Notre pays a abrité, le samedi 22 janvier 2011, la 15ème session ordinaire de la Conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Uemoa, sous la haute présidence du président Amadou Toumani Touré, présidence en exercice de l’Uemoa. Les travaux se sont déroulés, avec au menu principal la crise ivoirienne, au Centre international de conférence de Bamako, en présence des chefs d’Etat du Burkina Faso, du Benin, du Sénégal, du Togo, du Mali, des Premiers ministres ivoirien Guillaume Soro et nigérien Mahamadou Danda et du ministre bissau-guinéen des Affaires étrangères, Adelino Mano Queta. A l’issue du sommet, le Premier ministre Guillaume Soro a animé une conférence de presse au cours de laquelle il s’est prêté aux questions de la presse nationale et internationale réaffirmant la nécessité d’une option militaire pour déloger Laurent Gbagbo du Palais du Plateau.
Prévue pour 10 heures précises, la Conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Uemoa n’a démarré qu’aux alentours de midi et cela à cause du fait que la plupart des délégations étaient arrivées à Bamako le jour même de l’événement.
En effet, il faut reconnaître que l’heure est grave. Ce qui a, d’ailleurs, fait que l’attente n’a pas été dure à supporter par les officiels maliens et les diplomates des pays amis et des institutions internationales accréditées au Mali venus, pour certains, dès 9 heures pour être témoins de ce grand rendez-vous des chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Uemoa. La présence de la moitié des chefs d’Etat des huit Etats membres de l’Uemoa et surtout (un fait rarissime quand un Premier ministre ravit la vedette aux chefs d’Etat) celle de l’Ivoirien Guillaume Soro, Premier ministre nommé par le président élu Alassane Dramane Ouattara, atteste de toute l’importance de ce sommet.
Déjà plus de 300 tuées et 20 000 réfugiés
En effet, l’ex-chef rebelle devenu par la suite Premier ministre du président sortant Laurent Gbagbo et reconduit par le président élu de Côte d’Ivoire Alassane Dramane Ouattara, a été fortement applaudi dans cette salle pleine à craquer du Cicb. Après avoir fait le tour de la sous-région pour convaincre, certainement, de la nécessité de l’option militaire pour déloger Laurent Gbagbo, Guillaume Soro est venu participer, au nom du président Alassane Dramane Ouattara retranché au Golf Hôtel, à cette session ordinaire de l’institution communautaire qui a principalement porté sur la crise postélectorale ivoirienne.
Dans son message à l’ouverture de la Conférence, le président du Mali a rappelé que " l’organisation d’élections dans près de la moitié des Etats de l’Uemoa et dans des pays frères et voisins, en 2010, se présentait comme la voie attendue d’ancrage de la démocratie dans notre région. Dans ce sens, on peut se féliciter de leur déroulement heureux au Togo, au Burkina Faso et en Guinée. En revanche, l’évolution de la situation en Côte d’Ivoire, en proie à une crise postélectorale, constitue pour nous une réelle source de préoccupation. Aussi, je voudrais saisir l’opportunité que m’offre cette tribune pour lancer, de nouveau, un appel pressant à nos frères et sœurs de Côte d’Ivoire et, particulièrement, à la classe politique, pour qu’ils œuvrent en faveur de l’unité de la nation ivoirienne".
Quant au président en exercice du Conseil des ministres de l’Uemoa, José Mario Vaz, ministre des Finances de Guinée-Bissau, il a dit, dans son allocution à l’ouverture des travaux, que la crise politique en Côte d’Ivoire, consécutive au résultat du second tour de l’élection présidentielle du 28 novembre 2010, a d’importantes répercutions sur le fonctionnement de l’Union ainsi que sur la situation économique, monétaire et financière.
C’est ainsi que, selon lui, au niveau, par exemple, du marché monétaire et du système bancaire, des perturbations ont été enregistrées sur le marché de la dette publique où le Trésor ivoirien n’arrive plus à faire face à ses engagements. C’est pourquoi, la Bceao, en accord avec le ministre ivoirien des Finances et le Conseil des ministres de l’Union, a mis en place un mécanisme pour renouveler les titres publics échus de l’Etat de Côte d’Ivoire. Du côté du marché financier régional, il dira que des entreprises de l’Etat de Côte d’Ivoire ont des engagements importants dont une bonne partie arrive à échéance en 2011. De ce fait, le non respect de ces engagements pourrait affecter la confiance des investisseurs dans le marché.
