de notre correspondant au Caire,
Cette campagne a effectivement commencé avec le début du procès des attentats de Charlie Hebdo et qui a pris de l’ampleur au fil des attaques à l’arme blanche et des réactions françaises sur les réseaux. Sous diverses formes les hashtag #sauf le prophète d’Allah et #sauf le bien aimé d’Allah ont assemblé des centaines de milliers de posts et nombreux sont ceux qui ont qualifié la France d’être systématiquement l’ « ennemie d’Allah et de son prophète ». Le passé colonial de la France, qualifié de « sanglant » a lui aussi été décrié.
Le tweet de l’ancien Premier ministre malaisien Mahatir Mohammad où il a écrit que « les musulmans ont le droit d’être en colère et de tuer des millions de Français pour se venger des massacres du passé » a été aimé et repris des milliers de fois avant que Twitter ne le retire. Aujourd’hui la tendance dominante sur les réseaux arabes est la multiplication des appels au boycott des produits français.
Le président français Emmanuel Macron a, lui aussi, cristallisé le mécontentement des réseaux arabes
Au départ il y a eu le discours sur le « séparatisme islamiste ». Les internautes ont largement repris l’accusation de « racisme » émise par cette autorité morale de l’islam sunnite qu’est la Grande mosquée d’al Azhar au Caire. Le discours après la décapitation de l’enseignant Samuel Paty a carrément enflammé les réseaux arabes du fait de traductions approximatives selon lesquelles le président français « approuvait et soutenait » les caricatures « offensantes » contre le prophète.
Les dessins contre le président français se sont multipliés. La tentative d’explication d’Emmanuel Macron sur la chaîne d’information qatarienne Al Jazeera a versé de l’huile sur le feu avec le hashtag #Macron tu ne nous tromperas pas#. Il est maintenant demandé au président français de s’excuser personnellement.
Il y a toutefois des voix qui vont à contre-courant
Des voix arabes qui s’élèvent, non pas pour défendre la France, mais contre le retour en force de l’islamisme par le biais de cette campagne. Pour les défenseurs de la laïcité, dont beaucoup font profil bas, les islamistes, notamment les Frères musulmans, ont profité de l’occasion pour répandre à nouveau leur idéologie réprimée en Egypte, Arabie saoudite et Emirats arabes unis où la confrérie est considérée comme « terroriste ». Le fait qu’Emmanuel Macron ait choisi Al Jazeera, une chaîne considérée comme favorable aux islamistes, est vu comme une « faute ».
Les milieux politiques et idéologiques français sont en retard de plus de deux décennies sur le reste du monde et cela explique l’isolement total de Paris dans sa gestion chaotique d’une manipulation surannée que beaucoup de pays ont toutes les peines du monde à saisir ou comprendre.
En 2020, quelques figures du paysage audiovisuel français reprennent la même rhétorique en affirmant sans rire que c’est la France, sa civilisation et ses valeurs qui dérangent alors qu’ils oublient que la guerre en Syrie, un épisode de la manipulation du Printemps arabe, a définitivement mis fin à la pertinence de l’outil du terrorisme islamiste comme moyen d’hégémonie géostratégique des grandes puissances du monde dit libre. En termes plus simples, cet outil ne fait plus recette et a fini par être abandonné pour se focaliser sur une guerre froide 2.0 pour faire face à la Chine et à la Russie.
Ce retard de compréhension des élites autoproclamées squattant en permanence l’appareil de propagande français démontre l’incapacité et le manque d’imagination des élites au pouvoir oligarchique fermé gérant la France comme une multinationale.
Le problème est que les problèmes internes et notamment sociétaux en France n’intéressent pas grand monde à l’étranger.
En réalité, Macron commence à apprendre la dure leçon de la Realpolitik à l’international, laquelle est totalement différente des manipulations et autres compromis entre copains-copines à l’intérieur du pays. L’échec patent du reconfinement illustre d’ailleurs bien l’autisme absolu de la secte au pouvoir en France.
Ce n’est pas une tâche aisée de concilier ou de ratisser large en vue d’échéances électorales importantes. Le rappel à l’ordre des émirs du Golfe, grands financiers de France, sonne la fin de la récréation mais certains diront que le mal est fait. Cela pose la question d’une remise en cause de la fâcheuse tendance au nombrilisme des élites intellectuelles françaises qui évoluent en milieu fermé et qui jugent le monde à l’aune d’une banlieue d’une ville étendue de France (syndrome du prisonnier et de la souris) alors qu’elles sont largement dépassées par la réalité d’un monde complexe et en constant changement.
Comments are closed.