Eduqué au séminaire où on lui prédisait tout sauf la vie de prêtre, Laurent Gbagbo, historien et syndicaliste, qui deviendra l’opposant attitré au président Félix Houphouët Boigny, est né le 31 mai 1945. Celui que l’on qualifie de politicien rusé et roublard a su se hisser au sommet du pouvoir par son activisme syndical.
Incorporé de force dans l’armée par régime ivoirien, emprisonné à plusieurs reprises, Laurent Gbagbo s’était finalement exilé en France, dans les années 1980, après avoir fondé clandestinement le Front populaire ivoirien (FPI), opposé au “père de la Nation”, le président Félix Houphouët-Boigny.
Membre de l’ethnie bété (ouest de la Côte d’Ivoire), Gbagbo a trouvé rapidement la transition pour se lancer officiellement en politique en 1990, profitant de l’instauration du multipartisme. Proche du parti socialiste français (il se dit lui-même socialiste) il accède à la présidence de la République le 26 octobre 2000, dans des conditions “calamiteuses” selon ses propres termes. L’ex-chef de l’Etat Henri Konan Bédié et l’ancien Premier ministre Alassane Ouattara ont été empêchés de participer au scrutin.
En 2002, il échappe à une tentative de coup d’Etat menée par une partie de l’armée. La situation tourne au conflit entre le sud pro-gouvernemental et le nord tenu par les rebelles. Paradoxe de l’histoire, il sera sauvé grâce à l’intervention française, qui débouche ensuite sur les accords de Marcoussis (en région parisienne) en janvier 1993, pour apaiser le pays et amener les belligérants vers des élections libres et transparentes. Mais lesdits accords tomberont à l’eau, suite aux ruses et à la roublardise de Laurent Gbagbo.
Deux qualificatifs qui lui valent le surnom de “boulanger” pour magnifier son art de “rouler ses adversaires dans la farine”. En effet, menant en bateau les rebelles, l’opposition et la communauté internationale emmenée par la France, il parvient à garder son fauteuil. Mais quand même les accords de Marcoussis ont eu le mérite de déboucher sur la création de l’Onuci (Opération des nations unies en Côte d’Ivoire) et de la Force française Licorne. C’est cette dernière qui finira par le faire cueillir hier matin vers 11 heures.
Rappelons qu’en novembre 2004, Laurent Gbagbo, qui utilise les jeunes ” patriotes ” comme boucliers humains, a tenté de reconquérir militairement le nord, resté aux mains des forces nouvelles depuis la rébellion de 2002.
Son mandat devait prendre fin en 2005. Mais entouré de son clan avec lequel il gouverne le pays, sous la direction de son épouse Simone, il entraîne tout le monde dans une série de reports de l’élection présidentielle pour se maintenir au pouvoir à tout prix.
L’accord de paix signé avec les rebelles de Guillaume Soro à Ouagadougou, en 2007, a permis à l’étau de se resserrer sur lui : il accepte enfin de tenir la présidentielle tant attendue. Sous la pression de l’ONU, la date d’octobre 2010 avait été retenue, soit cinq ans après la date prévue auparavant. Mais les Ivoiriens ne voteront finalement que le 28 novembre 2010.Il arrive en tête au 1er tour, devant Alassane Ouattara, qu’il a toujours considéré comme l’instigateur de la rébellion. Un mois plus tard, il est cependant officiellement battu par son adversaire au second tour selon l’Onu. Mais il refuse de céder le pouvoir.
Après quatre mois de crise, où toutes les voies d’issue se sont révélées vaines, le conflit politique se transforme finalement en opération militaire avec la grande offensive lancée par les forces pro-Ouattara pour ratisser rapidement tout le territoire et arriver ainsi à d’Abidjan, la capitale économique. Après une dizaine de jours d’une bataille acharnée, Laurent Gbagbo, terré dans un bunker de sa résidence à Cocody avec des armes lourdes, est finalement arrêté hier, 11 avril, à 11 heures.
Amadou B NIANG