CENTRAFRIQUE. Comment en est-on arrivé là ?

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Le pays se déchire sous l’oeil de la communauté internationale depuis plus d’un an. Certains évoquent aujourd’hui la partition du pays entre un nord plutôt musulman et le reste du pays.

Un chrétien poursuit un homme suspecté d'appartenir au Séléka près de l'aéroport de Bangui, en Centrafrique, le 9 décembre 2013. AP Photo/Jerome Delay
Un chrétien poursuit un homme suspecté d’appartenir au Séléka près de l’aéroport de Bangui, en Centrafrique, le 9 décembre 2013. AP Photo/Jerome Delay

 

C’est en témoins impuissants que la France, la communauté internationale dans son ensemble, les ONG et les Centrafricains ont regardé la République centrafricaine s’effondrer depuis plus d’un an. Le pays, marqué par un immobilisme politique endémique et qui a toujours connu depuis son indépendance en 1960 de nombreuses rébellions et coups d’Etat, n’avait jamais atteint un tel niveau de violences entre les populations, et surtout pas sur une base confessionnelle. Dans tout le pays, on rapporte que la rupture est consommée, que le sentiment de haine prédomine et que désormais l’incapacité à cohabiter, à vivre ensemble s’est propagée sur tout le territoire. Certains évoquent la partition du pays entre un nord plutôt musulman et le reste du pays. Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, est en Centrafrique pour la troisième fois en moins de deux mois, preuve que la mission militaire française n’est pas simple. Comment en est-on arrivé là ?

Djotodia fait basculer le pays dans le chaos

 

En décembre 2012, les rebelles de la Séléka s’étaient arrêtés aux portes de la capitale, Bangui. Comme une répétition générale du vrai coup d’Etat du 24 mars 2013 sous les yeux des Français, principales forces étrangères présentes dans le pays, et des pays voisins, le Tchad en tête. Ce jour-là, en moins de deux jours, François Bozizé est renversé, 10 ans jour pour jour après sa propre prise de pouvoir dans des circonstances comparables, et Michel Djotodia est proclamé président de transition. La Séléka devient alors la colonne vertébrale temporaire du pouvoir.

 

La rébellion est alors composée principalement de combattants musulmans de l’UFDR (Union des forces démocratiques pour le rassemblement) fondée par Michel Djotodia, de la CPJP (Convention des patriotes pour la justice et la paix) et la CPSK (Convention démocratique du salut du Kodro). Ces trois groupes armés opéraient dans le nord-est du pays, leur fief où le pouvoir n’avait plus prise, un territoire toujours déconsidéré par les régimes successifs. Ils se sont alliés pour revendiquer notamment le respect des accords de paix de Libreville signés en 2008 qui devaient permettre l’intégration des leurs dans l’armée centrafricaine, les Faca (Forces armées centrafricaines) et la libération de prisonniers politiques. Très vite, attirés par leurs victoires militaires sur le terrain, des hommes politiques dissidents, des chefs liés au banditisme social, des mécontents de tous bords, se sont joints à eux, malgré quelques concessions réalisées par François Bozizé. De fait la Séléka est devenu une grande alliance anti-Bozizé, une hétérogénéité qui va rendre compliqué son contrôle.

Des affrontements politiques au conflit confessionnel

 

Avec des intérêts pas toujours convergents, les rebelles se dispatchent en plusieurs groupes armés, des seigneurs de guerre font régner la terreur sur des territoires définis. Ceux qui sont issus du banditisme local, continuent de piller dans le but de s’enrichir. Beaucoup commettent de nombreuses exactions (arrestations, exécutions, tortures, viols, pillages…) contre ceux qu’ils considèrent comme encore liés au pouvoir de François Bozizé de confession chrétienne comme la majorité des habitants du pays. Ces violences provoquent la création en face de milices d’auto-défense, les anti-balaka (anti-machette en langue sango), majoritairement chrétiens et qui prennent pour cible les familles musulmanes.

 

La spirale de la violence est enclenchée, l’instabilité gagne du terrain, la sécurité n’est plus du tout assurée, ce qui restait de l’Etat s’effondre, des milliers de personnes fuient leurs maisons, leurs villages, leur pays, la moitié de la population a besoin d’assistance humanitaire et le ressentiment religieux fait son entrée. La Misca (force de maintien de la paix chapeautée par l’Union africaine présente depuis 2008) est impuissante, comme souvent pour enrayer les violences, les ONG alertent et en France on commence sérieusement (enfin?) à s’inquiéter de la situation dans l’ancienne colonie. Après, le “cri d’alarme”, de François Hollande à l’Assemblée générale des Nations unies, la France, qui évoque une situation “pré-génocidaire” décide d’intervenir le 5 novembre en “soutien” aux forces africaines dépassées.

