Ce qui attend Strauss-Kahn

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Le Français devra faire des choix de défense cruciaux. Explications.

 Accepter d’être déféré devant douze jurés populaires ou négocier un "plaider coupable" avec le procureur ? C’est lundi 6 juin, date à laquelle les sept chefs d’accusation lui seront formellement notifiés, que DSK devra répondre à cette question. Celui-ci peut même exiger un procès rapide ("right to a speedy trial"), bien qu’il n’y ait pas forcément intérêt compte tenu des charges qui s’additionnent du côté de l’accusation. Ses avocats pourraient déposer des requêtes ("motions") auxquelles le procureur devra répondre point par point. "Certaines d’entre elles seront destinées à entendre des témoins et à faire pratiquer des expertises, d’autres viseront à écarter des preuves ("motions to dismiss"), et c’est le juge désigné pour suivre la procédure qui tranchera", explique Arthur Dethomas, avocat aux barreaux de Paris et de New York. La procédure risque donc de traîner en longueur, à moins que DSK ne change son fusil d’épaule et décide de plaider coupable.

Plaider coupable ?

Dans les faits, l’immense majorité des affaires se solde par cette sorte de marchandage entre le procureur et l’accusé appelée "plea bargaining". Ils décident d’un chef d’accusation et d’une peine acceptable pour les deux parties, par définition très inférieure à celle encourue dans un procès. "Cette procédure n’est pas sans danger pour DSK et dépendra de la force des preuves fournies de part et d’autre", nuance Frederick Davis, avocat aux barreaux de Paris et de New York et ancien membre du parquet fédéral de New York. Les parties peuvent par exemple tomber d’accord sur les "attouchements non consentis" et décider que DSK n’exécutera qu’une fraction de la peine correspondante. Pas question, en revanche, de faire entrer dans la négociation l’indemnité que la plaignante souhaiterait ultérieurement réclamer en justice. "Celle-ci n’a, par ailleurs, pas le droit d’intervenir dans cette négociation, même si, par courtoisie, le procureur peut être amené à la consulter", précise Frederick Davis. C’est un juge qui contrôle et homologue l’accord des parties, dont il vérifie qu’il est juste et équitable. "Il faut en effet éviter toute apparence de cadeau pour respecter les victimes", ajoute l’ancien procureur.

Droit au silence

La force de la présomption d’innocence en matière pénale est telle que DSK peut préférer s’orienter vers un procès. "L’administration de la preuve ("rules of evidence") obéit en effet à des règles strictes destinées à protéger l’accusé, souligne Ron Soffer, avocat aux barreaux de Paris et de New York. Le procureur est tenu de dévoiler l’ensemble des preuves sur lesquelles s’appuie son dossier, y compris la liste des témoins, afin de permettre à la défense de préparer le contre-interrogatoire. Il doit aussi fournir les éléments à décharge qui disculpent l’accusé." En revanche, la défense n’est pas tenue d’étaler toutes ses cartes. En outre, à l’audience, "les jurés ne connaîtront rien du dossier et se polariseront sur une seule question : celle de savoir ce qui s’est passé pendant cette demi-heure à l’hôtel Sofitel entre DSK et la femme de chambre, note Davis. À cet égard, l’interrogatoire de la jeune femme en tant que témoin sera déterminant pour relever les incohérences de son récit. Mais les avocats ne pourront pas l’interroger sur sa vie intime (a-t-elle un amant ? etc.), sauf à démontrer qu’elle a déposé des plaintes mensongères dans des circonstances similaires." Et l’ancien procureur fédéral de conclure : "Stratégiquement, DSK devra peser les risques d’un éventuel témoignage sous serment et de s’exposer à un contre-interrogatoire sur son passé, détournant par là même l’attention du jury sur des faits compromettants." Le droit au silence dont il bénéficie en vertu de la Constitution américaine est donc une précieuse garantie pour l’accusé, auquel profite in fine le "doute raisonnable". "Contrairement à la France, les jurés ne peuvent tirer aucune conséquence du fait que l’accusé ne s’exprime pas pendant son procès", insiste Frederick Davis. Si la culpabilité est reconnue à l’unanimité des jurés, la peine est cette fois fixée par le juge, qui peut décider d’additionner les peines. "Cela arrive notamment en cas de récidive", précise l’ancien procureur.

