Corée du Sud : un «Dragon» en quête d’ouverture vers l’Afrique

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En mars dernier, le ministre de l’Agriculture s’est rendu en Corée du Sud afin d’étudier l’expérience réussie de ce pays en matière de développement agricole, et discuter avec les autorités coréennes d’un appui au renouveau de l’agriculture malienne. Un voyage qui est loin d’être inutile d’autant plus que ce pays est l’un des «Dragons» d’Asie qui a réussi à transformer beaucoup de handicaps en avantages pour émerger dans le concert des pays émergents. Moins «agressive» sur le terrain diplomatique, la Corée du Sud n’est pas connue en Afrique comme elle le mérite.

 

Le ministre Kassoum Denon a donc effectué une visite en Corée du Sud, du 6 au 12 mars 2016, à la tête d’une forte délégation de techniciens et de diplomates. L’objectif était de s’inspirer de l’expérience sud-coréenne dans la modernisation de l’agriculture. Une visite bien accueillie par les hôtes, car la coopération entre les deux pays est encore timide, notamment dans le domaine agricole où Eximbank (Banque import-export de Corée) finance pourtant des projets au Mali, particulièrement le Programme de développement de l’irrigation dans le bassin du fleuve Bani. Et même là encore, les Sud-coréens déplorent le plus souvent la faiblesse du portefeuille de nos projets. De nouveaux «projets structurants» seraient donc bien accueillis afin de rehausser ce portefeuille et redynamiser la coopération bilatérale entre les deux pays dans le domaine de l’agriculture.

 

Au ministère des Affaires étrangères, on nous rappelle aussi que l’Agence coréenne pour la coopération internationale (KOICA) soutient de nombreux projets au Mali et est un partenaire stratégique de l’initiative «Villages du millénaire» dans la région de Ségou. Et notre pays se prépare à adhérer à l’initiative de la Coopération alimentaire et agricole entre la Corée et l’Afrique (KAFACI), qui vise à transférer aux pays africains le savoir-faire coréen en matière de technologie et de recherche agricole. Le Mali va ainsi s’ajouter aux 18 premiers adhérents.

 

Avec une économie qui figure parmi les plus stables du monde et un niveau de développement industriel très envié, surtout au niveau des technologies de pointe, la Corée du Sud offre beaucoup d’opportunités à l’économie malienne, aussi bien au niveau du public que du privé.  Malheureusement, les échanges sont encore à la traîne. À l’image de la présence de la marque HYUNDAI qui a installé une usine de montage de véhicules sud-coréens dans notre pays, sous le nom de «Wad-Youngsang industry» (une joint-venture). Un projet qui a toujours du plomb dans l’aile pour combler l’espoir suscité par son annonce. Selon plusieurs observateurs, c’est la stratégie commerciale qui est en cause, car ils ne sont pas nombreux les Maliens qui peuvent se payer une nouvelle voiture, cash. «Il faut un marketing attractif pour les cadres maliens, incluant les banques maliennes pour un payement échelonné», souligne Moriké Moussa, un cadre à la retraite. La société maliano-coréenne avait promis de mettre sur le marché malien et dans la sous-région des véhicules utilitaires : des bus de ville, des camions et tracteurs à «des prix défiant toute concurrence».

 

Tentative d’ouverture à l’Afrique

 

La timidité des relations entre le Mali et la Corée du Sud n’est imputable pas au seul manque de vision des autorités maliennes. Mais, comme nous, les Maliens, les Sud-coréens avaient jusque-là du mal à «vendre» leur pays contrairement aux autres pays émergents, comme la République populaire de Chine, la Malaisie, le Brésil, l’Inde… Mais, ces dernières années, la Corée du Sud est visiblement déterminée à percer davantage le marché africain et y promouvoir ses produits. Et cela, à l’instar des grandes puissances mondiales.

 

Ainsi, en mai 2015, la présidente sud-coréenne avait entrepris une tournée de sept jours en Afrique, accompagnée de 111 chefs d’entreprise. Il s’agissait de «renforcer les liens de partenariat et la coopération économique» avec le continent. Les Sud-coréens semblent avoir afin compris que «l’Afrique est le dernier moteur de croissance à l’échelle mondiale. Au regard de l’amélioration de la stabilité politique, de la forte croissance économique et de l’augmentation attendue des ménages apparentant la classe moyenne, de nombreux pays tentent de tirer profit du potentiel de ce continent».

 

Depuis son élection, la présidente Park Geun-hye a pris l’initiative de créer avec des pays africains, un environnement favorable aux affaires pour les entreprises sud-coréennes et au placement des produits coréens. Pour accompagner son offensive sur le continent, la Corée du Sud entend engager des actions séductrices, comme le Programme d’aide au développement, baptisé «Korea Aid». Lancé l’année dernière, celui-ci touchera divers domaines en faveur des populations locales. Le manque d’agressivité de la Corée du Sud était d’autant incompréhensif qu’elle ne manque pas d’atouts avec des produits de qualité. L’électroménager et toute l’électronique sud-coréenne seraient moins chers, de très bonne qualité, de très bonne réputation. C’est juste une question de promotion. Au Mali, combien de personnes savent que les portables Samsung, très appréciés pour leur solidité, représentent une marque sud-coréenne ? Un véritable symbole de réussite pour largement ouvrir le marché malien, voire africain, aux industries de la République de Corée du Sud.

 

Une opportunité à saisir pour le Mali

 

La Corée du Sud est déjà présente en Afrique à travers ses organismes publics qui s’évertuent à financer des projets dans plusieurs pays. C’est le cas de la Korea International Cooperation Agency qui a déjà investi dans des projets agricoles dans une vingtaine de pays. Quelques groupes privés, comme Samsung et Daewoo, y sont aussi implantés. Le gouvernement malien a tout intérêt à saisir cette volonté d’ouverture de Séoul vers l’Afrique comme une vraie aubaine pour faire face à de nombreux défis. Le développement des énergies n’en est pas un angle moins important.

 

Selon nos investigations, la Corée du Sud a une grande expertise en matière de maîtrise de l’énergie. En avril 2014, elle a par exemple signé avec la Tunisie un accord portant sur la vulgarisation d’une technique lui permettant le stockage du froid, en vue de l’utiliser lors du pic de la consommation d’énergie. C’est une technique qui permet de refroidir l’eau et de la stocker en vue de l’utiliser dans la climatisation. Comme le Mali en période de chaleur, le principal défi de la Tunisie consiste à maîtriser la demande pendant la saison estivale, marquée par une forte utilisation de la climatisation. L’expérience pilote a été lancée depuis 2013 dans le District d’El Mourouj, moyennant un investissement de 2 millions de dollars, dans le cadre d’une coopération entre une société tunisienne (STEG) et l’Agence coréenne de coopération (KOIKA). Et l’entrée en production d’une nouvelle centrale électrique de 250 Mégawatts était prévue pour juin 2016. Une fois réussi, le projet sera généralisé et étendu à toutes les grandes entreprises publiques tunisiennes. Une expérience, entre autres, utile à plus d’un titre à un pays de canicule comme le Mali.

 

Moussa BOLLY

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