Côte d’Ivoire, la présidentielle menacée par le retour des vieux démons identitaires (2/2)

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A moins de 9 mois de l’élection présidentielle d’octobre 2025 en Côte d’Ivoire, le jeu politique garde encore tous ses mystères : personne ne sait toujours si l’ex-président Laurent Gbagbo, président fondateur du Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CCI), pourra se présenter ou non au scrutin. On n’est pas non plus certain de la validation de la candidature de Tidjane Thiam du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), confronté à l’écueil de sa double nationalité franco-ivoirienne. Enfin, et ce n’est pas la moindre incertitude : le président sortant Alassane Ouattara n’a pas totalement levé le doute raisonnable sur sa probable candidature. Mondafrique vous propose en Libre Opinion le second volet de l’excellent texte du philosophe Mamadou Djibo Baanè-Badikiranè qui dresse un état des lieux des forces politiques en présence, examine les stratégies de chaque camp et souligne le retour des vieux démons identitaires. Quoi qu’il arrive, soutient-il, le scrutin présidentiel se jouera sur le terrain.

Par Mamadou Djibo Baanè-Badikiranè, Philosophe

Si le Président Thiam suit la ligne Cowppli-Boni/Bombet, il se fait avoir à moindre frais avec l’Alliance Bédié/Gbagbo. Auquel cas, il n’est pas interdit que le courant RDA se fasse sentir, se donne un leader charismatique, porteur d’espérance, des luttes d’intégration contextualisées des Africains sur le retour de l’histoire émancipatoire et des solidarités pour préparer l’avenir.

Ce RDA jouera l’autonomie de décision voire plus. Chacun sait que dans l’alliance néoivoiritaire Bédié/Gbagbo, le benjamin laissait la main à l’aîné. L’Afrique a la plus longue mémoire au monde. C’est bien. Et avec le rappel à Dieu de l’aîné, le droit d’aînesse joue, ipso facto, en faveur du président Gbagbo. Encore que la loyauté à la Constitution et au Code électoral en dispose autrement. Pour le moment. L’imprévu ? Certes, il existe. Mais il est irraisonnable vu l’inter-jeu institutionnel réglé de la République Constitutionnelle. Les paris sont ouverts.

Qui est-ce qui a fracturé la dynamique Thiam ? Ce conservatisme institutionnel propre au PDCI. Il a perdu son premier acte avec la convocation du Congrès du 22 décembre 2024 pour élire son président. Il consistait sous le président Bédié au respect des règles, des lois et de la coutume pour rendre le parti fonctionnel et en maillage serré avec la géopolitique des territoires humains et des fiefs.

Cette politique est héritée du Père fondateur, le président Houphouët-Boigny. Le deuxième induit politique de cette loyauté aux textes l’est aussi pour la République Constitutionnelle. Ce deuxième pendant politique est traduit dans les propos du président Thiam lorsqu’il dit ne « jamais mettre un serpent dans le pantalon ». Va-t-il se dédire ? Indexer seulement les alliés putatifs du PPA-CI, tout en exonérant ce parti de flirter avec les partisans de la république insurgée de l’Alliance des Etats du Sahel ?

La clarté emprunte rarement les chemins sinueux. Un « désapparentement » net avec les aspirants/partisans de la contestation systémique dans la rue, s’impose.  Le processus électoral qui a produit, organisé le Congrès extraordinaire et le vote, consacra le carnage légal. La facture politique est dressée. La Convention statutaire est désormais sans objet.

Le candidat Billon l’est pour la présidentielle. Il n’y a plus d’option meilleure pour rendre au PDCI son attractivité trans-ethnique. Malgré la qualité et le pedigree de son président, du candidat Billon et des autres talents, aller à Canossa, vient. Tout péché originel a une allure circulaire. Une leçon cruelle qui reporte le PDCI à 2030, d’où la question prioritaire de son existence et de son aura, si le cap de 2025 était raté.

Tidjane Thiam face à un choix déroutant

Les dynamiques politiques du champ politique ivoirien montrent le RHDP au pouvoir épargner son énergie contre le PDCI, vu le déclin d’attractivité du Président Thiam. Mais l’alternative, c’est le retournement d’alliance en s’appuyant sur les soutiens du RDA, au nom de la convergence politique.

