« Moi j’aime l’Afrique », aime répéter Manuel Valls, de retour en France au terme d’un périple de 4 jours à travers l’Afrique de l’Ouest. Le Premier ministre français s’intéresse davantage à l’Afrique que ses immédiats prédécesseurs à Matignon. Ses fréquents déplacements sur le continent en attestent. Il proclame haut et fort son soutien aux démocraties africaines, mais les opposants aux régimes en place lui reprochent de ne pas porter la logique démocratique jusqu’à son terme.
Le Premier ministre français vient d’achever une tournée de 4 jours à travers l’Afrique occidentale, qui l’a conduit du Togo jusqu’en Côte d’Ivoire, en passant par le très anglophone Ghana. Au cours de ces quatre jours, Manuel Valls a dit et redit la nécessité de promouvoir une « alliance du XXIe siècle » entre l’Europe et l’Afrique. En mêlant les destinations anglophones et francophones et en faisant l’apologie des régimes démocratiques, il dessine lui-même les contours de cette alliance moderne, loin de la logique traditionnelle des pré-carrés et des empires.
Son récent périple a aussi été pour le chef du gouvernement français l’opportunité de marteler sa passion pour le continent africain (« Moi j’aime l’Afrique, les Africains »). Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que le locataire de Matignon déclarait aux Africains son intérêt pour leur continent, un continent qu’il fréquente régulièrement depuis les années 2000, d’abord en tant que maire, puis en tant que ministre.
Depuis son arrivée à la primature en janvier 2014, il s’était déjà rendu, avant son récent périple, au Tchad, au Niger, au Maroc, au Burkina Faso, au Mali, en Alger et au Sénégal. Il aura ainsi visité dix pays en l’espace de trente mois. Il est ainsi parmi les politiciens français de premier plan qui connaît le mieux l’Afrique, ses paysages, ses dirigeants, mais aussi sa population que Manuel Valls a rencontrée à travers la diaspora africaine d’Evry, ville dont il a été le premier magistrat entre 2001 et 2012.
« Un intérêt que l’Afrique lui rend bien », souligne Najwa El Haïté, d’origine marocaine, qui fut un temps chargée de la communication de l’ancien maire d’Evry. Et la jeune femme de citer les distinctions que les pays africains ont attribuées à Manuel Valls pour le remercier de son amitié: les insignes de commandeur du Wissam alaouite remises par le roi du Maroc en personne, l’Ordre national du Niger, la Grande-Croix malienne de l’Ordre national du mérite… , une longue liste d’honneurs africains qui témoigne de la proximité de Manuel Valls avec le continent.
Proximité
Cette proximité que semble cultiver le locataire de Matignon a une histoire. Une histoire familiale dont les racines se trouvent en Sierra Leone où le grand-père maternel de Manuel Valls s’était installé après la Seconde Guerre mondiale. Le Premier ministre a raconté sa découverte du pays d’adoption de son ancêtre et sa rencontre avec la famille métisse que celui-ci y avait fondée.
Plus importante encore sans doute, c’est la proximité qu’il a forgée en sa qualité de maire d’Evry, ville de banlieue parisienne jumelée avec Kayes, au Mali, Dakar et Nouakchott. « Une proximité paradoxale », commente Francis Kpatindé, professeur de géopolitique africaine à Sciences-Po, Paris. « Tout le monde se souvient de sa phrase malheureuse : ” il y a beaucoup trop de Blacks à Evry ” que l’on a passé en boucle dans les médias, mais on oublie que Valls était l’un des premiers édiles de France et de Navarre à travailler avec les Africains, ajoute le spécialiste. Dans son équipe, il y avait des Maliens, des Mauritaniens, des Togolais, ajoute le spécialiste, à l’image de la composition de la population de sa commune. »
Ces Africains s’appellent Saliou Diallo, d’origine sénégalaise, ou Pacôme Yawovi Adjourouvi, d’origine togolaise, ou encore le Mauritanien Ibrahima Diawadoh N’Jim, le plus connu car celui-ci continue d’occuper une place importante dans la garde rapprochée du maire d’Evry devenu depuis Premier ministre. Grâce à leur réseau très étendu au pays, ceux-ci ont pu lui ouvrir la porte de l’Afrique, notamment de l’Afrique de l’Ouest et du Maghreb. Evry et son agglomération y ont développé des partenariats techniques et culturels de longue haleine, cités comme exemple de la coopération décentralisée.
