Xi Jinping, le Président Chinois, a douché les derniers espoirs des dirigeants africains qui comptaient sur lui pour une annulation de leur dette publique.
Comme je l’avais dit sur Rfi, voici deux mois quand j’étais son invité Afrique, dans la très suivie émission de Christophe Boisbouvier, la Chine n’a donc pas joué aux grands seigneurs en organisant, avant-hier (Ndlr, mercredi 17 juin), un sommet avec les pays africains mettant en vidéoconférence son chef d’état, XI Jinping, avec ceux du continent.
Non-événement
La moisson fut modeste, voire décevante, pour les dirigeants africains qui rêvaient d’une générosité du dirigeant chinois face aux effets dévastateurs de la pandémie de la Covid19 sur leurs économies et sociétés. “Rien à signaler”, disent les experts. “Ce fut un non-évènement”.
Ce qui le prouve, c’est que les initiatives qui y furent annoncées par XI étaient principalement des projets déjà connus comme la construction d’un CDC ou les vieilles méthodes d’annulation des prêts à taux zéro arrivant à maturation en 2020. Ce qui est courant mais ne représente qu’une fraction banale des crédits totaux octroyés par la Chine à l’Afrique.
On notera que Pékin maintient ses exigences de garanties souveraines en échange de ses prêts. Cela veut dire qu’elle se donne le droit en cas de défaut de paiement, comme elle l’a fait dans certains pays asiatiques, de se repayer en prenant des actifs souverains de ses débiteurs africains, notamment leurs ports, aéroports ou réseaux de chemin de fer.
En clair, derrière son discours doux, la Chine reste un dur à cuir, cynique et sans états d’âme quand il s’agit de protéger ses intérêts sur le continent. À la différence de ses interlocuteurs sur place, de vrais enfants de chœur, toujours enivrés par la rhétorique grand-freriste qu’il leur tient pour mieux les endormir.
Le sommet virtuel qu’elle a organisé en fut un prototype
Déçu de ses résultats, un sinologue estime qu’il ne fut notable, à maints égards, que pour ce qui n’y a pas été dit. C’est ainsi qu’il n’a pas acté de gel à blanc du repayment de la dette au-delà de ce qui a déjà été proposé par le G20 (gel temporaire du service de la dette jusqu’à la fin de l’année, sans annulation du stock -le principal- de la dette publique revendiquée par des acteurs comme Macky SALL).
Bien que Xi soit favorable à un prolongement du gel, ce qui n’est rien par rapport aux attentes clamées urbi et orbi par les dirigeants africains, l’autre grand revers qu’ils ont subi c’est que Pekin n’a pas cédé à leur rêve d’obtenir de sa part un soutien financier de stimulation pour affronter la crise.
Le plongeon des investissements directs étrangers n’était pas non plus sur la table. Selon la conférence des nations unies pour le commerce et les investissements (Cnuced), ces flux d’investissements vont se rétrécir de 40 pour cent dans certains pays du continent, soulignant la gravité des menaces d’étranglement des économies africaines qui se profilent.
Cobus Van Staden, expert dans les relations sino-africaines, va donc plus loin pour conforter ce que j’expliquais sur Rfi. Il note que la modeste réaction de la Chine, par comparaison à ses annonces de financements lors de précédents sommets du forum de coopération Chine-Afrique (Focac), est la nouvelle normalité dans leurs rapports.
Marge
Tous les China-watchers, qui auscultent de près son état savent que Pékin n’a plus de grande marge de manœuvre pour être généreuse envers le continent africain. Ils savent que la Chine est frappée d’une anémie économique intérieure, avec le tassement de ses réserves en devises, la baisse drastique de son taux de croissance économique tandis que la demande mondiale dont elle dépend pour ses exportations est en berne.
Il lui faut aussi faire face à ses tourments dans certaines de ses régions, notamment celles rebelles du Xinjiang et du Tibet, où des minorités locales sont persécutées, en plus de gérer ses tensions dans la mer méridionale, et ses rivalités avec l’alter ego asiatique, l’Inde, et l’ennemie planétaire qu’est l’Amérique.
Conclusion : malgré le triomphalisme rhétorique de Macky SALL, cet échec du sommet virtuel Chine-Afrique est un autre coup dur, fatal, à son rêve éveillé d’une annulation de la dette publique africaine.
Prétexter de la pandémie de la Covid19 pour mendier une telle mesure n’a donc pas été assez pour délier les bourses étrangères. Dommage pour l’Afrique qui est dirigée par des amateurs. Sans compter les petitesses qui alimentent les combats égocentriques entre ceux qu’elle a commis l’erreur de désigner comme négociateurs pour l’annulation de sa dette publique.
La bande à Tidiane Thiam, constituée de 5 membres, chargée de cette mission, fait face à l’activisme débordant d’une Vera Songwe, la camerounaise, amie des dictateurs comme Aziz ou Macky, qui se bouscule pour parler à leur place en tant que responsable économie de l’ONU pour le continent.
De vrais chiffonniers et affairistes jouant à la défense des intérêts financiers du continent quand il ne s’agit que de promouvoir leurs carrières et deals avec les banques d’affaires auxquelles ils sont liés…Au milieu de la crise, ces farceurs se battent.
Tant pis pour le continent. Les chinois eux ont donné une gifle magistrale, en disant aux dirigeants africains : “ne comptez pas sur nous !”. Ces derniers ont préféré mentir en faisant croire que tout s’est bien passé. C’est oublier que la tectonique remet les pendules à l’heure en temps réel.
Hun hao, tres bien, dit-on en mandarin.
Adama Gaye, Le Caire 19 juin 2020