Le président ivoirien Alassane Ouattara a nommé mercredi Premier ministre Daniel Kablan Duncan, 69 ans, qui était son chef de la diplomatie et qui devra former un nouveau gouvernement, après la dissolution du précédent cabinet le 14 novembre pour cause de tensions dans sa coalition.
Membre du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) de l’ex-président Henri Konan Bédié, M. Duncan, qui fut déjà Premier ministre de 1993 à 1999 sous la présidence Bédié, a été nommé chef du gouvernement, a annoncé la présidence.
Juste après cette annonce, l’intéressé, un homme de confiance du chef de l’Etat, a remercié MM. Ouattara et Bédié pour cette “responsabilité particulièrement importante” dans “une période que chacun sait difficile”, alors que le pays tente de tourner la page de la crise postélectorale de décembre 2010-avril 2011, qui a fait quelque 3.000 morts.
Il y a “beaucoup d’impatience” dans la société et il faut y répondre “dans les meilleurs délais”, a-t-il dit, évoquant surtout la relance économique et la lutte contre la pauvreté.
Né le 30 juin 1943 à Ouellé, dans le centre de la Côte d’Ivoire, cet économiste, ministre des Affaires étrangères depuis 2011, succède à Jeannot Kouadio Ahoussou, nommé en mars. La “Primature” reste donc aux mains du PDCI, en vertu d’un accord de coalition entre ce parti et le Rassemblement des républicains (RDR) de M. Ouattara.
A l’époque de la formation du précédent cabinet, M. Duncan avait déjà été cité comme possible Premier ministre.
Alors que le maintien de M. Ahoussou était présenté comme très probable ces derniers jours, “hier (mardi) M. Ouattara a appris à M. Ahoussou qu’il ne restait pas Premier ministre et qu’il nommait M. Duncan”, a déclaré à l’AFP une source proche de l’exécutif.
“sacrifice”
L’ex-Premier ministre avait affirmé à des journalistes mardi soir être prêt au “sacrifice” pour la “cohésion” des Ivoiriens. Il avait indiqué avoir “déjà envoyé (sa) robe d’avocat au pressing” au cas où il devrait retrouver son métier.
Selon des observateurs, M. Ahoussou n’a pas réussi à s’imposer, entre une présidence toute-puissante, des ministres très autonomes ou ne référant qu’à elle, et un Guillaume Soro – son prédécesseur et ex-chef rebelle, aujourd’hui président de l’Assemblée nationale – toujours très présent, en particulier sur les dossiers sécuritaires.
Si une relance de l’économie a été engagée, le bilan est mitigé environ un an et demi après l’arrivée au pouvoir de M. Ouattara: la réconciliation patine, les procès de personnalités proches de l’ex-président Laurent Gbagbo tardent à s’ouvrir, la corruption est régulièrement dénoncée – en privé – par diplomates et cercles d’affaires, et la cruciale réforme de l’armée n’en est qu’à ses balbutiements.
Entre août et octobre, le régime a été confronté à une vague d’attaques, souvent meurtrières, contre les forces de sécurité, qui ont fait brusquement monter la tension. Le pouvoir a accusé le camp Gbagbo, qui dément.
Le chef de l’Etat avait dissous le 14 novembre le gouvernement. La présidence a justifié cette dissolution surprise par le fait que le groupe parlementaire PDCI et celui d’un petit parti allié avaient voté en commission contre un projet de loi sur le mariage présenté par l’équipe Ahoussou, et y a vu une atteinte à la cohésion de l’alliance.
Le texte, qui soulève une vive controverse en plaçant sur un pied d’égalité mari et femme dans le couple, a finalement été adopté mercredi par les députés, à une très large majorité.
Selon la présidence, les tractations en vue du prochain gouvernement se font avec le PDCI et les petits partis alliés, ce qui exclut pour l’heure l’entrée de pro-Gbagbo, souvent évoquée comme un possible facteur d’apaisement du climat politique.
La dissolution traduit cependant de fortes tensions entre le RDR et le PDCI. Au sein du parti de M. Bédié, une grogne n’a cessé de monter ces derniers mois contre le parti de M. Ouattara, accusé de visées hégémoniques.