Le dernier espoir des victimes d’un massacre perpétré aux confins de la RDC s’est envolé avec la décision de la Cour suprême du Canada de refuser d’entendre leur cause. Les proches des victimes ainsi qu’une coalition de groupes de défense des droits de la personne au Canada accusaient une société minière autrefois basée à Montréal, de s’être rendue complice de crimes de guerre.L’entreprise avait fourni une aide logistique aux soldats congolais qui ont durement réprimé une révolte dans la petite ville de Kilwa, en octobre 2004. Le massacre avait fait plus de 70 morts. Depuis, les habitants de Kilwa se battent pour obtenir justice. La décision de la Cour suprême vient donc de mettre un terme à leur lutte.
Avec notre correspondante à Montréal, Marie-Laure Josselin
C’est une grande déception et un dernier espoir qui s’envolent pour les familles des victimes et l’ACCI, l’Association canadienne contre l’impunité, qui les représente. Elles se battaient pour obtenir justice contre Anvil Mining. En novembre 2010, elles avaient déposé un recours collectif contre la compagnie minière, l’accusant d’avoir fourni un soutien logistique à l’armée congolaise en 2004.
Anvil Mining, qui a un bureau à Montréal depuis 2005, a admis avoir fourni à l’armée congolaise des camions ou encore de la nourriture, mais soutient qu’elle n’avait pas le choix, ses camions avaient été réquisitionnés. Mais les victimes croient le contraire.
En avril 2011, la Cour supérieure du Québec prend une décision autorisant l’action collective. Mais en janvier dernier, la cour d’appel annule la décision. Pour cette dernière, le bureau montréalais n’avait pas été impliqué dans ces massacres, il est donc inapproprié d’entendre la cause au Québec. L’affaire est alors portée devant la Cour suprême du Canada qui a donc refusé d’entendre la cause.
Pour l’Association canadienne contre l’impunité, cette affaire met en lumière les énormes difficultés que doivent affronter les victimes de violations massives des droits humains lorsqu’elles essaient d’obtenir justice.
Interrogé par RFI sur cette décision, Monseigneur Fulgence Muteba, évêque du diocèse de Kilwa-Kasenga ne cache non plus pas sa déception, mais garde toutefois espoir.
Evêque du diocèse de Kilwa-Kasenga
C’est un jour noir , une très grande déception pour les familles des victimes… Nous espérons encore qu’une instance judiciaire va pouvoir prendre le dossier en main et rendre justice.
Rappel des faits
Le 14 octobre 2004, un groupe rebelle inconnu et mal équipé, occupe Kilwa. Cette petite ville sert de base pour exportation au groupe Anvil Mining qui possède des sites importants dans la zone. Le lendemain, la 62e brigade de l’armée attaque Kilwa.
Pendant deux semaines, les exactions se multiplient. Agressions, pillages, meurtres. Plus de soixante-dix habitants sont tués. Des ONG de défense des droits de l’homme découvrent que le groupe minier a aidé les militaires en fournissant véhicules et chauffeurs. Le colonel Adémar dort même dans la maison des invités du groupe minier. Il sera arrêté avec sept de ses soldats.
En juin 2007, à Lubumbashi, le tribunal militaire déclare tous les prévenus non coupables. Malgré des témoignages accablants, le juge estime qu’il n’y a pas eu d’exécutions sommaires mais que les gens ont été tués lors d’affrontements farouches.
Depuis l’étranger, les critiques se multiplient ; les victimes se voient cependant refuser le droit de faire appel. En novembre 2010, un recours collectif est lancé au Canada. La cour suprême vient de rejeter cette demande. Les juges n’ont donné aucune explications pour justifier cette décision.
RFI / 03/11/2012