Emmanuel Macron s’est donné lundi “cent jours” pour lancer un plan d’”apaisement” et “d’action” d’ici le 14 juillet, après la “colère” suscitée par la réforme des retraites, chargeant sa Première ministre de présenter “dès la semaine prochaine” une feuille de route.
“Nous avons devant nous cent jours d’apaisement, d’unité, d’ambition et d’action au service de la France, c’est notre devoir et je nous fais confiance, je vous fais confiance pour y arriver”, a-t-il affirmé lors d’une allocution télévisée.
“Le 14 juillet doit nous permettre de faire un premier bilan”, a-t-il ajouté, assurant qu’Elisabeth Borne détaillerait la feuille de route “dès la semaine prochaine”.
Parmi les grands chantiers qu’il compte lancer, le président a promis “des annonces fortes dès le mois de mai” contre la délinquance “et toutes les fraudes sociales ou fiscales”, tout en promettant de “renforcer le contrôle de l’immigration illégale”.
“L’État de droit est notre socle et il n’y a pas de liberté sans droit ni sans sanction envers ceux qui transgressent le droit des autres”, a affirmé le chef de l’État.
Il a aussi dit sa volonté de bâtir un “nouveau pacte de la vie au travail” dans les prochaines semaines.
“Ce nouveau pacte” sera “construit dans les semaines et les mois qui viennent par le dialogue social” entre organisations syndicales et patronales, a déclaré le chef de l’État.
Les négociations porteront sur la nécessité “d’améliorer les revenus” salariés, “faire progresser les carrières”, “mieux partager les richesses”, “améliorer les conditions de travail”, “trouver des solutions à l’usure professionnelle” ou encore “aider à la reconversion”, a-t-il ajouté.
“La porte toujours ouverte aux syndicats”
Emmanuel Macron a ajouté que “la porte serait toujours ouverte aux syndicats” pour négocier. Ceux-ci ont cependant refusé de se rendre à une invitation fixée dès mardi par l’Élysée.
Emmanuel Macron a par ailleurs promis de “désengorger” tous les services d’urgence d’ici fin 2024.
Revenant sur la réforme des retraites, il a estimé que celle-ci était “nécessaire”. Mais “cette réforme est-elle acceptée? À l’évidence non, et malgré les mois de concertation un consensus n’a pas pu être trouvé. Et je le regrette”, a-t-il ajouté.
Le chef de l’État a assuré qu’il entendait la “colère” des Français, estimant que “personne ne peut rester sourd à cette revendication de justice sociale et de rénovation de notre vie démocratique”.
Mais “la réponse ne peut être ni dans l’immobilisme, ni dans l’extrémisme”, a-t-il prévenu.
Mélenchon: “Complètement hors de la réalité”
Jean-Luc Mélenchon a dénoncé lundi une allocution d’Emmanuel Macron “complètement hors de la réalité”, tandis que la cheffe des Verts Marine Tondelier n’a relevé “aucune remise en question” et que le PS a donné rendez-vous dans la rue le 1er-Mai.
“Irréel Macron. Complètement hors de la réalité, assume le vol de deux ans de liberté. Les casseroles sonnent plus juste”, a estimé Jean-Luc Mélenchon alors que des concerts de casseroles étaient organisés devant de nombreuses mairies de France. “Ceux qui n’ont pas écouté n’ont rien perdu”, a souligné Fabien Roussel, secrétaire national du PCF. Le porte-parole du PS Pierre Jouvet a cinglé: “Macron 20h. Rien. Rendez-vous le 1er mai!”
Une “pratique déconnectée, solitaire et obtuse du pouvoir”
Marine Le Pen a dénoncé une “pratique déconnectée, solitaire et obtuse du pouvoir” qui annonce selon elle “la poursuite d’un quinquennat de mépris, d’indifférence et de brutalité”.
“Par l’annonce du retrait de la réforme des retraites ou du référendum, Emmanuel Macron aurait pu ce soir retisser le lien avec les Français. Il a choisi de nouveau de leur tourner le dos et d’ignorer leurs souffrances”, a poursuivi la triple candidate malheureuse à l’élection présidentielle.
“Rien de concret”, juge Berger
Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a estimé qu’il n’y avait “rien de concret” dans les perspectives ouvertes lundi par le président de la République, qui a notamment proposé un “nouveau pacte de la vie au travail”.
