ABIDJAN (AFP) – mercredi 15 décembre 2010 – 22h11 – Plusieurs personnes ont été blessées mercredi à Yamoussoukro (centre), alors que l’armée fidèle à Laurent Gbagbo a mis en garde les partisans de son rival Alassane Ouattara contre leurs projets de marches à Abidjan jeudi et vendredi pour prendre le contrôle d’organes de gouvernement.
Dans le même temps, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, s’est déclaré "profondément préoccupé par l’impasse politique" en Côte d’Ivoire, craignant un "retour à la guerre civile" dans un pays ayant deux chefs d’Etat proclamés à l’issue du second tour de l’élection présidentielle du 28 novembre.
L’armée loyale à Gbagbo a affirmé que Choi Young-Jin, représentant spécial de l’ONU en Côte d’Ivoire, "soutient" les marches sur la télévision publique RTI et sur le siège du gouvernement qu’entendent organiser les partisans de Ouattara jeudi et vendredi.
La RTI, média essentiel du pouvoir à Abidjan, est actuellement totalement sous la coupe du camp de M. Gbagbo.
L’armée a rendu responsable par avance l’ONU d’éventuelles violences.
"Le général Philippe Mangou, chef d’état-major des armées et l’ensemble des FDS (forces de défense et de sécurité) tiennent M. Choi pour responsable des conséquences imprévisibles qui pourraient résulter de ces actions projetées", indique un communiqué de l’armée.
Hamadoun Touré, porte-parole de M. Choi, a qualifié de "fausses, injustes et infondées" ces accusations.
M. Ouattara a été reconnu vainqueur de la présidentielle par presque toute la communauté internationale. Mais le Conseil constitutionnel ivoirien a invalidé les résultats de la Commission électorale et annoncé la victoire du sortant, M. Gbagbo.
Dans la capitale administrative Yamoussoukro (centre), des sympathisants de M. Ouattara ont tenté de défiler, mais en ont été empêchés par les forces loyalistes. Plusieurs manifestants ont été blessés par balles, selon les initiateurs de la marche, des témoins et une source hospitalière.
Un des organisateurs de la marche, Ben Ahui, a parlé à l’AFP de "30 blessés par balles" admis à l’hôpital, mais une source hospitalière a jugé ce bilan "exagéré" en refusant toutefois de fournir un chiffre.
Certains témoins ont rapporté des arrestations, mais des sources militaire et policière sollicitées par l’AFP n’ont pas souhaité s’exprimer sur ces évènements.
A Abidjan, Charles Blé Goudé, chef des patriotes pro-Gbagbo et fer de lance des manifestations anti-françaises de 2003 et 2004, nommé ministre de la Jeunesse et de l’Emploi du gouvernement Gbagbo, a promis d’agir "bientôt". "Je ne suis plus prêt à tolérer des vampires prêts à boire le sang des Ivoiriens. Je vais agir bientôt", a-t-il lancé à quelque 3.000 jeunes.
Dans le quartier d’Abobo, qui a voté à une écrasante majorité pour M. Ouattara, un journaliste de l’AFP a constaté un déploiement très visible des forces de l’ordre (policiers, gendarmes et militaires).
Le Premier ministre de M. Ouattara, Guillaume Soro, veut se rendre jeudi à la RTI avec ministres et partisans pour installer un nouveau directeur général, et prendre possession vendredi des locaux officiels du gouvernement, occupés par le Premier ministre de Gbagbo, Aké N’Gbo.
En cas de confrontation jeudi et vendredi entre militants des deux camps, la France n’a "aucune intention d’intervenir militairement" pour s’interposer, a affirmé mercredi le ministre de la Défense, Alain Juppé. "C’est à la communauté internationale d’assumer ses responsabilités", a-t-il ajouté.
Sa collègue des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, a estimé que "Gbagbo est en train de jouer le pourrissement de la situation et il se dit que la communauté internationale finira par s’effriter ou par céder".
Face à cette impasse, le président de la Commission de l’Union africaine, Jean Ping, pourrait se rendre d’ici vendredi à Abidjan pour relancer les efforts de médiation dans la crise ivoirienne.
AFP