A quelques heures de la date limite pour annoncer le résultat de la présidentielle de dimanche entre et , la Côte d’Ivoire n’avait toujours aucune indication mercredi après-midi sur qui sera le prochain président pour cinq ans, suscitant des craintes pour l’après-élection.
Au delà du nom du vainqueur, l’enjeu est lourd pour ce pays coupé en deux: mettre fin à dix ans de crise politico-militaire et à la partition du pays en deux camps depuis la tentative de coup d’Etat de septembre 2002, un sud loyaliste et un nord tenu par l’ex-rébellion des Forces nouvelles (FN).
Légalement, la Commission électorale indépendante (CEI) a jusqu’à mercredi à 00H00 pour annoncer les résultats complets. Elle avait annoncé mardi soir qu’elle commencerait à les diffuser ce mercredi à 11H00 (locales et GMT).
Or toujours rien mercredi après-midi. La cinquantaine de journalistes présents devant le siège de la CEI faisaient le pied de grue devant le bâtiment à Abidjan, entouré d’un important dispositif de sécurité.
Mardi, une altercation était venue illustrer, devant les caméras du monde entier, l’ampleur des tensions au sein de la Commission.
Au moment où son porte-parole, Bamba Yacouba, allait annoncer des premières indications chiffrées, deux membres de la CEI pro-Gbagbo l’avaient empêché de s’exprimer et arraché de ses mains les procès-verbaux des résultats dans différentes régions dont il s’apprêtait à donner lecture. Selon les deux hommes, ces résultats n’avaient pas été validées selon les règles, ce que le porte-parole avait contesté.
Un porte-parole d’Alassane Ouattara, Albert Mabri Toikeusse, a accusé mardi Laurent Gbagbo d’être "dans une logique de confiscation du pouvoir", en cherchant à "empêcher la commission électorale d’annoncer les résultats".
Le camp Gbagbo ne cherche "aucunement" à "confisquer le pouvoir" mais "se battra" contre "toute logique d’usurpation du pouvoir", a rétorqué le porte-parole du président-candidat, l’ancien premier ministre Pascal Affi N’Guessan.
"Nous nous battrons jusqu’au bout" pour faire invalider le vote "frauduleux" dans des régions du nord ex-rebelle, notamment celle de Bouaké (centre), fief des FN, a-t-il dit.
M. Affi N’Guessan a expliqué que son camp misait désormais sur l’annulation de ces votes par le Conseil constitutionnel, auprès duquel devait être déposé un recours "dans la journée".
Il revient au Conseil, présidé par un proche du chef de l’Etat, de proclamer les résultats définitifs en validant ou non les résultats provisoires de la CEI. "Au niveau du Conseil constitutionnel tout est encore possible", a-t-il averti.
La communauté internationale observe quant à elle avec inquiétude la situation.
Plusieurs diplomates européens se sont rendus mercredi matin à la CEI pour rencontrer son président Youssouf Bakayoko.
A Bruxelles, la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton a demandé que la "volonté du peuple ivoirien soit entièrement respectée".
La ministre française des Affaires étrangères Michèle Alliot-Marie a souhaité que les résultats soient accueillis dans le "calme", tout en assurant qu’il n’y avait "pas de raison d’être inquiet pour les Français" dans le pays.
A Abidjan, de nombreux habitants avaient choisi de rester chez eux par crainte de troubles, et la circulation était exceptionnellement fluide sur les grands axes, comme depuis lundi. Le quartier du Plateau (administration et affaires) était désert.
Dans le quartier populaire de Yopougon, Madeleine Kouadio, secrétaire dans un ministère, a choisi la prudence: "je ne suis pas allée au travail parce que je ne sais pas ce qui se passe".
AFP