S’agissant des perspectives “qui sont données, c’est un peu un discours de la méthode pour une dixième fois mais rien de concret”, a critiqué M. Berger. “L’apaisement, il fallait le faire sur le sujet qui a créé l’embrasement social, la réforme des retraites, il n’en a pas dit un mot”, a-t-il ajouté sur BFMTV.
Le président des Républicains Eric Ciotti a lui déploré que l’allocution d’Emmanuel Macron prenne la forme d’“un catalogue de voeux pieux”.
“La méthode manifestement ne change pas avec des objectifs louables mais sans la moindre remise en cause”, a encore critiqué sur Twitter le responsable LR. “L’immobilisme affirmé par le président de la République contraste hélas avec la colère des Français”, a encore déploré Eric Ciotti dans un communiqué.
L’allocution télévisée d’Emmanuel Macron lundi soir a été accueillie par des concerts de casseroles de manifestants déterminés à montrer qu’ils ne souhaitaient pas l’écouter, estimant ne pas avoir été entendus sur la réforme des retraites, ont constaté des journalistes de l’AFP.
A Paris, plusieurs rassemblements étaient programmés et les manifestants ont commencé peu avant 20H00 à faire du bruit en tapant sur des casseroles ou des poêles à l’aide de cuillers ou d’autres ustensiles.
Plusieurs centaines de personnes se sont notamment réunies devant la mairie du 10e arrondissement, a constaté un journaliste de l’AFP. “En réponse au fait qu’il ne nous écoute pas, on fait du bruit”, a simplement résumé Adrien Bodin, 26 ans, autoentrepreneur dans le secteur culturel.
“A 20H00 Macron va oser nous parler alors qu’il ne nous écoute pas depuis trois mois, c’est pour montrer que ça ne sert à rien de l’écouter”, a expliqué de son côté, peu avant l’allocution, Bénédicte Gelgehier, 57 ans, projectionniste aux Lilas qui a participé à 11 journées de mobilisation sur 12 contre la réforme des retraites. “On est très décidés à ne pas s’arrêter là”.
Les manifestants arboraient de nombreux drapeaux des partis LFI, NPA, PCF, EELV ou encore de l’organisation Attac ou de la CGT, et scandaient “Macron démission”, ou “Paris soulève-toi”.
Ce rassemblement a ensuite laissé place à trois manifestations sauvages dans Paris, comptant au total quelque 2.000 manifestants, a indiqué la préfecture. Des feux de poubelles ont émaillé leur parcours, a constaté l’AFP.
“Manif avec une gourde”
Plusieurs autres “casserolades” ont eu lieu dans Paris, où des concerts de ces ustensiles ont également eu lieu aux fenêtres, notamment dans le 19e arrondissement, et partout en France.
A Rennes, environ un millier de personnes étaient rassemblées devant l’Hôtel de Ville, où un important dispositif policier était en place, pour donner un concert assourdissant de casseroles et de bruits métalliques en tous genres, a constaté un journaliste de l’AFP. Et la fin de l’allocution présidentielle n’a pas mis fin au vacarme.
“C’est sympa comme rassemblement, on exprime notre mécontentement contre ce gouvernement. Tout ça dénote d’un ras le bol général”, a déclaré à l’AFP Gérald, enseignant de 57 ans qui a refusé de divulguer son nom, en agitant son tambourin.
“C’est plutôt convivial”, a commenté Jeanne 28 ans, agricultrice, en tapant sur sa gourde avec sa clé. “J’ai fait des manifs mais c’est ma première avec une gourde! Je n’ai pas du tout eu envie de l’écouter, je le trouve condescendant”, a-t-elle poursuivi à propos du président de la République. “J’écouterai demain ce qu’il a dit, sur France Inter. C’est bien la première fois que je fais une pareille manif, c’est assez parlant je trouve”.
A Lyon, entre 400 et 600 personnes se sont rassemblées devant l’hôtel de ville, et plusieurs centaines en ont fait autant à Marseille sur le Vieux-Port avant de se diriger vers l’hôtel de ville, certains scandant “Macron démission”. Des habitants ont soutenu les manifestants en tapant sur des casseroles sur leur balcon.
L’ONG altermondialiste Attac, qui avait lancé un appel à de telles “casserolades” devant les mairies, avait recensé “plus de 300 rassemblements” en France.