Le président Laurent Gbagbo, dont la réélection est fortement contestée par l’opposition ivoirienne et la communauté internationale, a prêté serment samedi 4 décembre à la tête de la Cote d’Ivoire. Alors que tous dont le Premier ministre Guillaume Soro reconnaissaient la victoire de Alassane Dramane Ouattara, qui par courrier électronique adressé le même jour au président du conseil constitutionnel, a également prêté serment.
Au même moment la tension monte à Abidjan, où des violences ont été enregistrées le week-end dernier.
La Cote d’ivoire, au sortir de la présidentielle s’enfonce inexorablement dans la confusion, voire le chaos. Une nouvelle crise qui peut conduire à tous les dérapages avec un « Président » fort du soutien de la hiérarchie militaire et un Président élu qui a l’appui de la communauté internationale.
Vendredi soir, Ouattara sortait de sa réserve en déclarant officiellement «être le président élu de la République de Côte d’Ivoire». Alassane Ouattara s’est appuyé sur le soutien du chef de l’ONU qui a été le premier haut-responsable international à reconnaître sa victoire et à le féliciter. «Le secrétaire général félicite M. Alassane Ouattara (…) pour son élection et demande au président élu de travailler pour une paix durable, la stabilité et la réconciliation en Côte d’Ivoire», a ainsi déclaré le porte-parole de Ban Ki-Moon. La responsable de la diplomatie européenne Catherine Ashton lui a immédiatement emboîté le pas. «Je félicite M. Ouattara pour sa victoire», indique-t-elle dans une déclaration, où elle appelle toutes les parties au processus électoral à «accepter les résultats, tels que certifiés par le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies».
Paris a également pris position. Dans un communiqué, Nicolas Sarkozy a «félicité» le «président élu» Alassane Ouattara et a lui aussi demandé à Laurent Gbagbo de «respecter la volonté du peuple». Le président français a réitéré ses propos samedi à son arrivée en Inde, en déclarant la victoire d’Alassane Ouattara «incontestable». «Il y a un président élu en Côte d’Ivoire. L’ensemble de la communauté internationale et les Nations Unies l’ont reconnu. Ce président, c’est Alassane Ouattara», a-t-il ainsi déclaré avec fermeté.
Un positionnement partagé par Barack Obama, qui lui aussi a félicité vendredi soir Alassane Ouattara «pour sa victoire» et a appelé le président sortant à «reconnaître et respecter» le résultat du scrutin. «La commission électorale indépendante, des observateurs dignes de foi et accrédités, ainsi que les Nations unies, ont tous confirmé ce résultat et certifié sa fiabilité», a-t-il estimé.
De son côté, le directeur général du Fonds monétaire international (FMI), Dominique Strauss-Kahn a souligné samedi que son institution ne travaillerait pas avec un gouvernement non reconnu par les Nations Unies, comme celui de Laurent Gbagbo.
Forts de tous ces soutiens, l’ex-premier ministre Ouattara a revendiqué sa victoire et a demandé la levée de «la mesure d’interdiction des médias étrangers qui émettent par le satellite», en vigueur depuis jeudi soir. Il a dans la foulée appelé les Ivoiriens à «demeurer sereins» et son «frère Laurent Gbagbo» à respecter leur choix. Ouattara bénéficie également du soutien de l’actuel premier ministre Guillaume Soro qui a officiellement rejeté la victoire de Gbagbo et présenté sa démission.
En dépit de tous ces appels au calme et des prises de position ferme de la communauté internationale, l’avenir du pays reste incertain. Quelques heures avant l’annonce du Conseil constitutionnel, le camp Ouattara avait haussé le ton et mis en garde vendredi contre un «nouveau putsch» de Laurent Gbagbo. «C’est pour ça qu’il commence à prendre des dispositions», a asséné le porte-parole de l’ex-premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, en référence à la fermeture jeudi soir des frontières par l’armée. «Mais ça ne changera strictement rien. Le peuple de Côte d’Ivoire s’est exprimé, Laurent Gbagbo est battu». Dans la nuit de vendredi à samedi, des échanges de tirs ont eu lieu au sud et au nord d’Abidjan.
Le Conseil constitutionnel avait le droit d’annuler les résultats annoncés jeudi par la CEI, qui avait dépassé le délai légal de 72 heures. Mais l’opposition dénonce les manœuvres du camp Gbagbo, qui avait empêché lundi la proclamation des résultats. Surtout, elle accuse le président du Conseil constitutionnel, Paul Yao N’dré, d’être à la solde du président sortant. Paul Yao N’dré «sort de son rôle de juge pour porter ses habits de partisan et militant», avait accusé Amadou Gon Coulibaly.
Au même moment, le Premier ministre Guillaume Soro, a affirmé reconnaître Alassane Ouattara comme Président de la Côte d’Ivoire. Pour joindre l’acte à la parole, Soro s’apprêtait à remettre à Ouattara sa démission le week-end dernier. Samedi, la tension ne cessait de monter dans certains quartiers d’Abidjan où les médias ont signalé des tirs à l’arme lourde. Il y aurait déjà eu des morts.
Face à cette confusion et à la situation générale en Côte d’Ivoire, nombre de questions sont posées dont celles-ci : Jusqu’où le clan Gbagbo persistera-t-il dans sa volonté de confisquer le pouvoir ? Quelle sera l’attitude des pays comme la France et les Etats-Unis ? Que décidera l’ONU ? Que feront les Forces nouvelles de l’ex rébellion ?
En attendant, la Côte d’Ivoire court un gros risque, précisément un affrontement généralisé entre les deux camps (Ouattara- Gbagbo), voire une guerre civile entre populations.
Soumaïla T. Diarra