Dans le cas où DSK serait condamné, il pourrait être transféré en France pour y purger sa peine. "Il faut que les deux États soient d’accord sur ce transfert et que la France apporte des garanties suffisantes sur la peine qui sera réellement effectuée", explique Arthur Dethomas.

Vers un procès civil ?

Qu’il soit acquitté ou qu’il plaide coupable, DSK pourrait néanmoins avoir à débourser une importante somme d’argent dans un procès civil que la plaignante déciderait d’engager devant un autre jury populaire. "Devant un jury civil, le niveau de preuve de la faute est bien moins exigeant qu’au pénal, décrypte Ron Soffer. Il suffit de démontrer que la probabilité qu’il ait tenté d’agresser sexuellement la plaignante est plus importante que celle qu’il ne l’ait pas fait ("preponderance of the evidence")." La jeune femme peut à cet effet le faire citer comme témoin sous serment, ouvrant alors la porte à des révélations dangereuses. Cela se répercutera sur le montant des indemnités prononcées, qui peut être sans commune mesure avec le préjudice réel de la victime. Car aux indemnités dites compensatrices s’ajoutent des "dommages et intérêts punitifs" ("punitive damages"), qui, comme leur nom l’indique, sanctionnent une faute et se veulent dissuasifs. Le jury est libre d’en fixer le montant, qui tiendra compte aussi de la situation financière de l’accusé.

Par Laurence Neuer
Le Point – Publié le 05/06/2011 à 18:30

Pourquoi DSK n’a pas fui

Le Point a récupéré le billet de réservation du vol AF 023 à bord duquel Dominique Strauss-Kahn s’apprêtait à quitter New York quand il a été arrêté par la police. Depuis plus d’une semaine, ce billet est à l’origine de spéculations. Plusieurs médias américains et français ont affirmé que DSK avait modifié sa réservation peu de temps avant son départ, accréditant ainsi l’idée d’une fuite précipitée défendue par la police new-yorkaise. Le Point peut écrire, document à l’appui, que DSK a modifié son billet le 13 mai (ligne 37 du document), veille de l’agression sexuelle présumée, pour un départ le 14 sur le fameux vol AF 023. Aucun autre changement n’a par la suite été effectué.

Cluedo au Sofitel

D’après les plans que s’est procurés Le Point, la suite 2806 est un véritable appartement de 150 mètres carrés. " Il y a une sonnette à l’entrée, mais quand on est dans la salle de bains, on n’entend pas forcément ", témoigne cet habitué qui n’a toutefois pas souvenir d’avoir jamais été surpris par un membre du personnel. Selon la police new-yorkaise, la " rencontre " entre DSK et la femme de chambre se serait déroulée dans la chambre, dont la porte ne ferme pas à clé. La victime présumée se serait ensuite réfugiée dans la salle de bains, séparée de la chambre par un couloir de 10 mètres. DSK l’y aurait rattrapée et contrainte à nouveau.

Les mots terribles

La déposition de Steven Lane de la Special Victims Squad L’accusé a tenté d’avoir, par la force, une relation sexuelle anale et orale avec un tiers ; l’accusé a tenté par la force d’avoir des rapports vaginaux avec un tiers ; l’accusé a forcé un tiers à un contact sexuel ; l’accusé a séquestré un tiers ; l’accusé a obligé un tiers à un contact sexuel sans son consentement ; l’accusé a de façon intentionnelle et sans raison légitime touché les parties génitales et autres parties intimes d’un tiers dans le but d’avilir cette personne et d’abuser d’elle, et dans le but d’assouvir le désir sexuel de l’accusé.

Ces délits ont été commis dans les circonstances suivantes : le soussigné déclare avoir été informé par une personne connue des services du procureur que l’accusé 1) a fermé la porte de la pièce et a empêché la plaignante de quitter cette pièce ; 2) s’est saisi de la poitrine de la plaignante sans son consentement ; 3) a tenté de retirer de force le collant de cette personne et de toucher ses parties génitales de force ; 4) a forcé la bouche de la plaignante à toucher son pénis à deux reprises ; 5) a pu commettre ces actes en utilisant sa force physique.

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