Après Lomé, Dakar, c’est le tour de Bamako d’accueillir le numéro 2 des jeunes patriotes, non moins président de l’association « J’aime Gbagbo ». Almoustapha Touré, puisqu’il s’agit de lui, de passage à Bamako a animé une conférence de presse par rapport à la crise postélectorale qui secoue son pays, la Côte-d’Ivoire. Le désormais ex proche de Gbagbo s’en offusque de ce qui se passe dans son pays. Il déclare sans ambages : « C’est Alassane Ouattara qui a gagné l’élection du 2è tour de la présidentielle en Côte-D’ivoire. Nous le savions depuis le 29 novembre à 2 heures du matin».
C’est tout en larmes qu’Almoustapha Touré a appelé la communauté internationale à venir en aide à la Côte-d’Ivoire en venant défenestrer l’usurpateur Laurent Gbagbo.
Almoustapha Touré est un homme d’affaires ivoirien, très proche de Laurent Gbagbo. Et pour preuve : il était le président de l’association « J’aime Gbagbo » et numéro 2 du Mouvement des jeunes patriotes que dirige Charles Blé Goudé, actuel ministre de la jeunesse et de l’emploi du gouvernement de Gbagbo. Eh bien, l’ancien camarade de Blé Goudé révise sa position et décide de rejoindre lui aussi le maquis. De capitales en capitales africaines, l’homme multiplie les rencontres avec les médias internationaux et dénonce un hold-up de son mentor au détriment de celui que la communauté internationale reconnaît comme légalement élu : Alassane Ouattara. Lisons dans ces quelques lignes les révélations qu’il a faites à la presse malienne : « Chers mamans, chers papas, j’ai été le collaborateur direct de Charles Blé Goudé, fidèle lieutenant de Laurent Gbagbo, en toute conscience j’ai pris mon bâton de pèlerin pour sillonner la sous-région pour dire la vérité. J’ai dirigé le plus grand mouvement de jeunes de Côte-d’Ivoire, le Mouvement des Jeunes patriotes, créé en 2002 par Gbagbo. Je suis le propriétaire de l’une des plus belles résidences du quartier le plus chic d’Abidjan. J’ai supervisé les élections au compte du Front populaire ivoirien (Fpi) dans le nord ; zone contestée par Gbagbo à savoir Bouaké, Korhogo, Ferkessédougou… Depuis le 28 novembre, mon pays vit dans un tourbillon militaire. Après le premier tour qui a été salué par le monde entier pour le bon déroulement du scrutin, le Pdci et le Rdr avaient raflé à eux seuls près de 60% de l’électorat. Sachant la défaite imminente, Laurent Gbagbo a tenté de convaincre Henri Konan Bédié pour un éventuel soutien au 2è tour. Ce dernier oppose une fin de non recevoir. Le directeur de campagne de Gbagbo, Malik Coulibaly et Gbagbo lui-même nous ont alors dit que l’heure était grave et qu’il fallait tout faire pour diviser le Rdr et le Pdci qui constituent le Rhdp. Les propositions du Rdr avaient été plus alléchantes pour le Pdci : Ado a promis au Pdci la Primature en cas de victoire finale.
Pour mener la campagne du second tour, Gbagbo a remis à Charles et à moi-même 300 millions F Cfa, sa femme, Simone nous a remis elle aussi 300 millions. Séance tenante, Charles m’a remis 50 millions que j’ai empochés, une partie de cette somme devrait revenir à la Feci (fédération estudiantine) pour les meetings et autres rassemblements. Il nous a ensuite chargés d’une mission qui consiste à aller parler aux Bétés et aux Baoulés pour ne pas voter Alassane Ouattara-le-Dioula, car sachant bien que le nord a été toujours favorable à Alassane.
Et puis arriva la fameuse date du 28 novembre 2010, date de la tenue du second tour de la présidentielle. Et comme attendue, au soir du 2è tour à 1 heure du matin déjà, nous étions informés de la victoire d’Alassane avec un taux de 54%. Après l’annonce de la nouvelle, il fallait mettre en place un dispositif pour empêcher la proclamation des résultats. Nous avons d’abord appelé Siaka Bakayoko, le président de la Cei ; il était sur répondeur. Le lendemain à 10 heures, Malik Coulibaly nous a convoqués au Qg du Fpi. Il y avait Charles Blé Goudé, Yao Ndré, le président du Conseil constitutionnel et moi-même. Nous avons contacté encore le président de la Cei, on lui a promis une forte somme, mais il a refusé. Il a dit que c’est l’honneur de la Côte d’ivoire qui est en jeu. Nous nous sommes rabattus sur Bamba Yacouba, le porte-parole de la Cei, il nous a demandé de le laisser réfléchir. Et, 1heure plus tard, il nous appelle pour nous dire que c’était impossible car la souveraineté du pays était entamée. Charles est venu m’informer que nous devions marcher et brûler la Cei. Je l’ai pris de côté pour lui faire comprendre que ce n’était pas la bonne solution et que si nous faisions ça, la presse nationale et internationale allait s’en prendre à nous. Nous avons trouvé une autre astuce : contacter le représentant du Fpi à la Cei en la personne de Dangana Kikaz. Nous lui avons demandé s’il pouvait empêcher la proclamation des résultats. Il a répondu : « oui ». Et, comme prévu, tout juste au moment où la Cei s’apprêtait à proclamer les résultats définitifs, il a brusquement arraché les papiers pour les déchirer. Malheureusement, il y avait une camera cachée qui a tout filmé. Le monde entier a suivi la scène.
Mes chers amis, Alassane Ouattara a bel et bien gagné l’élection présidentielle du 2è tour en Côte-d’Ivoire. A travers la presse malienne, je m’adresse à Gbagbo pour qu’il reconnaisse sa défaite et qu’il quitte le pouvoir en bon républicain. Car, c’est la volonté du peuple qui compte. Le peuple a tranché. Si Gbagbo reste, le monde entier a échoué, les Nations-unies auront échoué, l’union africaine aura échoué. Et, dorénavant, leur pouvoir sera contesté et ils seront discrédités partout où ils interviennent.
J’ai connu Gbagbo il y a bien longtemps. Il a même payé une voiture avec moi dans mon parc automobile. Il m’a tout donné et je reste son fidèle supporter. Mes actions m’ont coûté cher, mais je ne me lasserais jamais. On a brûlé tout mon parc automobile et saccagé ma maison. Des soldats de Gbagbo sont envoyés pour me tuer, mais le mur mitoyen est un peu court. Je l’ai sauté. L’heure est à la vérité, il faut faire triompher la vérité, j’ai combattu Ado pendant 8 ans mais il était impératif pour moi de dire la vérité aujourd’hui. Des Baoulés (Houphouët et Bédié) ont été président ici, on a rien dit, un yacouba l’a été (Gueï) on a rien fait, un bété (Laurent Gbagbo) l’a été, rien. Pourquoi, au tour d’un Dioula on veut l’empêcher de monter au trône. Est-ce à dire que c’est parce que nous sommes de la seconde zone. Voilà l’une des principales raisons de ma position actuelle».
Propos recueillis par Badou S. Koba et Amadou Salif Guindo