Crise dans la refondation : Gbagbo va-t-il arrêter Tagro, son poulain d’hier ?

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La semaine dernière, l’actualité politique ivoirienne a été dominée par  ce que la presse locale appelle l’affaire Tagro Désiré. Accusé par l’honorable Koulibaly Mamadou, deuxième personnalité de l’Etat et non moins Président de l’Assemblée Nationale, d’avoir détourné d’énormes sommes d’argent allouées à l’organisation du Hadj musulman, ainsi qu’une partie de la colossale somme versée par la société TRAFIGURA, dans le cadre de l’indemnisation des victimes des déchets toxiques, Désiré Tagro, le super Ministre de l’Intérieur et de la sécurité dans le gouvernement Soro Guillaume, file du mauvais coton aujourd’hui. Ecoeuré par toutes ces vagues soulevées par les deux barons de la Refondation, Laurent Gbagbo vient de saisir le Procureur de la République près du Tribunal de première instance d’ Abidjan, à l’effet d’ouvrir une enquête sur les faits. Du coté de Bouaké, les forces Nouvelles s’indignent des propos de Raymond Tchimou qui a laissé entendre que tout le monde sera entendu dans cette affaire rocambolesque, y compris Soro Guillaume,  Premier ministre du Gouvernement actuel.

“Le président de la République vient de saisir M. Tchimou Raymond, procureur de la  République près le Tribunal de première instance d`Abidjan-Plateau, à l`effet d`ouvrir une enquête”, a indiqué dans une déclaration faite la semaine dernière,  Gervais Coulibaly, Porte parole et Directeur de Campagne du Président Laurent Gbagbo. Cette enquête, dont les résultats sont attendus dans un mois, devra faire la lumière sur des accusations portées début juin contre M. Désiré  Tagro par le Président de l`Assemblée nationale Mamadou Koulibaly, tous deux personnalités du Front populaire ivoirien (FPI, parti présidentiel). Ainsi, elle devra déterminer si le ministre a favorisé sa “tribu d`origine” pour l`entrée à l`école de police et “vérifier” s`il a “directement ou indirectement marchandé les places mises au concours ou s`il a fait obstruction aux poursuites engagées contre une personne qui les aurait marchandées”.

Elle devra aussi déterminer si M. Tagro a “détourné pour son compte ou pour le compte d`autrui les sommes d`argent mises à la disposition des éditions 2007, 2008 et 2009 du Hadj” (pèlerinage musulman de La Mecque) et définir le montant de ces éventuels détournements.                                 

“Le ministre de l`Intérieur a-t-il détourné les sommes payées à l`Etat de Côte d`Ivoire par la société Trafigura pour l`indemnisation des victimes des déchets toxiques” déversés en 2006 à Abidjan? se demande encore le porte-parole. Enfin, “a-t-il perçu seul ou avec autrui (notamment le Premier ministre) la somme de dix milliards de francs CFA (15 mille euros) qui lui aurait été versée à titre de commission par la société Sagem Sécurité?” Sagem est l`opérateur technique français impliqué dans le processus électoral ivoirien, devant conduire à une présidentielle sans cesse reportée depuis 2005 et dont la date reste inconnue.                         

Gbagbo va t-il arrêter Désiré Tagro ?

Pour l’heure, beaucoup d’interrogations taraudent les esprits en Côte d’Ivoire. Un responsable du RHDP se pose les questions suivantes : « Pourquoi le Chef de l’Etat en  saisissant le Procureur de la République pour mener une enquête sur le Ministre de l’Intérieur, ne le fait pas démettre au préalable? Le FPI est il en train de servir une de ses scènes avec comme Gbagbo, dans les rôles de metteur en scène, ses deux grands barons, celui d’acteurs ? ». Le     

Procureur Tchimou est-il compétent pour juger Tagro ? Sur la question, l’homme de loi affirme « qu’il s`agit d`un membre du gouvernement. Cela ne permet pas aux juridictions de droit commun de le juger. Donc, sur le plan purement juridique, je fais une enquête. Si cette enquête doit avoir une suite sur le plan administratif, il appartiendra à celui qui m`a mandaté de donner une suite à cela. Sur le plan judiciaire, en tenant compte de la qualité du mis en cause, seule la Haute cour de justice est compétente pour juger cet homme (Tagro), si les faits sont avérés. Et encore là, il y a tout une panoplie de procédures. Et la Haute cour de justice pour le moment n`existe pas, peut-être qu`on peut laisser le soin à la Cour de Cassation qui n`existe pas non plus. Peut-être à la Cour suprême d`intervenir et de donner suite pour pouvoir saisir l`Assemblée nationale. Que les députés puissent voter, c`est une procédure assez longue. Ce qui est important, ce qu`il faut retenir, c`est qu`on a demandé au parquet, simplement de répondre à ces quatre questions précises. D`avoir un résultat dans un délai d`un mois. C`est ce que je voulais souligner, pour que chacun ait la réponse à la question. Est ce que le Procureur est compétent ? Est-ce qu`il n`est pas compétent ? Pourquoi ne se saisit-il pas d`office ? Que ce soit d`office ou non, je suis saisi. C`est déjà un pas », dit le magistrat.

Ancien porte-parole du chef de l`Etat, Désiré Tagro a été l`un des négociateurs de l`accord de paix signé en 2007 à Ouagadougou. Destiné à clore la crise née du coup d`Etat manqué de 2002, l`accord a abouti à la nomination de Guillaume Soro, chef de l`ex-rébellion des Forces nouvelles (FN), au poste de Premier ministre. Lors d`un colloque le 2 juin à l’Assemblée Nationale, M. Koulibaly, qui est une voix souvent dissonante dans son camp présidentiel, avait jugé que cet accord s`était “soldé par un fiasco complet” et que la responsabilité du négociateur Tagro était “engagée”, selon des propos rapportés par le journal Fraternité-Matin.

Il avait également dénoncé “le trafic d`influence et la corruption qui entourent les concours d`entrée dans les grandes écoles de Police, de Gendarmerie et d`Administration”.  L`enquête visant M. Tagro est ouverte alors que les autorités ont opéré ces dernières semaines des limogeages au sein de la haute fonction publique, notamment à la direction de l`Ecole nationale d`administration (ENA). Ces renvois sont apparus comme une nouvelle opération “mains propres” après celle engagée depuis fin 2007 dans la filière cacao, dont le pays est le premier producteur mondial.

Samedi dernier, le Porte parole des forces Nouvelles, Affoussi Bamba a dénoncé une « campagne de désinformation et d’intoxication » ourdie par le Camp Présidentiel contre le Premier Ministre Soro Guillaume. Pour elle, Raymond Tchimou ne pourrait pas entendre le chef du Gouvernement, parce qu’il n’a rien fait. Cela en réponse aux propos du Magistrat qui a affirmé à la Presse que « tout le monde sera entendu dans cette affaire, y compris le Premier Ministre ». Pour l’opposition, c’est encore un autre complot du FPI contre le Processus électoral. « Une pseudo opération mains propres brandie pour couvrir le retard accusé par le processus électoral. Le président Laurent Gbagbo, dans un tour de passe passe est en passe de réussir à imposer une fois de plus, son rythme au processus de sortie de crise, comme il l’a si bien réussi depuis l’éclatement de la crise le 19 septembre 2002 », écrit un organe proche de l’opposition.

De Gildas, correspondant du Républicain à Abidjan

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