A la différence d’autres pays voisins comme le Sénégal, les Libanais vivant au Mali atteignent à peine 600 personnes. Installés dans notre pays depuis des dizaines d’années, voire deux à quatre générations, des liens affectifs les lient à leur terre d’origine où ils ont de la famille et où ils se rendent au moins une fois par an pour des vacances. Ils suivent de près la guerre imposée à leur pays par Israël depuis plus de deux semaines.
Samedi 22 juillet 2006. Il est 16 h au restaurant hôtel « Le Campagnard » à Niaréla, tenu par un Libanais. Paul Hage, le promoteur, est retourné à la maison après avoir terminé sa journée de travail. A ce moment de la journée, la clientèle se fait un peu rare. Le bar, géré par un des frères de M. Hage, ne contient plus que quelques habitués et des serveurs. Trois Libanais jouent au billard.
Le poste téléviseur accroché au mur capte a priori l’attention du visiteur. Elle est branchée sur la chaîne libanaise, « LBC » (Liban Broadcasting Corporation). Celle-ci diffuse 24 h sur 24 en directe de Beyrouth des informations en continu sur les scènes horribles de la guerre que vit le pays. Les reportages sont ponctués de témoignages et d’interviews de dirigeants en arabe et en anglais.
Dans cette ambiance guerrière, le promoteur du « Campagnard » Paul Hage que nous avons pu joindre au téléphone accepte de répondre à notre sollicitation. Agé d’une quarantaine d’années, il n’a encore qu’une quinzaine d’années de présence au Mali. Il est avec trois autres frères qui travaillent aussi dans le secteur de la restauration et de l’hôtellerie. Paul Hage est aujourd’hui l’un des plus sollicités de sa communauté par des médias nationaux et étrangers.
Rattachés à leur mère patrie
« C’est une guerre adressée à toute la région de la vallée du Moyen-Orient. C’est une provocation à l’Iran et à la Syrie. Malheureusement, nous sommes les premiers à être touchés. Ça devait arriver tôt ou tard, mais le moment est très mal choisi. Cela nous retourne 30 à 40 ans en arrière. Israël est en train de tout détruire. Sa réaction à l’enlèvement de deux de ses soldats par le Hezbollah est disproportionnée. C’est un coup monté contre le Moyen-Orient et la communauté internationale y est pour quelque chose », laisse-t-il entendre.
Pour l’heure, la petite communauté libanaise, qui a pignon sur rue dans l’agroalimentaire, l’hôtellerie, la pâtisserie, le commerce général, le BTP, etc. n’envisage pas d’actions en faveur de ses compatriotes restés au pays. Les Libanais du Mali n’ont pas à proprement parler d’association, mais ils restent soudés en cas de besoin.
Selon M. Hage, qui a ses père et mère au pays, leurs parents font ceux qu’ils peuvent pour venir en aide à la Croix-Rouge en donnant leur sang. Toujours, selon lui, l’envoi d’aide est très difficile dans ces conditions où le pays est coupé du reste du monde aussi bien sur le plan de la communication téléphonique que sur celui des transports.
Qu’ils soient au Mali ou ailleurs, les Libanais de la diaspora sont rattachés à leur terre. Ils sont plus de 18 millions ceux qui vivent en dehors de leurs frontières contre 3 millions restés sur les 10 800 km2 de leur territoire. Le Brésil seul abrite entre 6 à 7 millions. Environ 3/4 d’entre eux choisissent les vacances d’été et d’hiver pour passer voir les parents. Au Mali, ils sont environ 2/3 qui se rendent au Liban au moins une fois par an. Tous ceux-ci ont annulé leur déplacement cette année.
Selon M. Hage, tous ces gens sont privés de vacances. Ceux qui étaient partis sont bloqués sur place à cause de la difficulté de transport. Lui-même s’était préparé à prendre son vol le 27 juillet prochain. Il en appelle aux autorités françaises qui sont en train de rapatrier leurs ressortissants d’aider ses frères à regagner le Mali.
Abdrahamane Dicko
Le consul bloqué au pays
Anne-Marie Saouma, la fille aînée du consul honoraire du Liban au Mali, Camille Saouma, rencontrée par nos soins, a voulu s’exprimer à titre personnel et privé. « Un grand sentiment d’incompréhension et d’injustice. C’est triste, il y a une crise humanitaire très grave au Liban où il manque de denrées alimentaires, de médicaments avec un exode massif de citoyens. Le seul pays à avoir réagi à l’heure actuelle est la France », déplore notre interlocutrice. Elle plaint surtout l’attitude de la communauté internationale qui a brillé par son silence et son absence coupables. Feu son grand-père Joseph Saouma, Malien bon teint et Libanais d’origine s’était établi au Mali en 1907. Son père Camille Saouma est né à Diré (Nord), il y a 75 ans. Il est présentement bloqué au Liban où il est parti le 11 juillet, la veille de l’éclatement de la guerre faite par Israël au Hezbollah. Selon sa fille, d’autres Libanais partis en vacances avec leurs enfants et épouses vivent le même calvaire. Bon nombre de Libanais du Mali sont ressortissants de la région de Saïda et de Tyr, les plus touchées par les frappes israéliennes. A l’en croire, ils investissent très peu dans le pays. Le seul investissement consiste, pour ceux qui ont de la famille, à acheter un lopin de terre pour loger les siens. Mais « Beyrouth est mille fois morte, mille fois ressuscitée. Beyrouth renaîtra de ses cendres », dit-elle. A. D. |
“