Le géant communiste vise une progression du PIB d’environ 6,5% cette année. Elle a atteint 6,7% en 2016, son niveau le plus bas depuis 26 ans.
La Chine veut éviter qu’une surchauffe économique ne fasse éclater une crise financière, à quelques mois d’un remaniement politique majeur prévu à l’automne. Face à quelque 3000 députés et sous le regard imperturbable du président chinois Xi Jinping, le premier ministre Li Keqiang a ouvert dimanche la session parlementaire annuelle en abaissant l’objectif de croissance du PIB du géant communiste. La deuxième économie mondiale vise cette année une progression d’«environ 6,5%, même si nous nous efforcerons de faire mieux», a déclaré le numéro deux du régime, dans le décor imposant du Grand palais du peuple, qui domine la place Tiananmen, à Pékin. L’an dernier, après avoir visé une croissance comprise «entre 6,5% et 7%», la pays avait finalement progressé de 6,7%, son rythme le plus faible depuis 26 ans.
Avec ce chiffre, qui resterait l’un des plus élevés au monde, la Chine ne compromet pas son objectif d’atteindre au moins 6,5% de croissance par an sur la période 2016-2020, et de doubler son PIB par rapport à 2010. Mais en diminuant ses ambitions, le régime prouve qu’il veut donner la priorité à la gestion des risques financiers par rapport à un soutien effréné à l’activité. La Chine s’est tournée vers le «contrôle des risques» et le «dégonflement des bulles», ce qui veut dire que la politique monétaire va graduellement «se resserrer», a ainsi résumé Zhou Hao, économiste à la Commerzbank AG, à Singapour.
Priorité au désendettement des entreprises
Le premier ministre, qui a reconnu que le système financier chinois était menacé par l’envolée de la dette privée et publique, le gonflement des créances douteuses des entreprises, et par l’émergence d’une «finance de l’ombre» échappant à toute régulation, a promis des mesures pour en garantir la sécurité. En facilitant fortement l’accès au crédit depuis 2014, Pékin avait voulu stimuler la croissance, mais l’afflux de liquidités a favorisé la spéculation et l’apparition d’une dangereuse bulle immobilière.
«Les fondamentaux économiques sont robustes. Nous avons la capacité de maîtriser les risques systémiques», a assuré le premier ministre, faisant du désendettement des entreprises, en particulier d’État, une «priorité». Les banques, qui privilégient les groupes publics et la spéculation, doivent se focaliser sur le financement de «l’économie réelle», a-t-il martelé. Les autorités chinoises, qui cherchent à passer d’un modèle dépendant de l’industrie lourde et des exportions, vers un autre, davantage tiré par la consommation et les services, doivent résoudre une équation complexe. Li Kejiang, n’a d’ailleurs pas manqué d’évoquer de «graves difficultés» tout en prônant à nouveau des réformes, qui tardent à se mettre en place depuis leur annonce en 2013. Le régime semble vouloir conserver sa mainmise sur l’économie, en préservant également la stabilité sociale et l’emploi. La Chine a notamment promis de restructurer les entreprises «zombies», ces mastodontes publics qui ne survivent que grâce au soutien de l’Etat, ce qui entraînerait des centaines de milliers de licenciements.
En plaçant la barre de la croissance un peu moins haut – et donc en relâchant un peu la pression sur ces sociétés étatiques qui y contribuent de façon significative – le pays se donne davantage de marges de manœuvre pour pouvoir réduire leurs surcapacités de production. Il compte ainsi réduire de 150 millions de tonnes les capacités annuelles du secteur de charbon en 2017 (et de 800 millions d’ici à 2020). Reste à savoir si ces objectifs seront tenus.
Congrès du parti à l’automne
Un tel effort permettrait parallèlement de s’attaquer plus fermement au problème de la pollution, qui a rendu notamment l’air irrespirable dans le Nord du pays, placé en alerte rouge pendant plusieurs jours autour de la période de Noël. Alors que le charbon, qui génère environ 60% de l’électricité chinoise, pollue lourdement les cieux des métropoles chinoises, Li Keqiang a promis de «mener une guerre sans merci pour préserver le ciel bleu». Cette session parlementaire, qui va durer 10 jours, constitue surtout une caisse d’enregistrement de décisions déjà prises en amont par le régime. Ce rendez-vous revêt toutefois une importance particulièrement cruciale cette année. Il doit en effet permettre à Xi Jinping de préparer le terrain politique et économique, avant le 19ème congrès du Parti communiste chinois, à l’automne prochain, au cours duquel cinq des sept membres du bureau permanant devraient être renouvelés. D’ici là, l’homme fort du régime place ses pions pour arriver en position de force, et veut se prémunir contre d’éventuels remous.
Publié: le 06-03-2017 par mns.com