(AFP) – mercredi 22 décembre 2010 – 12h38 – L’impasse restait totale mercredi en Côte d’Ivoire entre Laurent Gbagbo qui affirme être le président, et le camp d’Alassane Ouattara qui, avec le soutien de la communauté internationale, exige son départ et ne voit que "ruse" dans son offre de dialogue.
Lassitude, volonté de faire comme si tout était normal et de passer Noël en paix ? Après bientôt un mois d’une crise qui a fait ces derniers jours au moins 50 morts selon l’ONU, des embouteillages monstres asphyxiaient Abidjan mercredi matin. Les rues de la capitale économique grouillaient de monde, et de jeunes marchands ambulants proposaient des bonnets de Père Noël à la vente.
Mardi soir, l’armée loyale à Gbagbo avait levé le couvre-feu en vigueur depuis la veille de la présidentielle controversée du 28 novembre, en signe de détente avant les fêtes de fin d’année.
Mais, preuve que l’inquiétude restait forte, la France, ex-puissance coloniale, a recommandé à ses 15.000 ressortissants de quitter "provisoirement" le pays.
Le Nigeria a annoncé avoir évacué les familles de ses diplomates en raison de "la tension croissante et des affrontements entre partisans du président élu Alassane Ouattara et du président sortant Laurent Gbagbo".
Dès le début de son premier discours à la nation depuis son investiture le 4 décembre, Laurent Gbagbo n’a laissé mardi soir planer aucun doute, excluant de tirer sa révérence: "je suis le président de la République de Côte d’Ivoire".
Il a proposé la mise en place d’un "comité d’évaluation" en vue d’un "réglement pacifique" de la crise. Ce comité qui devrait "analyser objectivement les faits et le processus électoral" serait dirigé par un Africain, mais composé de représentants de la communauté internationale, y compris l’UE et les Etats-Unis qui lui ont imposé des sanctions ciblées, ainsi qu’à son entourage.
Le camp Ouattara a repoussé cette offre, accusant Gbagbo de "ruser avec le monde" et de le "défier". "Il s’agit pour Laurent Gbagbo de reconnaître le verdict des urnes et de partir", a souligné la porte-parole Anne Ouloto.
"Gbagbo tente de reprendre la main… sans rien céder", commentait le quotidien privé L’Intelligent d’Abidjan. Avec son "comité d’évaluation", Gbagbo "veut gagner du temps et amadouer la Cédéao qui se réunit dans 48 heures", jugeait Le Patriote, pro-Ouattara.
La Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) qui a suspendu début décembre la Côte d’Ivoire en tant que membre, se réunit à nouveau en sommet extraordinaire vendredi à Abuja pour aborder la crise dans ce pays.
Laurent Gbagbo a certes "tendu la main" à son rival, mais en le considérant comme son opposant, rien de plus. Il l’a exhorté, lui et son Premier ministre Guillaume Soro, chef de l’ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) qui tient le nord depuis 2002, à quitter le Golf Hôtel d’Abidjan qui leur sert de quartier général et à "regagner leurs domiciles".
Cet établissement de standing, protégé par les Casques bleus de la mission de l’ONU en Côte d’Ivoire, l’Onuci, et les ex-rebelles est soumis à un blocus des forces fidèles à Gbagbo depuis plusieurs jours. Les barrages étaient toujours en place mercredi matin.
Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a fait part de son inquiétude. "Cette entrave aux ravitaillements de la mission et du Golf Hôtel va placer nos Casques Bleus dans une situation critique dans les jours à venir", a-t-il averti, en lançant un appel à l’aide.
"Notre mission est de plus en plus dangereuse mais nous n’abandonnerons pas", a renchéri le secrétaire général adjoint de l’ONU chargé des opérations de maintien de la paix, Alain Leroy.
"Le camp Gbagbo fait tout pour couper nos approvisionnements en fioul et en nourriture, notamment en bloquant le port", a-t-il expliqué dans la presse française, en dénonçant le harcèlement de ses hommes "jusque dans leurs appartements pour les faire partir" et "les messages de haine" de la RTI (Radio télévision ivoirienne) et les appels aux attaques contre l’Onuci.
Laurent Gbagbo a redit que, par la "voie diplomatique", il comptait obtenir le départ de l’Onuci et des soldats français de l’opération Licorne, qu’il accuse d’avoir pris partie pour Ouattara et de soutenir militairement les FN.
AFP