Une chose est de vaincre Gbagbo, une autre est de convaincre les ivoiriens. Si, par exaspération, tous les protagonistes avaient intérêt à la fin d’une guerre qui n’avait que trop duré, les conditions de la chute de M Laurent Gbagbo risquent hélas, de poursuivre les vainqueurs. En clair, la bataille est encore loin d’être gagnée par Ado.
Pour avoir vécu une situation identique (sur quelques bords) à la faveur de la chute de Moussa Traoré en 1991, les Maliens ont certainement une autre lecture des événements d’Abidjan au contraire de la rue burkinabé laquelle a laissé exploser sa joie à l’annonce de l’arrestation des Gbagbo.
L’auteur du coup d’Etat militaire au Mali en 1991 a su, dès le début, éviter une répétition de l’histoire. En arrêtant Moussa Traoré et en l’extirpant du palais, pour dit-il « sa propre sécurité », le Lieutenant Colonel Amadou Toumani Touré a été bien inspiré.
Nous pouvons dire sans risque d’être contredits aujourd’hui que la réconciliation des Maliens avec eux-mêmes a été possible grâce à ce geste salutaire du soldat Amadou Toumani Touré. Les blessures seraient encore béantes avec le scénario ivoirien et… Passons vite !
Le couple Gbagbo, ou du moins, Alassane Ouattara n’a pas eu la chance d’avoir un Amadou Toumani Touré à ses côtés. Les vaincus ont été humiliés. Des soldats n’ont trouvé mieux que de poser avec leur trophée de guerre. Certains, en gage de souvenir, ont arraché les mèches de cheveux et les habits de Simone Gbagbo. L’époux, hier grand comme une montagne, a été rabaissé sous l’œil indiscret des cameras. Des images qui laissent forcément des traces.
Cet épisode dégradant de l’histoire ivoirienne ne sera pas la seule arme dont disposeraient les éventuels détracteurs d’Alassane Ouattara.
Quand bien même justifiée, l’attaque ayant permis de déloger Laurent Gbagbo a été menée par des forces étrangères et en l’occurrence par l’ancienne métropole. Des motifs d’inquiétudes pour tout africain et surtout pour les voisins de la Côte d’Ivoire à l’image du Mali. Et pour cause.
Le premier président de la Côte d’Ivoire a été, dans la sous-région, considéré comme les yeux et l’oreille de la France après les indépendances. C’est à travers le pays de Houphouët Boigny que la France a en effet consolidé son influence dans cette partie du continent. L’histoire de l’entrepôt du Mali en Côte d’Ivoire à l’origine de la fidélisation des opérateurs économique maliens n’est que le fruit des petiots arrangements français et ivoiriens au moment des faits. Pire, les déboires du premier Président Feu Modibo Keïta auraient bien commencé avec son homologue ivoirien de l’époque.
Aujourd’hui, l’intervention française au profit d’ADO ne peut que susciter des interrogations et des inquiétudes.
Il s’agira donc pour ADO dont la légitimité vient de prendre un sacré coup, de convaincre d’abord les ivoiriens (les partisans de Gbagbo en l’occurrence) et les pays de la sous-région que l’ex-président avait tort de soutenir mordicus qu’il (ADO) est loin d’être un pantin aux mains de l’occident et surtout de la France. Il ne lui sera pas loisible de convaincre le monde encore moins le FPI lequel se muera indubitablement en plus farouche opposant sur l’échiquier politique ivoirien.
En clair, il est quasi impossible à M. Ouattara de convaincre éventuellement du contraire puisqu’il lui faut bien payer la note de cette intervention et celle reconstruction en «nature » ou en espèces. Il va sans dire que les créanciers le voudraient en «nature».
Autant le dire : la chute, ou du moins les conditions de la chute de Gbagbo seront probablement à l’origine d’une profonde mutation, d’abord en Côte d’Ivoire et dans le reste de la sous-région. Les dés sont désormais jetés.
B.S. Diarra