Le départ brutal de l’ex-président de la République ivoirien, Laurent Gbagbo, n’est pas sans conséquence pour ses “`parents“ dans le département de Gagnoa. Partagés entre crainte et optimisme, certains qui ne se sont pas encore remis du revirement de situation essaient tant bien que mal de s’adapter aux réalités du moment.
Difficile de contenir ce qu’ils considèrent encore comme un cauchemar. « Nous avons peur parce que lorsque tu es de l’ethnie Bété, on dit que tu es militant du FPI. Même si tel est le cas, il faut respecter le choix politique des uns et des autres. C’est cela le jeu démocratique. Nous restons prudents et surtout fair-play. Je ne me souviens pas qu’à l’avènement du président Gbagbo, des militants du RDR à Gagnoa aient été traumatisés comme c’est le cas actuellement pour ceux du FPI». Ce témoignage d`un habitant, revenu d`une fugue infructueuse dans son village maternel, est le lot quotidien de tous les partisans de l`ex-chef de l`Etat qui dénoncent des menaces contre leur personne et leur famille par les hommes des nouvelles autorités au pouvoir.
En effet, depuis le mercredi 23 mars, date de la prise de la ville natale de l`ex-tenant du pouvoir par les Frci, les forces de défense et de sécurité (FDS), qui lui sont restées fidèles, avaient capitulé sans résistance pour éviter un bain de sang. Ils ont mis le cap en trombe sur Abidjan et laissé libre cours à des pillages et incendies de domiciles, magasins, commerces, bâtiments administratifs et financiers, dans la capitale de la Région du Fromager. Des rumeurs les plus folles, faisant état d’exécutions de personnes listées, avaient circulé et causé des fuites massives de populations vers des zones rurales des plus reculées.
Tout comme leurs administrés, les autorités préfectorales, politiques, élus et cadres de la ville de Gagnoa, ainsi que les localités voisines telles Ouragahio ou l’ex-président fut député, Bayota, Guibéroua (ville natale du leader des jeunes patriotes, Charles Blé Goudé), Oumé, Diégonefla et Issia ont tous pris la poudre d`escampette. Les moins chanceux comme le maire de Ouragahio, Roger Oula, restés sur place, en ont pris à leurs dépends. Accusé d’avoir entretenu des milices, il est assigné à résidence surveillée à son domicile dans sa commune.
Pendant que la mairie sert de lieu de cantonnement à un détachement d’éléments des Frci. A Mama, village natal de Laurent Gbagbo et de son conseiller militaire Bertin Kadet, lui-même ancien ministre de la Défense, la désolation se lit sur les visages. Les jeunes ont fui pour abandonner le village aux plus âgés. C`est quasiment une ambiance de cimetière qui règne dans cette contrée autrefois animée, notamment par les ballets incessants de visites au chef de l`Etat et/ou à sa famille. Malgré tout, la vie a repris dans la capitale du Fromager.
Petit à petit, tout semble rentrer dans l’ordre. Le commerce à rouvert, emboîtant le pas au trafic routier et à la reprise des activités des maquis, restaurants et boîtes de nuit. Le paiement des fonctionnaires et agents de l’Etat contribue à ce retour à la vie. Il ne reste plus que la levée de la suspension des veillées funéraires pour que Gagnoa renoue avec son ambiance d’antan. Pour d’autres, beaucoup plus optimistes, une page est tournée, une nouvelle s’annonce. «Les Bété ne sont pas tous FPI », confie un fils de la région. Et d’ajouter que l’objectif est de rassurer les populations que le président Ouattara est venu pour tout le monde. «Au jour le jour, la sérénité est revenue à Gagnoa.
Grâce à nos efforts en parcourant le département, les choses sont rentrées dans l’ordre. La page de Gbagbo n’est qu’une honteuse parenthèse fermée à jamais. Depuis les villages reculés, les populations réalisent que leur malheur vient de Gbagbo car depuis ses 10 années au pouvoir, ils n’ont rien bénéficié de sa politique», soutien Abel Djohoré Gbakayoro, un cadre de la région.
D`une personne à l’autre, la fin du régime de Laurent Gbagbo est diversement vécue à Gagnoa. Toutefois, une chose reste évidente pour tous, c`est qu`il reste beaucoup à faire. Car, les administrations publiques (préfecture, sous-préfecture, mairie, tribunal de première instance, préfecture de police, commissariat…) sont toutes hors d’usage.
Venance Kokora Correspondant régional (4 mai 2011 – abidjan.net)