Pour la Franco-Marocaine Najwa El Haïté, aujourd’hui maire-adjointe d’Evry, qui a longtemps fait partie de l’équipe de Manuel Valls, « Evry a été un véritable laboratoire pour le futur Premier ministre qui, à la faveur des différents projets de coopération, a appris à travailler avec la classe dirigeante africaine. C’est également pendant ses déplacements sur le continent, ajoute l’élue, que M. Valls a pris conscience du retard pris par la France dans les secteurs économiques par rapport aux émergents tels que la Chine, l’Inde ou la Turquie qui investissent massivement en Afrique. »
Enjeux
Le commerce et l’économie figurent, en effet, toujours parmi les principaux enjeux des déplacements que Manuel Valls a effectués en Afrique en tant que Premier ministre. Sa dernière tournée ne déroge pas à la règle, comme en attestent les discours qu’il a tenus tout au long de son voyage de quatre jours, martelant l’urgence de « bâtir ces partenariats qui font la force de nos économies ».
D’ailleurs, les destinations n’avaient pas été choisies au hasard. Tombée du 1er au 4e rang des partenaires économiques de la Côte d’Ivoire, la France mise sur la santé économique retrouvée de cette dernière pour reconquérir ses parts de marchés perdues. Perdues surtout au profit des Chinois avec lesquels le Premier ministre entend organiser prochainement un grand sommet France-Afrique-Chine pour repérer les synergies possibles.
Au Togo, Manuel Valls a visité le port autonome de Lomé géré par le groupe Bolloré, un des poids lourds français qui a su résister à la concurrence des nouveaux venus, tout comme Bouygues, Total ou Eiffage. A Accra, capitale du Ghana, où le secteur des nouvelles technologies contribue au dynamisme de l’économie nationale, le Premier ministre avait rendez-vous avec des start-up et des incubateurs ghanéens.
Au Ghana, le locataire de Matignon a également visité le Centre d’entraînement antiterroriste de cette ancienne colonie britannique, pour sans doute rappeler ll’engagement militaire de la France dans la région depuis la guerre au Mali. Le sécuritaire a été au centre des tournées effectuées par Manuel Valls en Afrique sahélienne depuis 4 ans, en tant que ministre d’abord, puis Premier ministre. Ce rôle de « sécurocrate », il le partage avec le président François Hollande qui a la haute main, selon la Constitution française, sur la Défense et les Affaires étrangères, les fameux « domaines réservés ». Selon les journalistes qui ont participé au voyage de presse de Manuel Valls, ce dernier exerce ces missions régaliennes à l’international avec beaucoup d’enthousiasme, car cela lui permet de consolider sa stature de présidentiable.
L’ambition présidentielle du chef du gouvernement français est un secret de polichinelle. Pour Francis Kpatindé, il n’y a pas de doute, c’est pour se faire « adouber par les dirigeants africains qui comptent » que Manuel Valls s’est rendu en Afrique à six mois de la présidentielle, et « incidemment pour s’assurer que l’Afrique comme caisse de financement fonctionnerait pour lui s’il devait rentrer en campagne demain ». « C’est cela le véritable enjeu de ce voyage, poursuit Francis Kpatinde. La réussite dépend de comment il joue ses cartes africaines ».
Manuel Valls a manifestement bien joué lesdites cartes. En témoigne son adoubement par son homologue ivoirien, le qualifiant de « Valls l’Africain » lors d’une cérémonie publique, pendant sa récente tournée en Afrique. Le qualificatif « l’Africain » était réservé jusqu’ici aux présidents.
Or, cet adoubement a bien entendu un prix. Pour les opposants togolais qui viennent d’adresser au Premier ministre leurs doléances contre le pouvoir en place chez eux, ce prix est la fin d’un certain idéalisme qui avait valu à ce dernier, il y a quelques mois, les foudres de Libreville. Manuel Valls avait alors laissé entendre, lors d’une émission télévisée, que le président gabonais Ali Bongo n’avait pas été légitimement élu. Aussi, la déception a-t-elle été grande parmi les opposants à Lomé de voir le Premier ministre de la France se rendre au Togo, légitimant un président Faure Gnassingbé Eyadéma, dont ses adversaires contestent le bilan démocratique.
Par Tirthankar Chanda Publié le 04-11-2016 Modifié le 04-11-2016 à 15:03
RFI.fr
“en passant par le très anglophone Ghana.” 😕 😕 😕 😕
Tiens, j’ignorais qu’il existât des pays TRES anglophones! 😆 😆 😆
Mais à ce compte-là, vu la qualité déplorable du Français que l’on parle chez nous, on ne va pas tarder à parler du Mali LEGEREMENT Francophone! 😆 😆 😆 😆
Houbien?
Comments are closed.