“Nous voulons seulement à manger. Si vous pouvez nous aider”, supplie Fadi, 17 ans, qui a fui les tueries de Boko Haram dans le nord du Cameroun, un “conflit oublié” au centre d’une conférence des donateurs à Oslo ce vendredi.
Comme Fadi, des milliers de Camerounais ont abandonné leurs villages situés le long de la frontière avec le Nigeria par peur d’être pris pour cible par le groupe jihadiste nigérian. Un exode qui touche tous les pays riverains du lac Tchad : Nigeria, Cameroun, Tchad et Niger.
Il y a un an, le mari de Fadi a été abattu par Boko Haram lors d’un assaut visant Gréa, leur village près de la frontière nigériane. “Ils sont entrés chez nous, ils l’ont tué et sont repartis”, explique Fadi qui affirme ne pas comprendre aujourd’hui encore pourquoi son mari a été exécuté. “Après l’avoir enterré, nous avons fui”.
La toute jeune veuve s’est installée à Kolofata, où les abris de fortune construits dans l’urgence à l’aide de tiges de mil et de paille s’étalent à perte de vue. Au total, des milliers de réfugiés.
Près d’un puits, des jeunes filles remontent un seau sans assez d’eau pour remplir leurs récipients. La saison sèche tarit les rivières.
A l’entrée du campement, des hommes assis à même le sol mangent dans la même assiette du couscous à base de mil. En bordure de route, deux femmes cuisent des beignets au feu de bois. “Il arrive souvent que nous dormions affamés”, glisse Fadi.
“Je veux à manger”, hurle une autre femme, Mariam Malabba, dont Boko Haram a tué plusieurs membres de la famille. Son bébé réclame le sein qu’elle s’empresse de lui donner. “Notre ration alimentaire est constituée uniquement de mil”, raconte-t-elle. “Du poisson et de la viande ? Non! Non! C’est un luxe que nous ne pouvons nous permettre”.
“Pour manger c’est difficile. La quantité de nourriture est très insuffisante”, renchérit un autre déplacé, Oumarou Abba, venu de Kerawa, à la frontière, avec ses trois femmes et leurs 18 enfants.
– Première distribution –
A quelques mètres du campement, une foule de déplacés attend devant l’entrée de l’hôpital public de Kolofata où le Comité international de la Croix-rouge (CICR) amorce une distribution alimentaire pour 2.500 ménages.
C’est la première fois que cette organisation internationale mène une telle opération dans cette ville où les humanitaires sont relativement absents depuis le déclenchement du conflit en 2014.
Juchés sur deux camions, des volontaires déchargent des sacs de riz, de farine et des cartons d’huile. Des agents de sécurité vérifient à l’aide de détecteurs de métaux si certains dans la foule ne portent pas sur eux des explosifs. Dans la région, des kamikazes de Boko Haram comettent de nombreux attentats-suicide.
Peu après avoir reçu son kit alimentaire, une vieille dame lève les deux mains vers le ciel pour remercier Dieu. Une autre attache son bébé dans le dos et charge sur sa tête un sac de 12 kilos de farine, reçu en même temps qu’un sac de riz, de haricots et des bouteilles d’huile.
Aidé par sa fille, un homme transporte péniblement sur son vélo deux sacs de riz et farine. “Nous sommes contents de cette aide. C’est la première fois”, se réjouit Madou Blama sous les applaudissements des membres de sa famille. “Maintenant, il nous faut des bâches pour faire la toiture de nos maisons”.
Si la distribution redonne du sourire aux déplacés, plusieurs autres affichent une grosse déception parce qu’ils n’ont rien eu. “Nous aidons les plus vulnérables. Nous avons des capacités et des moyens limités”, justifie Bah Ibrahima, coordinateur de la sécurité économique au CICR. “Les besoins sont énormes”.
Ce conflit qui dure depuis trois ans “a entraîné une crise humanitaire dans l’Extrême-Nord qui était déjà une des régions les plus pauvres et les moins instruites du Cameroun”, souligne un récent rapport de l’International Crisis Group.
L’organisation demande à la communauté internationale de “trouver des moyens” pour venir en aide à plus de “1,6 millions de personnes” ayant besoin d’une aide humanitaire d’urgence.
Publié: le 24-02-2017 par voaafrique