  1. La disruption de l’alliance politique PDCI/PPA-CI est d’un coût comparatif moindre à payer qu’y rester et au surplus, ses alliés s’adossent sur des soutiens putatifs étrangers AES. Il n’y a donc point « d’énamourement » réciproque, ni de socle politique entre ces deux entités. Les bifurcations ambiguës nuisent.
  2. Le PDCI pourra-t-il dans cette alliance racheter leur disgrâce judiciaire ? Et les vendre à l’opinion ivoirienne attachée à la stabilité et au développement ?
  3. Thiam et le PDCI ne veulent pas être perçus comme des trouble-fêtes. Les radicaux du PPA-CI le dénoncent et les accusent de concéder la victoire au RHDP avant bataille. Chavirer le navire PDCI, n’est-ce pas se renier politiquement ? Ce coût est élevé. Si fait que partir de l’alliance restitue le choix rationnel. Y rester, c’est rendre plus torrentielles les bisbilles optionnelles. Dans les deux cas, le RHDP raflera le gain politique et socle électoral élargi. Ce qui va restreindre le caucus des élus PDCI aux législatives et ainsi de suite.
  4. Le président Thiam que je salue -mon beau-frère dans la cité-est face et c’est déroutant, au revanchisme ivoiritaire profond au sein du PDCI. Ce clan est transversal. Il cultive ses liens avec les gens de ce courant. Se délivrer de l’erreur de l’Alliance Bédié-Gbagbo, c’est casser le clan. Or, c’est bien celui-là qui opéra la surprise et la prise de proie (PDCI) pour la lui offrir. L’évidence est qu’un péril cache un autre.
  5. Le PDCI court la déshérence territoriale malgré le bon profil de son chef. Le président Thiam incarne certes l’efficacité, le dynamisme et l’équilibre. Mais l’héritier qu’il est, le tribun attendu et le Commandant en chef, rêvé, forment une promesse rude. Thiam est comme Octavien, petit- neveu de Jules César. Il voulait être perçu prometteur. Mais suffit-il de le vouloir ? Car construire la confiance, offrir la victoire au PDCI dans un paysage rendu compétitif par l’impressionnant bilan du Président Ouattara, c’est le défi à surmonter par la promesse perçue. Le peut-on dans la division et l’incohérence bifide ?

Tuer l’enjeu par la peur du jeu

Le réalisme avenant depuis Aristote, théoricien de la société équilibrée, dit qu’il faut aménager les classes populaires. C’est ce que la Constitution de 1236 du Mandé pratiquait pour construire la paix conviviale, la stabilité et produire le commerce transsaharien, première forme de la mondialisation économique.    Enfin, le RHDP est solide derrière son président Ouattara. Il maintient ouverte la possibilité d’un dialogue social sur la sécularisation des institutions, accommode les catégories socioprofessionnelles, raccorde les populations aux services de base, les travailleurs du public obtiennent le 13ème mois, et ce programme d’infrastructures, l’Etat efficace et fort.

Quant aux contentieux politiques, il est accepté par tous que ceux qui appellent leur règlement par les institutions de la république, soient portés devant elles. En droit pénal, c’est celui qui se dit lésé qui doit en apporter la preuve. L’exécution d’une obligation en dérive. La contrainte à être loyal à la République l’est pour tous les citoyens.

La décrispation houphouëtiste avance à petits trocs. La réconciliation est un processus long. Elle a raffermi, graduellement, les soutiens populaires, les lumpens prolétariat urbains, (recasés et classes moyennes) autour du RHDP. Le parti n’a pas été atone sur ce sujet social. Il n’a surtout pas suivi la critique occidentale néolibérale qui taxe les thématiques induites, de populistes. Le libéralisme a visage humain est inspiré du christianisme social et des solidarités et entraides africaines. Le RHDP l’applique.

L’attachement à obtenir et garantir la paix sociale s’adosse sur la prise en compte des poches de frustration des catégories périphériques à la rente politique. C’est pourquoi, Aristote en déduit la société équilibrée. Le PDCI a sa place dans le socle commun houphouëtiste comme centre droit. Le RDA est ce centre- gauche, attaché au renouveau des luttes panafricaines pour construire une famille politique élargie et équilibrée. Je l’appelle le retour de l’histoire « émancipatoire » africaine. Le RDA attend son nouveau leader pour porter cette réactivation de la liberté, de la prospérité commune et de l’unité des luttes sociales contemporaines.

Faire ce beau pari, c’est exhiber aussi la preuve que l’on pratique le libéralisme à finalité sociale de redistribution de la plus-value produite par le « Développementisme alassaniste » et l’unité des Houphouëtistes. Cette grille de lecture est largement partagée.

Ma conviction est qu’il n’y a pas d’enjeu électoral, même s’il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant la battue. Mais ceux qui veulent tuer le jeu par la peur de l’enjeu, se trompent. Parce que le scrutin présidentiel de 2025 comme suprême enjeu de perceptions dans un moment de désinformation industrielle, est déjà joué.  Jouer loyal est donc la fête populaire pour tous les Houphouëtistes à la présidentielle de 2025.

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2 COMMENTAIRES

  1. Tene Brahima,c’est pas que c’est le même peuple mais que ton fragin Alassane est Voltaïque et tout Voltaïque est du Faso.
    La Famille Ouattara est Burkinabé.
    Va dire cela à ton frangin de président.

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