Au demeurant, l’économie ivoirienne, qui assurait naguère 40% du PIB de l’UEMOA, avait déjà été sérieusement malmenée par une décennie de crise marquée, entre autres, par une partition de fait du pays. Nul doute que l’expert qu’il est, l’ancien fonctionnaire du Fonds Monétaire International (FMI) saura trouver les formules idoines pour faire repartir l’éléphant ivoirien du bon pied afin qu’il joue effectivement son rôle de locomotive des économies de l’UEMOA. Ce d’autant qu’il est censé ne rencontrer auprès de la communauté internationale que compréhension et sollicitude. Et que le pays d’Houphouët Boigny recèle toujours des ressources insoupçonnées, tant naturelles qu’humaines.

Nul doute que pour relever ces innombrables défis, Alassane Ouattara, aura besoin, comme Hercule, de faire preuve, à côté du courage, de beaucoup d’autres valeurs comme la ruse au sens noble du terme, le sens du compromis et de la pédagogie, une capacité d’écoute à toute épreuve, le sens de l’anticipation, une grande capacité à encaisser, le patriotisme et l’esprit du sacrifice.

Yaya SIDIBE

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