– “On ne mange plus convenablement. Le manioc est devenu cher, tout est devenu plus cher”, se plaint Angèle Bodero, une commerçante du marché Sambo, le plus grand de Bangui où la menace rebelle a fait flamber les prix des denrées alimentaires.
L’alliance rebelle Séléka, qui menace de renverser le régime du président François Bozizé, a lancé une offensive le 10 décembre au nord du pays. Depuis elle a pris plusieurs villes stratégiques se rapprochant chaque plus de Bangui. Cette crise pèse sur la vie des Centrafricains qui figuraient déjà parmi les plus pauvres de la planète.
Pagne délavée et usée pour couvrant ses jambes, gouttelettes de sueur à son front, Angèle, assise sur un tabouret de quelques centimètre à peine, vend des condiments. Ses trois bassines -noire, rouge, vert- sont posées à même le sol.
Elle vit avec entre 1500 f CFA et 2000 F CFA par jour (2,2 à 3 euros). “Avec le même argent, on achète moins”, souligne-t-elle, expliquant que la vie n’était déjà pas facile avant…
Avec la rébellion, “les déplacements (hors de Bangui) sont difficiles. Donc, L’approvisonnement est plus difficile. Certains font de la surenchère”, explique-t-elle.
A la faim s’ajoute désormais la peur: “J’ai peur comme tout le monde. Si les rebelles arrivent où est-ce que je peux aller?”, s’interroge-t-elle.
Des milliers de personnes se faufilent dans tous les sens entre échoppes, vendeurs à la sauvette, tables ou bidons sur lesquels sont posées des marchandises allant des gousses d’ail aux claquettes, du manioc aux pyramides d’oeufs frais, du savon sous toutes ses formes aux bidons d’huile… Les voitures, dont des centaines de taxis jaunes qui chargent clients et grossistes et détaillants, se fraient difficilement un passage dans ce marche de plusieurs kilomètres carré.
Le manioc, l’aliment de base des Centrafricains, a augmenté de près de 50% le sachet calibré passant de 13.000 F CFA à 18.000 FCFA (19,80 euros à 27,40 euros). Ce sachet nourrit une famille entre 15 jours et un mois. L’huile de palme, autre aliment de base, est passée de 15.000 à 17.000 (22,8 euros à 25,9). Le célèbre gombo, un des condiments vendus par Angèle de 500 FCFA (76 centimes euros) à 750 (1,15 euros)…
“Il y a un impact réel du mouvement rebelle sur nos vies. Tu as une somme pour la nourriture mais la réalité est là, tu achète moins et tu mange moins”, explique une cultivatrice, femme d’un militaire retraitée qui n’a pas touché sa solde depuis six mois. “On tient par la grâce de Dieu”, admet-elle.
Le mari de Clarice Nafé est malade et ne travaille plus. Privée de moyens, elle vit grâce à “la solidarité de la famille et de membres de son église”, admet-elle. “Les prix montent. C’est un combat quotidien. C’est de la souffrance. Mes trois enfants ne mangent plus normalement. Il ne faut pas que le pays s’enlise dans le conflit sinon ce sera encore plus dur”, raconte-t-elle, estimant: “Bozizé a été élu (lors d’un scrutin contesté en 2011) que peuvent faire les rebelles de plus que lui?”
Un peu plus loin, Jean Gueré, visage creusé par les rides, tente de vendre des tamis à farine qu’il fabrique lui-même au prix de 250 l’unité. Il affirme vivre avec environ 50.000 f cfa par mois environ (75 euros) mais craint des jours encore plus difficiles. “Quand les gens ont moins d’argent, ils n’achètent que la nourriture. C’est la priorité. Pas mes tamis. Aujourd’hui c’est la crise. C’est dur”.
“Il faut la paix pour qu’on puisse travailler et s’en sortir”, affirme-t-il.
Euphrasie Ngotanga vend des produits maraîchers. “Le concombre a augmenté. La tomate surtout… Les gens l’achètent moins. Ils ne viennent plus. C’est la galère pour tout le monde”, affirme-t-elle. “Si je parviens à tout écouler, je peux m’occuper de ma famille mais si je n’écoule pas tout, ce sera difficile”.
“J’ai peur que les rebelles arrivent. On ne va pas vendre des produits s’il n’y pas pas la paix, lance-t-elle “Et alors comment donnera-t-on à manger à nos enfants?”.