Polémiques autour de la révision du fichier électoral, exclusion de potentiels candidats, non-respect de la limitation des mandats… Les griefs portés contre les élections présidentielles en préparation au Cameroun et en Côte d’Ivoire sont nombreux. À quelques mois de la tenue de ces scrutins, la tension monte de part et d’autre, et de nombreux analystes craignent le retour des vieux démons dans ces pays où les élections riment généralement avec des cas de violence.
En octobre 2025, les Ivoiriens et les Camerounais se rendront aux urnes pour désigner leurs présidents de la République. Paul Biya (92 ans) est le candidat naturel de son parti, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC). Au pouvoir depuis 42 ans, il ne cache pas son désir de continuer à servir son pays. « Votre confiance m’honore et me sert de boussole dans l’action que je mène à la tête de notre cher et beau pays. Je puis vous assurer que ma détermination à vous servir demeure intacte et se renforce au quotidien, face à l’ampleur des défis auxquels nous sommes confrontés », a-t-il déclaré dans son adresse à la nation à la veille de l’année 2025. Le président de l’Assemblée nationale du Cameroun, Cavayé Yeguié Djibril, et plusieurs ministres multiplient les appels pour inviter Paul Biya à briguer un nouveau mandat de sept ans.
À Yaoundé, ce n’est plus la longévité au pouvoir du président de la République qui suscite des crispations. Pour beaucoup de Camerounais, sauf cas de force majeure, Biya sera candidat à la prochaine élection présidentielle. Le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), parti politique dirigé par Maurice Kamto, challenger de Biya lors de la présidentielle de 2018, dénonce les manœuvres du régime visant à invalider la candidature de son leader. Investi par son parti, Maurice Kamto risque cependant de ne pas pouvoir participer au scrutin d’octobre 2025. Son rêve de mettre fin au régime de Paul Biya pourrait être brisé par une décision grave prise en 2020 : en effet, Kamto et le MRC avaient décidé de boycotter les élections législatives et municipales de cette année-là. Conséquence, le parti ne dispose pas d’élus locaux, condition indispensable pour présenter un candidat à l’élection présidentielle sous la bannière d’un parti politique. Mais Kamto persiste et signe : il sera candidat du MRC en octobre 2025. Il reproche au ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, de se substituer à Elecam et au Conseil constitutionnel, seuls habilités à valider ou non sa candidature.
« Le MRC ne laissera pas le RDPC exclure son candidat de la prochaine élection présidentielle. Que ceux qui ont pris cette décision illégale et les petites mains chargées de son application y renoncent sans attendre, car cela ne se fera pas sans conséquences graves », a déclaré Maurice Kamto le 17 mars.
Dans le camp adverse, ses propos sont interprétés comme les prémices d’une insurrection en préparation. Le ministre délégué auprès du ministre de la Justice, Jean de Dieu Momo, rappelle à Maurice Kamto les deux options qui lui restent pour être candidat à la prochaine élection présidentielle : « Ma conviction reste et demeure qu’il (Maurice Kamto, ndlr) est disqualifié de la course présidentielle s’il est présenté par le MRC, à moins de produire les 300 signatures prévues à l’alinéa 2 de l’article 121 visé supra. Cela dit, il reste éligible s’il se présente avec un autre parti politique ayant un élu », explique Momo. En plus des tensions autour de la candidature de Kamto, le MRC dénonce les manœuvres d’Elecam, l’organe chargé du scrutin, qui empêcherait les Camerounais de s’inscrire sur les listes électorales.
Abidjan retient son souffle
À quelques mois de la présidentielle en Côte d’Ivoire, les tensions politiques s’exacerbent, notamment sur les réseaux sociaux, où les affrontements verbaux deviennent de plus en plus violents. Un militant du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), résidant en France, a publiquement menacé de meurtre et de torture les partisans de Laurent Gbagbo, qui prévoient une manifestation pour exiger l’inscription de leur candidat sur la liste électorale.
Dans une vidéo rapidement devenue virale, Sidibé Ibrahim Karamoko, alias « Bob le mannequin de la Favela », a reconnu avoir commis des crimes lors de la crise post-électorale en Côte d’Ivoire. Il décrit avec détail ses actes de violence, affirmant avoir mutilé plusieurs personnes.
« (…) Militants du PPA-CI, vous savez, quand moi, j’étais au pays, avant d’achever une personne, je cherchais d’abord à couper les nerfs qui sont derrière ses deux pieds (les tendons d’Achille ndlr). Je prenais machette pour couper et je n’avais rien à foutre Il y a plein de personnes en Côte d’Ivoire qui sont handicapées : c’est moi qui l’ai fait », a-t-il lancé. Ces déclarations ont réveillé de douloureux souvenirs de la crise post-électorale de 2010-2011, qui a fait plus de 3 000 morts.
Face à la vague d’indignation et aux appels à son arrestation, la section France du RHDP a publié un communiqué pour se désolidariser de Karamoko. Elle rappelle que le parti repose sur des principes démocratiques et républicains et que les propos tenus par ce militant n’engagent que lui.
« Le RHDP FRANCE condamne fermement ces déclarations et rappelle que notre engagement politique repose sur le respect des principes démocratiques et républicains.
Nous précisons que le soutien apporté à ce militant par l’un de nos responsables a été fait en son nom propre, sans consultation ni validation de la direction du RHDP France », lit-on.
En Côte d’Ivoire, plusieurs figures du paysage politique, telles que l’ancien président Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé et Guillaume Soro, ne figurent pas sur la liste électorale provisoire publiée par la Commission Électorale Indépendante (CEI). Alassane Ouattara, qui achève son troisième mandat controversé, n’exclut pas la possibilité de briguer un nouveau mandat à la tête du pays. Pour les militants du RHDP, il demeure le seul candidat légitime de leur parti pour la présidentielle du 25 octobre 2025. Pourtant, le président ivoirien avait promis de ne pas effectuer plus de deux mandats et avait justifié son revirement en 2020 par un cas de force majeure, suite au décès du candidat Amadou Gon Coulibaly.
Source: https://www.toutafrica.com/