La Côte d’Ivoire a connu, entre les XIIe et XVIIIe siècles des déplacements parfois massifs de populations venues du Nord, de l’Est et de l’Ouest dont les descendants successifs forment aujourd’hui le noyau de ses habitants. Ces différentes vagues migratoires mettront en présence, au XIXe siècle, sur le territoire national, quatre grandes aires ethno-culturelles comprenant à la fois les pays limitrophes et d’autres pays d’Afrique de l’ouest comme la Sierra Leone, la Guinée-Bissau et le Togo. Parlant de cette diversité culturelle, Dozon affirmait que la Côte d’Ivoire est « un assez bon résumé de l’Afrique de l’Ouest ». A cette diversité ethnique et culturelle s’ajoute une diversité religieuse partagée majoritairement entre l’Islam et le Christianisme. L’histoire du peuplement sociale de la Côte d’Ivoire montre les ressorts de la configuration sociodémographique actuelle du pays. Vu l’importance des migrations internes et externes, la société ivoirienne se présente comme un complexe démographique qui met en scène plusieurs communautés ethniques et religieuses.
La Côte d’Ivoire, comme la plupart des Etats africains, compte une multitude de groupes ethniques : une soixantaine selon les statistiques officielles. Possession française dès 1842, puis protectorat en 1889, la Côte d’Ivoire fut érigée en colonie autonome le 10 Mars 1893. A cette époque, il n’existait évidemment pas de pouvoir central. Le pouvoir politique étant détenu par des chefferies et royaumes tribaux n’ayant généralement aucun lien entre eux. Le passé colonial commun à ces peuples aura pour effet de faire naître en leur sein une conscience nationale manifestée de façon pratique à travers diverses actions de lutte pour l’émancipation. L’impératif de la libération coloniale commandait en effet de taire toutes les singularités ethniques, tribales ou régionales voire sous-régionales. Les singularités ethniques ont refait surface après l’indépendance. Au delà des divergences ethniques, la vie politique s’est polarisée sur un clivage correspondant aux zones géographiques Sud-Nord, Centre-Ouest, zones forestières-zones de savane. Le problème du nationalisme, de la nationalité et de la construction nationale a soulevé les « passions ». On en trouve la trace dès les années 30 avec l’ADIACI (Association de Défenses des Intérêts des Autochtones de Côte d’Ivoire) créée pour protester auprès des autorités contre le fait que les Sénégalais et les Dahoméens occupaient une trop grande place dans les emplois publics. Le combat ainsi engagé se poursuivi sur le terrain économique et social et déboucha, parfois, au plan politique sur des conflits graves. En 1958, il s’exprima de manière violente à l’encontre des Dahoméens et Togolais (Dozon 2000:50). Puis d’une manière paisible, en 1966, lorsque Houphouët-Boigny (premier Président de la Côte d’Ivoire) proposa à l’Assemblée Nationale que les ressortissants du Conseil de l’Entente (Haute-Volta, Niger, Dahomey) puissent bénéficier légalement d’une double nationalité ; ce qu’elle refusa. A ce compte, on pourrait dire que la question du nationalisme, dans ce qu’elle implique de mise à distance des «étrangers» et de mise en cause de ce qui les amènerait à devenir de « vrai » citoyens ivoiriens, fut une figure récurrente de l’histoire coloniale et postcoloniale. En témoigne la politique « d’ivoirisation » de la fonction publique entreprise à partir du milieu des années 1970.
De même en 1990, avec le retrait de la possibilité de vote accordée aux étrangers, puis en 1994, avec l’avènement de la politique de l’«ivoirité» mise en place par le régime du Président Bédié. Cette question du nationalisme cultivée par les gouvernements postérieurs met en exergue le problème de la nationalité et partant de la définition de l’identité nationale en Côte d’Ivoire et des droits et prérogatives y affiliés. Le débat politique qui s’engage sur la définition de l’identité nationale ivoirienne se nourrit aussi de ce complexe démographique. En effet, si la question de l’immigration n’est pas nouvelle en Côte d’Ivoire, son instrumentalisation politique est récente. Elle n’a jamais cessé d’alimenter le débat public. Il serait alors judicieux de la circonscrire afin que plus jamais, la Côte d’Ivoire ne connaisse plus une guerre qui mettrait en opposition les différentes ethnies.
Abdoulaye A. Traoré
Doctorant en sociologie
Sa tjours existe en côte d’ivoire
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