Renversement du rapport de force entre anti-balaka et ex-Seleka

 

Sur le terrain, les Français trouvent une situation beaucoup plus préoccupante que prévue. La veille de leur intervention, des massacres d’ampleur ont lieu à Bangui par les anti-balaka contre les populations musulmanes. Les missions que s’est donné Paris, surtout à Bangui, ne résolvent pas la situation, et d’une certaine manière la déstabilise encore plus. Dans un premier temps, il est question de désarmer les membres de l’ancienne rébellion Séléka et de la cantonner. Ce faisant, les populations musulmanes se retrouvent sans autorité pouvant les défendre des actions des anti-balaka qui poursuivent les représailles.

 

La violence est sans limite dans les deux camps. C’est l’exode massif pour des milliers de civils musulmans, minoritaires dans le pays. Depuis quelques jours, l’attention des acteurs politiques est focalisée sur les anti-balaka. Ainsi mercredi, la présidente centrafricaine, Catherine Samba Panza fraîchement élue après la démission de Michel Djotodia, a promis “la guerre” à ces miliciens. “(Ils) pensent que parce que je suis une femme, je suis faible. Mais maintenant les anti-balaka qui voudront tuer seront traqués”, a-t-elle dit en sango, la langue nationale.

 

“Les anti-balaka ont perdu le sens de leur mission. Ce sont eux qui tuent, qui pillent, qui volent. Est-ce que c’est normal?”, a martelé la présidente, tout en récusant le terme de “nettoyage ethnique” utilisé par Amnesty International. “Je ne pense pas qu’il y ait d’épuration confessionnelle ou ethnique. Il s’agit d’un problème d’insécurité.” Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian a lui aussi durci le ton contre les anti-balaka et souligné qu’en vertu du mandat des Nations unis, les forces militaires pouvaient utiliser la force. Lundi, le commandant de l’opération Sangaris, le général Fransisco Soriano a qualifié les “anti-balaka” de “principaux ennemis de la paix” qui seront traités comme des “bandits”.

 

Certaines forces de la Séléka ont pu quitter des bases dans lesquelles elles avaient été confinées par la force de maintien de la paix de l’Union africaine, empruntant des pistes de brousse, parfois aider par des soldats tchadiens. Plusieurs ONG ont dénoncé des exactions perpétrées sur le chemin…

Solution limitée

 

Le réveil tardif de la France et de la communauté internationale n’a pas permis de juguler l’hémorragie. Deux mois que les troupes françaises sont en Centrafrique et l’heure n’est pas encore au bilan. Pour la plupart des observateurs militaires, il ne faut pas s’imaginer que la France va stabiliser l’ensemble de la Centrafrique, c’est tout simplement impossible selon eux. En cause, le nombre des effectifs : 1.600 hommes pour un pays plus grand que la France, avec une géographie compliquée (végétation dense, quelques pistes, une capitale difficile à quadriller et à surveiller, peu de routes). Pire elle ne peut pas compter sur les forces africaines, peu organisées, ni même sur l’armée centrafricaine qui s’est illustrée dans le lynchage d’un musulman en pleine cérémonie officielle devant la présidente.

 

Difficile d’envoyer plus de soldats français en Centrafrique, dans un contexte budgétaire restreint, et parce que la France est déjà déployée sur d’autres fronts et doit garder des réserves pour pouvoir aller ailleurs. La Misca compte actuellement 5.400 hommes sur les 6.000 prévus, l’Union européenne a promis de déployer quelque 500 soldats à Bangui au mois de mars.

 

Sarah Diffalah – Le Nouvel Observateur
Publié le 12-02-2014 à 20h47

 

Commentaire MW: Comment Djotodia a-t-il pu renverser François Bozizé (qui n’a pas pu avoir de soutien contre les rebelles)  ?

 

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4 COMMENTAIRES

  1. Ce drame peut avoir lieu dans pas mal de pays d’Afrique, il y a tellement d’ethnies…Tous nos dirigeants doivent passer leur temps a fondre toutes ces ethnies.

    Rappelons qu’au Mali en ce moment un il y a un fossé important avec
    les Touaregs

  2. Tant que les rebelles sont soutenu contre un gouvernement légitime ou légitimé……des situations comme ça se dérouleront tout le temps.

  3. c’est ca la justice internationale! droit de l’homme mon oeil, tout leur baratin n’existent que sur papier…l’Afrique? c’est juste sans commentaires et on passe notre temps a joué au tam-tam et a faire la fete l’inconcience a attein son paroxisme dans les sois-disant etat africains, qui ne peuvent rien faire, n’arrive a rien sans papa occident…on appel ca pays en voi de developpement les africains dvraient pluto prendre ce mot com une insulte, enfi faudrait qu’en meme que l’insulté meme sache que c’est une insulte

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