En passant en revue le fonctionnement et l’évolution du processus d’intégration, le président ATT a salué les avancées réalisées en 2010 qui ont permis d’engranger des acquis au niveau économique, monétaire et financier afin de lancer les Etats de l’Uemoa sur les rampes du développement. Rappelons que pour l’année 2010, le taux de croissance économique de l’Union devrait rester conforme aux prévisions effectuées avant la crise ivoirienne en se situant autour de 4,0% contre 2, 8% en 2009.
Quant au Premier ministre Guillaume Soro, au cours de la conférence de presse qu’il a animée à l’Hôtel Laïco Amitié, devant un parterre de journalistes de la presse nationale et étrangère notamment ivoirienne, il a qualifié la crise postélectorale que connaît son pays comme étant " un déni de démocratie " qui a déjà fait plus de 300 tués et 20 000 réfugiés.
Il s’est dit partisan " d’une option militaire organisée " car, selon lui, Laurent Gbagbo " ne quittera pas le pouvoir " de lui-même. Seule, a-t-il soutenu, " une intervention militaire, en cohérence avec le droit international et la légalité internationale mettra fin au chaos».
De ce fait, pense-t-il que seule " une opération militaire ciblée peut abréger la souffrance des populations et faire l’économie d’une guerre en Côte d’Ivoire ".
Le Gouverneur de la Bceao «démissionné»
Parmi les décisions importantes prises à l’issue de ce sommet, il faut noter que la Conférence a " pris acte de la démission " du Gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao), l’Ivoirien Philippe-Henry Dacoury-Tabley, un proche du président sortant de Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo. Il est reproché à Philippe-Henry Dacoury-Tabley la " non application effective des décisions sur la stabilité du système économique, financier et monétaire de l’Union ". L’intéressé aurait pris la responsabilité de procéder au décaissement de quelque 100 milliards F CFA au profit du gouvernement de Laurent Gbagbo et cela contrairement aux directives reçues de la session extraordinaire du Conseil des ministres tenue le 23 décembre 2010 à Bissau qui avait, entre autres décisions, pris acte de l’élection d’Alassane Dramane Ouattara comme président de la République de Côte d’ Ivoire.
La Conférence a demandé à Alassane Dramane Ouattara de proposer un candidat au poste de Gouverneur de la Bceao pour la prochaine session extraordinaire qui doit se tenir " avant la fin du premier trimestre 2011 " à Lomé, au Togo. Dans cet intervalle de temps, le poste sera assumé par le Burkinabè Jean-Baptiste Compaoré, Vice-gouverneur de la Banque centrale.
Les chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Uemoa ont " félicité Soumaïla Cissé pour la dynamique qu’il a insufflée au processus d’intégration de l’Union et pour les résultats obtenus par la Commission sous sa conduite durant les huit dernières années ". Compte tenu de la situation de crise actuelle, les chefs d’Etat et de Gouvernement ont prolongé le mandat de Soumaïla Cissé, président de la Commission, et des autres commissaires de l’Uemoa jusqu’à la prochaine session extraordinaire. Quant à Abdoulaye Bio-Tchané, président de la Boad et candidat à la prochaine élection présidentielle dans son pays, la Conférence a décidé de prendre acte de sa démission dès que sa candidature sera validée par la Cour constitutionnelle du Benin.
Prenant en compte les décisions de l’ONU, de l’Union Africaine et de la Cedeao dont les huit Etats sont membres, les chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Uemoa ont dit reconnaître Alassane Dramane Ouattara comme " président légitimement élu de Côte d’Ivoire " et invité " le président sortant Laurent Gbagbo à respecter les résultats de l’élection et assurer une passation pacifique du pouvoir en vue de préserver, dans ce pays, l’hospitalité et, dans la sous-région, la paix, la sécurité et la stabilité auxquelles les populations aspirent si ardemment ".
A propos d’une éventuelle intervention militaire en Côte d’ivoire, le Premier ministre Guillaume Soro a affirmé, au cours de sa rencontre avec la presse, que la Conférence ne s’est pas procédé sur cette question. Certainement que celle-ci sera tranchée au niveau de la Cedeao voire de l’Union Africaine.
Mamadou FOFANA