Depuis plus de trois mois, la Côte d’Ivoire est plongée dans une crise post électorale dont les répercutions frappent toute une sous région. Sa résolution traîne encore du fait du comportement peu responsable de certaines organisations comme l’Union Africaine (UA).
Puérilité :
Nul n’ignore que l’UA comme l’ensemble de la communauté internationale avait reconnu la victoire d’Alassane Ouattara, candidat du RHDP sur le Président sortant Laurent Gbagbo. Surprise ! Quelques jours après, le Président de la Commission de l’UA, le Gabonais Jean Ping, s’est rendu à Abidjan dans le cadre justement de la résolution de cette crise. Interrogé par les journalistes de la RTI (la télévision publique ivoirienne aux ordres de Gbagbo) : l’UA a-t-elle demandé le départ de Gbagbo du pouvoir ? Jean Ping répond : qui vous a dit ça ? Vous avez entendu quelqu’un dire ça à l’UA ? Non, allez vérifiez ! Implicitement, il dit à la télé ivoirienne que l’UA ne reconnaît pas la victoire d’Alassane Ouattara. d’ailleurs cette télé a fait de cette déclaration une référence pour dire que l’UA soutient Gbagbo. Jean Ping a-t-il eu peur de reconnaître en terre ivoirienne ce qu’il avait reconnu, à savoir la victoire d’Alassane ? Ç a paraît quand même un jeu d’enfant. Surtout si c’est de la part d’un Président d’une organisation qui regroupe 53 Etats.
Le même Jean Ping, récemment lors d’une conférence de presse à Cotonou au Bénin, au lendemain même de la désignation du panel de chefs d’Etat pour la résolution de la crise ivoirienne, a expliqué que le panel ne cherchera pas à savoir qui a gagné ou qui a perdu, son rôle c’est plutôt négocier des portes de sortie pour Gbagbo. Et après tout ça, Jacob Zouma, le Président sud africain propose à Alassane un partage de pouvoir ou un gouvernement de transition aux fins d’organiser de nouvelles élections. Si ce n’est une puérilité ou une comédie, ce comportement de l’Union Africaine ne peut se comprendre devant une crise aussi grave que celle de la Côte d’Ivoire où des vies humaines sont détruites tous les jours. d’ailleurs, personne ne sait, aujourd’hui, clairement quelle est la position de l’UA dans cette crise.
Incohérence :
d’habitude, l’UA dans ses prises de position dans les crises, s’aligne toujours sur la position de l’organisation sous régionale dont est membre le pays en crise. Et ceci est logique et normal, car une telle position a l’avantage de dissuader vite les différents protagonistes et est en même temps la preuve d’une certaine harmonie et d’une entente au sein des organisations africaines. On se souvient, lors de la crise Zimbabwéenne, l’UA s’est alignée sur la position de la SADC (African Development Community Austral) contre vent et marré. Cette position de l’UA face à Robert Mugabé, même si elle n’était pas juste, car Mugabé est un dictateur, a été saluée par tous les africains quand même, parce que c’était cohérent, c’était harmonieux, c’était solidaire.
Pour le cas de la Côte d’Ivoire, l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) et la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui sont des organisations sous régionales dont la Côte d’Ivoire est membre, ont pris position. Elles envisageaient même d’utiliser la force légitime pour sauver la démocratie et mettre fin à l’impasse des populations.
Mais contre toute attente, lors du dernier sommet de l’UA en Ethiopie, les Chefs d’Etat ont ignoré la position des organisations sous régionales que sont l’UEMOA et la CEDEAO dont fait partie la Côte d’Ivoire. Et c’est la première fois que l’UA va à l’encontre des décisions prises par ses démembrements au niveau sous régional. Dans la foulé, elle a désigné un panel de cinq chefs d’Etat représentant les cinq grandes régions de l’Afrique pour tenter de trouver une solution à la crise ivoirienne. Dans la mesure où la CEDEAO et l’UEMOA ont été vexées, ce panel avait une marge de manœuvre très faible pour réussir. Le panel a commencé par envoyer des experts sur le terrain. Mais pour quoi faire ? Evaluer le processus électoral comme le dit le camp Gbagbo ? Chercher à établir la vérité ? Ça serait insensé si c’était pour ça. Car tout le processus électoral a été piloté, suivi et observé par des experts de la communauté internationale dont fait partie l’UA. L’envoie des experts paraît donc pour le bon sens, une farce. La méthode utilisée par le panel était déjà mauvaise tant elle entretenait la confusion et l’ambigüité. Ces experts ont tout de même dressé un rapport qu’ils ont remis à leurs chefs d’Etat dont le contenu est ignoré de tous.
Pourquoi l’UA s’aligne sur la position de la SADC et non sur celle de la CEDEAO ? Quelle incohérence ! Même si les Présidents du panel n’ont pas encore présenté leurs résolutions soidisantes contraignantes, il est d’ores et déjà perceptible que ces résolutions ne seront pas acceptées par la partie qui se sentirait défavoriser, pour la simple et unique raison qu’il n’y a pas d’unanimité, de rigueur, de cohérence dans l’organisation africaine. Gbagbo dira, par exemple, s’il est défavorisé, que j’ai l’Angola et l’Afrique du sud avec moi. Alassane dira que j’ai le Nigeria et le Burkina Faso avec moi. Ça veut dire que l’organisation n’est pas crédible.
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Amateurisme :
Le panel se réuni à Nouakchott, les chefs d’Etat se disputent entre eux. Ils n’arrivent pas à harmoniser leurs positions. Blaise Compaoré et le Président de la commission de la CEDEAO se fâchent et décident de ne pas se rendre à Abidjan. Depuis là, la crédibilité de l’organisation est largement atteinte et les parties en conflits ne peuvent accorder aucun crédit à leurs résolutions. Pire encore, arrivés sur le terrain, ils rencontrent Laurent Gbagbo qui est apparemment favorisé par la composition de la délégation. Après, ils se rendent à l’hôtel du golf pour rencontrer Alassane qui se voit défavoriser au vu de la composition de la délégation. Et logiquement, il s’est disputé avec Jacob Zouma, qui serait le principal soutien de Gbagbo. Zouma serait sorti de l’hôtel excité et remonté. Il aurait été même hué par les partisans d’Alassane. Quel amateurisme !
Ce qui est sûr, c’est que l’UA ne peut, à elle seule, résoudre aucun conflit, même le plus petit du monde, à plus forte raison un conflit aussi profond et compliqué que celui de la Côte d’Ivoire. Car l’UA n’est pas indépendante financièrement. Elle continue de mendier auprès de potentiels bailleurs de fonds. d’ailleurs, le coût de ses interventions militaires est généralement supporté par l’ONU ou d’autres donateurs. La Côte d’Ivoire qui est l’objet du présent article a vu ses élections financées en grande partie par des fonds venant hors de l’Afrique. Si par exemple, l’UA décide de reprendre les élections en Côte d’Ivoire, pourrait-elle financer le processus ? Certainement non ! Elle serait obligée de faire appel encore aux même gens que le camp Gbagbo chasse aujourd’hui.
Ça fait vraiment rigolé, la position de l’UA ! Afrique, pauvre Afrique, jusqu’à quand tes dirigeants te feront souffrir ?
Diakaridia TOGOLA
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