Cela fait tout juste dix ans. Le 19 septembre 2002, le général Robert Gueï était assassiné, à Abidjan, au moment même où un coup d’Etat manqué se transformait en une rébellion – les Forces nouvelles contre le régime de Laurent Gbagbo – qui a pris le contrôle du nord et de l’ouest du pays. Dix ans après, les circonstances de la mort de l’ancien chef d’Etat ne sont toujours pas élucidées. Pour son parti, l’UDPCI, ce sera une étape obligée du processus de réconciliation.
Surnommé « le père Noël en treillis », Robert Gueï a dirigé, pendant dix mois, la junte militaire installée en Côte d’Ivoire suite au coup d’Etat du 24 décembre 1999 contre le président Henri Konan Bédié – le premier coup d’Etat militaire de l’histoire du pays qu’il a lui-même mené.
Dans un climat politico-social explosif où étaient rassemblés tous les ingrédients d’une prochaine guerre civile entre partisans de Bédié, au sud, et ceux de Alassane Ouattara, au nord, ce coup d’Etat revendiqué par Gueï est accueilli avec un certain soulagement. Laurent Gbagbo le considère salutaire pour la démocratie ; Alassane Ouattara rentre d’exil et les responsables de son parti que Bédié avait fait jeter en prison, recouvrent la liberté.
Robert Gueï, qui assurait alors, selon ses propres mots, que le pouvoir ne l’intéressait pas, a changé d’avis. Avec Laurent Gbagbo, il s’est employé à changer la Constitution pour rendre encore plus strictes les conditions d’éligibilité, notamment sur la question de la nationalité ivoirienne, et barrer ainsi la route à Alassane Ouattara. Mais ses relations avec le pouvoir Gbagbo se sont aussi détériorées. C’est à ce moment-là qu’il a lancé son célèbre « quel est donc ce chef d’Etat qui se transforme en boulanger pour rouler tout le monde dans la farine ? »
En octobre 2000, Robert Gueï a été vaincu par Laurent Gbagbo à l’issue d’une élection controversée dont ont été exclus Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara.
Abattu d’une balle dans la tête
On se souvient. L’homme était vêtu d’un t-shirt clair, couché sur le dos, les bras écartés, gisant dans l’herbe, une balle logée dans la tête. Le 19 septembre 2002, les Ivoiriens découvraient, à la télévision, les images de Robert Gueï, 61 ans et ancien président, retrouvé mort sur le bas côté d’une route, au milieu des fourrés.
Quelques heures plus tôt, les rebelles avaient lancé l’insurrection. Le Premier ministre, Pascal Affi Nguessan, avait immédiatement accusé le général Gueï qui s’est alors réfugié dans la cathédrale Saint-Paul d’Abidjan. Mais des hommes armés le trouveront – sans que l’on sache, encore aujourd’hui, comment et par qui ils ont appris où il se cachait – et l’auraient emmené. A son domicile, sa femme, Rose Doudou Gueï, son aide de camp, Fabien Coulibaly et une quinzaine de proches ont, eux aussi, été assassinés.
Zones d’ombre
Depuis le jour de sa mort, il aura fallu attendre 7 ans pour que Robert Gueï soit enterré à Kaboucouma, son village natal, dans l’Ouest ivoirien, et près de 10 ans avant l’ouverture d’une enquête. La semaine dernière, le 11 septembre, le parquet militaire d’Abidjan a ouvert une enquête qui devra notamment déterminer le rôle du commandant Anselme Séka Yapo, dit Séka Séka. Le nom de cet ancien garde du corps de Simone Gbagbo est régulièrement cité et serait considéré comme le suspect numéro un.
Arrêté en octobre 2011 et détenu depuis cette date, Anselme Séka a déjà été interrogé par la justice ivoirienne dans le cadre de l’enquête sur la disparition du journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer, survenue en 2004, en Abidjan.
Robert Gueï avait été accusé par le pouvoir de Laurent Gbagbo d’être derrière la tentative de coup d’Etat, en septembre 2002. En retour, les partisans de Gueï attribuaient, au régime, la mort de leur chef – ce que le camp Gbagbo a toujours récusé.
Invité de Christophe Boisbouvier sur RFI, Albert Toikeusse Mabri, président du parti fondé par Robert Gueï – l’Union pour la démocratie et pour la paix en Côte d’Ivoire (UDPCI) – et qui siège au gouvernement comme ministre d’Etat, ministre du Plan et du Développement, nous donne son opinion.
Président de l’UDPCI
Selon les informations que nous avions eues, il a été conduit à la résidence présidentielle de Cocody et c’est de là que des instructions ont été données pour le tuer.
Pour les proches de Laurent Gbagbo, le 19 septembre 2002 est une date assimilée, avant tout, à la rébellion. Telle est l’opinion de Charles Blé Goudé, fondateur du Congrès panafricain des jeunes et des patriotes (Cojep), exilé depuis la fin de la crise post-électorale.
Fondateur du Congrès panafricain des jeunes et des patriotes (Cojep)
Le 19 septembre 2002 est une date marquée à l’encre noire dans l’histoire de la Côte d’Ivoire.
RFI/ 19/09/2012