Avant cette expérience, j’en avais après un frère, un pote et une belle-sœur qui vivent respectivement dans l’Oregon, le Maryland et à Paris qui me « cassaient » les oreilles au sujet de telle commande faite via telle plateforme de vente en ligne ou de tel achat de titre de voyage via internet. Vous l’aurez compris, ce que je décris là s’appelle prosaïquement de nos jours « commerce électronique » ou « e-Commerce ». C’est de cela que je voudrais vous entretenir dans la présente chronique, en espérant que vous comprendrez que, au jour d’aujourd’hui, il n’est point besoin de faire comme nos cousins marka ou diawando qui, pour acheter un bonbon, vous en mettaient plein la vue en vous exhibant un porte-monnaie aussi épais qu’une brique pleine.
Pour les Africains, le e-Commerce n’est plus de la virtualité. Mieux, nous sommes devenus des acteurs courtisés par les majors du secteur. Pour corroborer mon analyse, je voudrais partager avec vous le constat de notre confrère de RDC, Patrick Ndungidi, dans un article daté du 25 juin dernier : « Le secteur du e-commerce est en plein développement en Afrique. La croissance exponentielle de l’internet sur le continent favorise l’émergence de ce nouveau marché. Une économie numérique voit le jour sur le continent ». En RDC, le premier site de e-Commerce s’appelle Lezando.com. William Ngandu, son directeur général pense que l’essor du e-Commerce en Afrique s’explique par l’insuffisance d’infrastructures commerciales de qualité, l’augmentation croissante des personnes connectées à Internet, la création d’une nouvelle classe moyenne jeune et avide de consommation, la capacité de la population à rapidement adopter les innovations technologiques.
Dans le même temps, une étude réalisée par DHL en 2014, révèle que les marchés émergents présentent le plus fort potentiel de croissance pour le commerce électronique. L’Afrique, souligne l’étude, offre un énorme potentiel de croissance étant donné que les achats en ligne en sont encore à leurs balbutiements dans la région. En outre, une autre étude réalisée par McKinsey & Company souligne que d’ici 2025 le commerce électronique pourrait représenter 10% des ventes au détail des plus grandes économies africaines et ce marché pèsera 75 milliards de dollars américains pour 600 millions de consommateurs actifs. Au constat des spécialistes, les premiers sites de vente en ligne créés sur le continent affichent une excellence santé. Jumia, par exemple, créé au Nigéria depuis 2012, conquiert progressivement le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Cameroun, le Kenya, le Maroc, l’Egypte, le Nigeria, l’Ouganda et la Tanzanie. Pour sa part, Konga, co-leader du commerce en ligne au Nigeria, compte se déployer dans l’ensemble de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest d’ici à la mi-2015.
Le chiffre d’affaires de cette plateforme de e-commerce est rapidement passé de 700 000 dollars en 2012 à plus de 50 millions en 2014. Quant au site de e-Commerce Kaymu lancé en janvier 2013 par Africa Internet Group (AIG) et soutenu par Millicom, MTN et Rocket Internet, il affiche son ambition d’être le pionnier de l’e-Commerce en Afrique. Il est présent dans 34 pays en Asie, en Afrique et en Europe et connaît une croissance rapide. Par ailleurs, sous la marque CDiscount, les groupes Casino, leader du e-Commerce en France et Bolloré, leader de la logistique en Afrique, ont décidé de lancer un site de e-Commerce afin de conquérir le marché africain. Au Maghreb, “Made in Morocco”, présentée comme “la plus grande plateforme de e-Commerce jamais lancée en Afrique”, offre un éventail riche et varié de produits 100% marocains. Il existe même dans ce pays une Fédération Nationale du E-Commerce (FNEM). Un autre géant du secteur affute ses armes. Il s’agit de la plateforme dont le nom de baptême sera Mara Sokoni. Selon ses promoteurs, il devrait débuter en 2016, avec une présence effective dans 10 pays de la région, dont le Nigéria et le Kenya. Les ambitions du Groupe Mara sont sans ambiguïtés : être présent sur l’ensemble des pays africain dans un horizon de trois ans et demi. Toute cette effervescence augure de belles empoignades en perspective. Toutefois, il faudra s’attaquer résolument aux défis spécifiques au e-Commerce en Afrique, à savoir la cybercriminalité, le faible taux de bancarisation, les problèmes de logistique, etc. Si ces goulots d’étranglement et autres boulets sont correctement traités, les tenants du e-Commerce ne désespèrent pas, dans un horizon très rapproché, de porter l’estocade finale au commerce traditionnel. Serait-ce déjà le chant du Cygne pour nos braves « Import-Export » qui connaissent sur le bout de leurs doigts les coins et recoins de Dubaï, Hong-Kong, Bangkok et Guangzhou !
Serge de MERIDIO